La défaite d’Ennahda donnera-t-elle un coup d’arrêt à l’ascension des islamistes dans la région ?

La Tunisie s’achemine vers une victoire historique du parti de Béji Caid Sebsi, Nida Tounès, face aux islamistes d’Ennahda qui ont été les premiers, au lendemain du scrutin, à admettre leur défaite. Trois ans après la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali suite à une insurrection populaire et la montée en puissance du mouvement islamiste conduit par Rached Ghanouchi, les Tunisiens ont réussi à freiner un mouvement en pleine ascension, et ce, grâce à une mobilisation continue des forces acquises à la modernité. Ces forces ont surtout su exploiter, tout au long de cette confrontation parfois sanglante entre deux projets de société, le legs culturel et politique hérité du temps de Habib Bourguiba et qui fait de la Tunisie aujourd’hui une société acquise aux idées universelles et à la tolérance, et largement immunisée contre l’obscurantisme. Même si, il faut le dire, le spectre de l’intégrisme est loin d’être circonscrit dans ce pays où des groupes radicaux ont pu se constituer durant cette période, et dont certains ont versé dans la subversion et l’action terroriste. La peur de voir les islamistes d’Ennahda alimenter la mouvance salafiste – chose qui a d’ailleurs été démontrée – aura davantage convaincu les Tunisiens de s’en démarquer à travers un vote de sanction. Cela dit, le recul enregistré par Ennahda dans cette deuxième élection de l’après-Ben Ali ne doit pas signifier la mort de l’islamisme politique dans ce pays ni la fin du chaos prémédité dans le sillage du «Printemps arabe». Car en jouant la carte de la cohabitation pacifique et de l’alternance au pouvoir, les islamistes pourront se remobiliser dans l’opposition durant les prochaines années et revenir ainsi en force. A vrai dire, cela fait longtemps que Rached Ghanouchi et son mouvement cherchaient la parade, une voie de secours, à un échec patent dans la gestion des affaires du pays. Ils savent que dans un pays surendetté et exposé à une crise économique insoutenable (l’Algérie a été sollicitée pour une aide financière urgente, en mai dernier), il sera difficile pour un gouvernement, quel qu’il soit, de garder longtemps sa crédibilité. Les libéraux sauront-ils relever le défi et offrir un vrai modèle de démocratie dans le monde arabe ? Auront-ils assez de ressources pour désamorcer le conflit idéologique qui mine la société et affronter en même temps le grand danger que constitue aujourd’hui, pour le pays et toute la région, le terrorisme lié aux réseaux internationaux ? Une chose est sûre : ils n’ont pas le droit à l’échec.
R. Mahmoudi
 

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