Livre d’un nostalgique de l’Algérie française ou comment les Algériens hantent Eric Zemmour

Né en Algérie, on ne sait quand puisqu’il ment, paraît-il, sur son âge, mais sûrement quand elle était colonie française, qu’il quitta après l’indépendance pour rejoindre la France, Eric Zemmour a essayé de comprendre pourquoi cette métropole ne ressemble plus à celle qui l’a accueilli en 1962. Son livre ne nous dira pas à qui incombe la faute si «en 1962, à l’indépendance de l’Algérie, la quasi-totalité des juifs, qui vivaient pourtant en Algérie depuis des siècles, choisit sans hésitation de suivre le sort tragique des pieds-noirs dans leur exil en France métropolitaine». La «quasi-totalité», cela signifie qu’il y en a qui sont restés, sans doute à ce jour encore, sans parler de ceux qui ont combattu pour l’indépendance, et parmi eux, ceux qui comptent parmi nos héros, morts pour l’Algérie. Ce n’est pas le but de son livre qui veut montrer que, depuis une quarantaine d’années, la France a changé, en mal, c’est entendu. Il ne pouvait le faire sans évoquer l’Algérie et les Algériens, témoins du Suicide français, titre de ce livre. Il commence par nous rappeler la thèse de «l’Algérie bradée par De Gaulle», comme si face à la lutte du peuple algérien pour son indépendance, une autre voie s’offrait à la France pour son propre salut. On sait que de Gaulle prolongea la guerre pour tenter de la gagner et fut finalement contraint à accepter le cessez-le-feu, le 19 mars 1962, et à reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple algérien qui choisit l’indépendance. Eric Zemmour reprend la vieille blague sur Colombey-les-Deux-Mosquées pour stigmatiser «l’immigration venue du Maghreb» qu’il assimile à une invasion. Il estime, dans une lecture curieuse, que «Mai 68 consacra la paradoxale revanche des partisans de l’Algérie française contre la grande Zohra», surnom donné à De Gaulle par l’Organisation de l’armée secrète (OAS, organisation terroriste créée par les partisans de l’Algérie française, dont les crimes sont pareils à ceux commis en ce moment, en Syrie, par les groupes terroristes créés avec le soutien des pays occidentaux). Au passage, il nous apprend que deux chefs d’Etat français, de droite, ont été, dans leur jeunesse, partisans de l’Algérie française : Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. Eric Zemmour ne pardonne pas à l’Histoire d’avoir suivi son cours qui consiste en la décolonisation et trouve toutes sortes de raisons fantaisistes à l’abandon par De Gaulle de l’idée anachronique d’une Algérie française. Avec la démographie des «indigènes», la France aurait été un pays de 100 millions d’habitants, une puissance démographique et Eric Zemmour en veut à De Gaulle d’avoir empêché ce «destin» de se produire. Et il en veut à l’Algérie indépendante d’avoir du pétrole et du gaz, il aurait souhaité que ces richesses servent plutôt la France. Eric Zemmour consacre à ce qui semble être son obsession, l’émigration maghrébine, plusieurs pages de son volumineux livre. Il part du «regroupement familial» autorisé par le pouvoir français pour des raisons démographiques, toujours, qui ne lui plaît pas et qu’il décrit par la dérision, à travers l’éducation qui doit être donnée aux centaines de milliers de femmes et d’enfants qui arrivent de leurs douars : apprendre «à se servir d’une brosse à dents, d’un stylo, d’une machine à laver, à suivre leurs enfants à l’école, et à ne pas égorger le mouton dans la baignoire !» Eric Zemmour ne pouvait se priver de rappeler les multiples faits anecdotiques qui ont émaillé les rapports entre la France et une catégorie de ses ressortissants, ceux qui resteront «émigrés» à travers les générations et qui ont pour nom : les Beurs. Le plus significatif est évidemment ce qui s’est passé le 6 octobre 2001, au stade de France, pour le match amical centré sur le Franco-Algérien Zineddine Zidane : la Marseillaise huée et le terrain envahi par les Beurs. Le chroniqueur du Figaro dit tout dans son livre en une phrase : «La France n’a pas reçu l’héritage de La Mecque et de Saladin, mais celui de Descartes et de Pascal.»
Houari Achouri
 

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