François Hollande s’adresse-t-il à Bouteflika en parlant de «violation de l’ordre constitutionnel» ?

«Ce qu’a fait le peuple burkinabè doit faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel.» Cette phrase est dans le discours consacré à la place occupée par le «parler français» dans le monde, que François Hollande a prononcé à Dakar à l’occasion de l'ouverture du XVe Sommet de la francophonie. A qui s’adresse ce propos qui ressemble à une mise en garde contre la violation de «l’ordre constitutionnel» ? A Bouteflika ? Les termes sont à peine voilés et l’allusion paraît tellement évidente. Elle ressort encore mieux avec la précision ajoutée par le président français: «Parce que ce sont les peuples qui décident.» Après Nicolas Sarkozy, serait-ce au tour de Hollande d'envoyer une flèche en direction d'Alger ? Pourtant, François Hollande passe pour être le président des bons mots et des pointes d’humour ; on ne lui connaît pas de style allusif. Faut-il alors «forcer» sur l’interprétation de son discours et lui faire dire ce qu’il ne pense peut-être pas ? Les Algériens s’en souviennent très bien, au lendemain de l’élection présidentielle d’avril dernier, François Hollande fut un des premiers, devancé seulement par l’Espagne, à faire savoir, par un communiqué de l’Elysée, qu’il saluait la victoire du président algérien et lui souhaitait «un plein succès dans l’accomplissement de sa haute mission» au cours de son quatrième mandat. Des médias ont même fait état, quelques jours après ce communiqué, d’une communication téléphonique de François Hollande reçue par le président Bouteflika pour le féliciter. Plus récemment, pour le 60e anniversaire de la Révolution algérienne, certains rappelaient, en le condamnant, «le soutien de l’Elysée au quatrième mandat». Sur ce point, les choses semblent claires. A moins que François Hollande ait changé d’avis, mais rien d’explicite ne permet de l’affirmer. Par ailleurs, faut-il aussi chercher un sens caché dans l’hommage appuyé rendu par Hollande à Abdou Diouf ? L’ancien président du Sénégal est présenté comme un homme d’Etat «capable à un moment de s’élever au-delà même de sa condition nationale pour devenir un acteur de la vie internationale». Diouf est présenté également comme un exemple pour avoir accepté que l’alternance puisse exister dans son pays et comme quelqu’un, enfin, qui a de l’expérience – «cela n’a rien à voir avec le nombre d’années passées à la tête d’un mandat» – et de la sagesse – «elle n’a rien à voir avec l’âge» – et de la culture – «il ne suffit pas de parler français pour avoir de la culture». Et l’appréciation sur Madagascar ? Et sur la Tunisie qualifiée d’illustration de la réussite d’un «printemps arabe» ? A travers ce discours, François Hollande veut montrer, de toute évidence, que la France entend continuer à jouer un rôle de premier plan en Afrique. Mais, face à l’«exception algérienne», tout indique qu’il a compris qu’il fallait «faire avec» ou, tout au plus, se limiter à lancer, au hasard, quelques allusions absolument somme toute inoffensives, par-ci par-là.
Houari Achouri

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