L’éradication du terrorisme : priorité du prochain président tunisien

Le processus électoral – législatives puis présidentielle – apportera-t-il la stabilité à la Tunisie, en lui donnant des institutions élues démocratiquement, donc légitimes ? Il faudrait être bien optimiste pour en être convaincu. Comment voteront les Tunisiens aujourd’hui et si un deuxième tour est nécessaire, qui choisiront-ils pour diriger le pays durant les cinq ans à venir ? Pour la première fois depuis l’indépendance, l’élection présidentielle est libre. Formellement, ce scrutin n’est pas préfabriqué comme du temps de Bourguiba ou de Ben Ali qui arrivaient à obtenir jusqu’à presque 100% des voix. Les analystes qui suivent de près la situation politique en Tunisie parlent d’un duel entre Beji Essebssi et Moncef Marzouki et, selon leurs pronostics, le leader de Nida Tounès est bien placé pour emporter cette élection et confirmer la victoire de son parti aux législatives du 26 octobre. A 88 ans et candidat favori, Beji Essebssi pourrait être le troisième président de la République depuis que cette institution a été créée. Il terminerait son mandat à 92 ans. Habib Bourguiba était plus «jeune», 83 ans, quand il a été destitué en 1987 par Zineddine Ben Ali, pour incapacité, après trente ans de règne. Si les choses se passent ainsi, ce serait un piètre résultat pour cette «révolution du jasmin». Ponte de l’ancien système, Beji Essebssi fut une figure marquante des régimes Bourguiba et Ben Ali, mais il apparaît aujourd’hui, également, comme le symbole du barrage à l’islamisme qui a surgi, à travers Ennahda, comme l’alternative en 2011. Le leader de Nida Tounès est également perçu en Tunisie comme une personnalité compétente et à la longue expérience politique, en mesure de conduire la transition et d’écarter définitivement le risque islamiste. A ce propos, on peut dire que la thèse de l’islamisme modéré comme force pour mener les transitions dans les pays touchés par le «printemps arabe» a reçu, en Tunisie, un nouveau coup après avoir échoué une première fois en Egypte avec la mise à l’écart des Frères musulmans. Qu’attendent les Tunisiens du président élu ? Certainement, en priorité, le retour à la sécurité et l’éradication du terrorisme. Bientôt cinq ans depuis que les manifestations populaires ont entraîné la chute de l’ancien président et la seule nouveauté qui a occupé la scène en Tunisie reste l’émergence du terrorisme à travers les actions menées dans le pays même et l’envoi de mercenaires vers la Syrie pour rejoindre les groupes armés islamistes, y compris Daech. Il a suffi d’une présence d’à peine deux ans du mouvement Ennahda de Rached Ghannouchi, dans les principaux rouages du gouvernement dirigé par un de ses membres, pour que des conditions favorables ouvrent la voie à la constitution des réseaux terroristes que les services de sécurité ont décidé tardivement de combattre avec toute la détermination qu’exige leur éradication. L’instabilité dans la Libye voisine leur complique la tâche, mais ils peuvent, par contre, compter sur la coopération de l’autre pays voisin, l’Algérie, et de l’Egypte, confrontés de la même façon à l’impact de la situation instable en Libye. Il faut espérer également que le Qatar cesse ses ingérences déstabilisatrices contre la Tunisie. Les attentes des Tunisiens sont aussi d’ordre économique et social, c’est là que se trouvent les causes qui les ont poussés à se soulever contre le régime de Ben Ali. Elles sont toujours présentes : chômage, pouvoir d’achat, misère, corruption, aggravées par la chute des recettes extérieures tirées de l’activité touristique et des exportations de phosphates. C’est une transition bien remplie que devra affronter le prochain président tunisien.
Houari Achouri
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.