2014 : un quatrième mandat controversé, une opposition divisée et un FLN près de l’implosion (III)

Plus que la précédente, l’année 2014 a été particulièrement chargée en événements politiques. Le fait le plus marquant est incontestablement la présidentielle du 17 avril. Non pas qu’elle a constitué un pas décisif vers la consécration d’un Etat de droit et l’instauration d’une réelle démocratie. Mais parce qu’elle a vu le président Bouteflika, qui peinait à se relever d’un accident vasculaire cérébral, se représenter pour un quatrième mandat. Cette présidentielle dont le résultat était connu d’avance, comme les précédentes, a eu quelque chose de particulier : le vainqueur n’a pas fait campagne. Incapable de parler (une des séquelles de son AVC qu’il traine toujours) ni de se mettre debout (sauf devant le secrétaire d’Etat américain John Kerry), le président candidat a donc réussi la prouesse de se faire réélire sans s’adresser lui-même au peuple pour lui expliquer ses intentions et ce qu’il compte accomplir durant cet autre mandat de cinq ans. Il est peut-être le seul à le faire depuis l’utilisation du suffrage universel pour élire les dirigeants des pays.
Un pays à l'arrêt
Ce fait a assurément marqué plus d’un esprit et suscité en ce temps de nombreux commentaires, parfois des plus acides. Et même impotent, Abdelaziz Bouteflika s’est offert 81,53% des suffrages exprimés, avec un taux de participation de 50,7%. Son principal rival, l’ancien chef de gouvernement Ali Benflis, a dénoncé de manière virulente le trucage des urnes et refusé de reconnaître les résultats de l’élection. Quelques mois plus tard, il publiera le «Livre blanc» de la fraude qu’il laissera «pour l’histoire». La réélection du président Bouteflika pour un quatrième mandat a été précédée par des appels à l’alternance au pouvoir. Des formations de l’opposition, islamistes et démocrates, ont mené campagne pour le boycott. Au lendemain de la présidentielle, ces mêmes partis constituent un bloc politique commun regroupant à la fois le RCD, le MSP, Ennahda, le FJD et Jil Jadid, auxquels s’est joint l’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour. Ces formations créent la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD). Celle-ci a pu réunir l’ensemble des partis et des acteurs de l’opposition dans une conférence tenue le 10 juin à l’hôtel Mazafran de Zéralda, sur la côte ouest d’Alger. Les initiateurs de cette conférence gardent ainsi le contact avec plusieurs formations de l’opposition, notamment le pôle des Forces du changement qui regroupe les partis ayant soutenu Ali Benflis à la dernière présidentielle. Ensemble, ils mettent en place l’Instance de concertation et du suivi de l’opposition (ICSO).
Appel à une présidentielle anticipée
L’effacement du président Bouteflika, qui n’apparaît que rarement en train d’accueillir assis des officiels étrangers, couplé à ses récurrents voyages médicaux, amène l’opposition à réclamer depuis le mois de novembre l’application de l’article 88 de la Constitution relatif à l’incapacité avérée du chef de l’Etat à continuer à assumer sa fonction présidentielle et l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. Parallèlement à cela, le régime en place a mené des consultations avec d’autres formations et personnalités nationales pour la révision de la Constitution. Des consultations menées par le directeur de cabinet de la présidence de la République Ahmed Ouyahia et boycottées par l’essentiel des formations de l’opposition et même par des personnalités nationales influentes. Face à ces deux blocs politiques en confrontation, le plus vieux parti de l’opposition, le FFS, lance sa propre initiative visant à réunir toutes les forces vives de la nation, qu’elles soient au pouvoir ou dans l’opposition, dans ce qu’il appelle la conférence nationale du consensus qui se tiendra en février 2015. Mais la démarche du FFS a essuyé de vives critiques de l’opposition qui la considère comme une forme de sous-traitance pour le pouvoir et a été prise avec beaucoup de prudence et de réserves par les formations au pouvoir (FLN, RND, MPA et TAJ). Autre fait marquant de l’année qui s’achève, c’est la tournée des partis à la fois de l’opposition et du pouvoir faite par une délégation de l’Union européenne. Cette dernière s’est vite attiré les foudres des partis du pouvoir à leur tête le FLN qui accuse l’UE d’immixtion dans les affaires internes de l’Algérie. Elle a également reçu une mise au point du ministère des Affaires étrangères.
Le FLN s’enfonce dans la crise
Sur le plan strictement partisan, le FLN s’est particulièrement distingué cette année par l’accentuation des dissensions internes, surtout après les virulentes attaques d’Amar Saïdani, désigné secrétaire général du parti en août 2013 dans une réunion contestée du comité central, contre le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et son chef, le général de corps d’armée Mohamed Médiene. Les révélations sur les biens immobiliers d’Amar Saïdani dans un quartier très huppé de Paris (Neuilly-sur-Seine) et sa détention d’une carte de résidence VIP ont attisé davantage les tensions internes. La crise qui secoue le parti a fini par se déplacer à l’Assemblée populaire nationale. Des députés FLN ont même lancé une pétition contre leur secrétaire général, auquel ils reprochent aussi son statut de résident VIP en France. Le conflit va assurément se poursuivre en 2015 avec notamment les préparatifs du 10e congrès qui devra avoir lieu durant le premier trimestre de l’année qui arrive.
Rafik Meddour
 

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