Favoriser le dialogue des civilisations et des cultures

Le rôle de l'intellectuel n'est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour le pouvoir en contrepartie d'une distribution de la rente, mais d'émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité.

Le rôle de l'intellectuel n'est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour le pouvoir en contrepartie d'une distribution de la rente, mais d'émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité.
Depuis que le monde est monde, nos sociétés vivent d'utopie, car comme le dit l'adage, l'espoir fait vivre. D'ailleurs, les sociétés sont comme une pièce de théâtre où chacun a un rôle déterminé, les pouvoirs en place avec leurs cours et leurs discours contribuant à cette utopie. Les guerres et les révoltes sociales sont le contrepoids à cette utopie. L'important est d’éviter que la religion ne soit utilisée à des fins de tensions entre l'Orient et l'Occident, comme arme de guerre fratricide. C'est que les guerres de religion ont fait recette depuis des siècles alors que les livres saints ont pour fondement adhésion, tolérance et respect d'autrui. Je suis convaincu avec de nombreux intellectuels de différentes sensibilités, confessions et nationalités, depuis de longues années, que la symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident par le dialogue des cultures (le judaïsme, le christianisme et l'islam étant des religions de tolérance pour ne citer que les grandes religions monothéistes) permettront d'éviter ce choc des civilisations préjudiciable à l'avenir de l'humanité. L’intensification des relations entre l'Orient et l'Occident, la promotion de synergies culturelles, économiques et politiques sont à même d'intensifier une coopération pour un développement durable entre le Nord et le Sud, et ce, afin de faire de notre univers un lac de paix où seront bannis l'extrémisme, le terrorisme et la haine. Cela passe par une paix durable au Moyen-Orient, berceau des civilisations, les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique. Il existe des spécificités sociales nationales dont il convient de tenir compte, car sources d'enrichissement mutuel permettant de communiquer avec des cultures lointaines à travers des réseaux décentralisés où la société civile (intellectuels, diplomates, opérateurs, médias grâce au rôle important d'internet) doit jouer une fonction stratégique, car les nouvelles relations internationales fondées sur les relations personnalisées entre chefs d'Etat ont de moins en moins d'effets. Ces réseaux doivent favoriser les liens communicationnels, les aires de liberté dans la mesure où les excès du volontarisme collectif inhibent tout esprit de créativité. Dans ce cadre, il y a lieu d'accorder une attention particulière à l'action éducative, car l'homme pensant et créateur devra être à l'avenir le bénéficiaire et l'acteur principal du processus de développement. C'est pourquoi je préconise la création de grands pôles par grands continents (universités et centres de recherches) loin de tout esprit de domination comme moyen de fécondation réciproque des cultures et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles. L'Orient et l'Occident sont deux régions géographiques présentant une expérience millénaire d'ouverture sur la latinité et le monde musulman avec des liens naturels avec la culture et anglo-saxonne. Il est indispensable que l'Occident développe toutes les actions qui peuvent être mises en œuvre pour réaliser des équilibres souhaitables à l'intérieur de cet ensemble, et ce, afin de favoriser un quadruple objectif solidaire : l'Etat de droit et la démocratie politique ; l'économie de marché concurrentielle loin de tout monopole ; la concertation sociale et les échanges culturels par des débats contradictoires d'idées ; et enfin la mise en œuvre d'affaires communes, n'oubliant jamais que les entreprises sont mues par la seule logique du profit et que dans la pratique des affaires il n' y a pas de sentiments. Dans ce cadre, l'émigration, ciment des liens culturels, peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. C'est un élément essentiel de ce rapprochement du fait qu'elle recèle d'importantes potentialités cultuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l'Orient et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d'intervention l'initiative de l'ensemble des parties concernées. Pour cela, l'Occident doit, tout en tenant compte effectivement de sa situation socioéconomique, favoriser la libre circulation des personnes tout en engageant un véritable développement au profit des régions sous-développées, tenant compte du nouveau défi écologique qui devrait entraîner des mutations tant économiques que socioculturelles. Aussi, l'objectif stratégique est de repenser l'actuel système économique mondial en intégrant le défi écologique, ce système actuel favorisant la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l'avenir de l'humanité, accélérée d'ailleurs par les gouvernances des plus discutables de la plupart des dirigeants du Sud. Sur les 7 milliards d'âmes, les 2/3 sont concentrées dans la zone sud avec moins de 30% des richesses mondiales. En ce début du XXIe siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L'abondance et l'opulence côtoient d'une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l'Afrique subsaharienne, à l'Asie du Sud et à l'Amérique latine. Quand on sait que dans les 25 prochaines années la population mondiale augmentera de deux milliards d'individus, dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement, on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l'humanité si rien de décisif n'est entrepris. Faute de relever le défi de lutte contre la pauvreté, la crise mondiale actuelle constitue une menace pour le monde au cours des années à venir. La résolution de cette bipolarisation source de misère implique de s’attaquer à l’essence par un co-développement et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial (WEF) du 14 novembre 2013 qui révèle que fortement secoués par des crises politiques à répétition, bon nombre de pays sont à l'aube d'une crise majeure et sont une source d'inquiétude. Ces pays traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Ainsi, les dirigeants en sont principalement responsables par une corruption généralisée accroissant la misère du plus grand nombre, les poussant au désespoir. Le fossé entre les riches et les pauvres devient dès lors de plus en plus grand, ainsi que l’écart de revenus qui renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale étant toutes menacées. L’ampleur de la récession mondiale laisse des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse qui n’a plus de repères. Aussi, je mets en garde contre les politiques populistes de court terme, freinant les véritables réformes structurelles avec à terme les conséquences pernicieuses du chômage : une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet pouvant facilement être endoctrinée et commettre des actes terroristes, ignorant souvent les principes fondamentaux de la religion, fondée sur la tolérance. Certes, les relations entre l'Occident et l'Orient, particulièrement avec le monde musulman, sont souvent passionnées pour des raisons historiques. Ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’islam. Espérons qu'elles seront dépassées, dans le cadre des intérêts bien compris de chaque nation, notamment sur le plan sécuritaire, le terrorisme étant une menace planétaire. Le devenir solidaire conditionne largement la réussite de cette grande entreprise qui interpelle notre conscience commune, le repli sur soi serait préjudiciable à notre prospérité commune et engendrerait d'inéluctables tensions sociales. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance qui concernent l'humanité, dont une gouvernance rénovée à l'échelle mondiale englobant l'ensemble des outils et des méthodes de gestion des affaires de la Cité. En effet, avec l'interdépendance accrue de nos sociétés, la crise mondiale actuelle nous rappelle la fin de l'ère de l'unilatéralisme des années passées, l’Europe et les Etats-Unis restant certes les premières puissances économiques du monde, mais nous assistons à la montée des puissances émergentes qui entendent jouer un rôle déterminant. En résumé, l'histoire commune nous impose d'entreprendre ensemble. Comme le dit l'adage, avec une profonde philosophie, une seule main ne saurait applaudir. C'est le modeste message de cette contribution aux dirigeants de l'Orient et de l'Occident.
Dr Abderrahmane Mebtoul
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