L’exemple à suivre : les Tunisiens ont fermé la parenthèse islamiste aussi vite qu’elle s’était ouverte

Les Tunisiens ont saisi la première occasion, les élections législatives du dimanche 26 octobre, pour signifier à Ennahda, qui était majoritaire au sein de l'Assemblée constituante sortante, que la parenthèse islamiste s’est refermée. Ils ont donné la victoire au parti laïc et anti-islamiste qui était dans l’opposition, Nidaa Tounès, qui pourra occuper 85 sièges sur les 217 sièges de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple. Les autres formations laïques, l'Union patriotique libre (UPL, 16 sièges), le Front populaire (15 sièges) et le parti Afek Tounès (8 sièges) confortent cette tendance anti-islamiste. Le taux de participation aux législatives, 69% des inscrits, alors que la mobilisation a été exceptionnelle au regard des enjeux, montre qu’il y a encore une marge d’indécis renforcée par le nombre des Tunisiens qui n’ont pas cru bon s’inscrire sur les listes électorales. Les élections ont eu lieu sur fond de dégradation de la situation sécuritaire qui a été provoquée par le laxisme, voire la complicité des islamistes d’Ennahda au moment où ils étaient au pouvoir. On sait que des milliers d’islamistes tunisiens ont été embrigadés par Al-Qaïda dans une opération financée par le Qatar pour être envoyés en Syrie combattre dans les rangs des groupes de mercenaires terroristes. Le facteur sécuritaire reste déterminant dans une région qui subit les contrecoups de l’instabilité en Libye. Dans ce contexte difficile, quel choix les dirigeants de Nidaa Tounès feront-ils pour former le nouveau gouvernement ? Et d’abord, l’alliance disparate qui constitue ce parti pourra-t-elle facilement s’entendre sur ce choix ? Une forte pression est exercée sur le parti vainqueur pour associer Ennahda dans le futur gouvernement sous prétexte qu’il faut donner au pays une majorité stable afin de faire face aux défis qu’il affronte. Le parti Nidaa Tounès va-t-il céder devant cette pression alors que les électeurs lui ont donné la victoire au nom de la démocratie et pour en finir avec les islamistes ? L’expérience algérienne a montré jusqu’où les islamistes peuvent aller dans la compromission et l’opportunisme pour entrer dans le gouvernement et y occuper, s’il le faut, quelques strapontins, à peine, dans l’espoir qu’un jour ils reviendront en force. Ceux des dirigeants et militants de Nidaa Tounès qui ont été nourris au bourguibisme et qui ont travaillé dans le régime Zinedine Ben Ali, foncièrement anti-islamiste, accepteront-ils de s’allier à leurs ennemis d’hier ? Qu’est-ce qui l’emportera dans l’option qui sera retenue par Nidaa Tounès : l’illusion qu’une alliance avec Ennahda facilitera l’application d’un programme libéral adossé à un plan antisocial, inspiré par les institutions internationales, type FMI et Banque mondiale, ou l’exigence de la mise en œuvre de réformes, décidées souverainement, à même d’améliorer la situation économique pour répondre aux besoins sociaux pressants qui ont fait bouger la population en 2011? Tout dépend de ce qui sortira de cette alternative. La principale signification qui émerge des résultats des élections législatives tunisiennes ne souffre aucune ambiguïté : la société qui avance l'a emporté sur les forces islamistes rétrogrades. Ce n’est pas une surprise, le recul des islamistes était prévisible en raison du degré de conscience des Tunisiens. Il faut se rappeler la vague de manifestations anti-islamistes de 2013, quand la population est sortie dans la rue, brandissant des drapeaux de la Tunisie, pour exiger le départ du régime d’Ennahda. Les racines du bourguibisme sont profondément ancrées dans la société tunisienne éprise de savoir et de modernité. La prochaine étape, l’élection présidentielle qui aura lieu le 23 novembre 2014, devrait confirmer cette tendance. Vive les Tunisiens !
Houari Achouri
 

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