Constitution : comment le FLN veut enterrer tamazight en feignant de vouloir l’officialiser

La proposition du Front de libération nationale pour l’officialisation de la langue amazighe dans la prochaine révision de la Constitution est un véritable cafouillis sémantico-démagogique. Alors que l’idée véhiculée par les porte-voix du parti était que le FLN, dans son «élan émancipateur», revendiquait la reconnaissance de cette langue comme langue officielle. Ainsi, d’après le document présenté dans le cadre des consultations autour du projet de révision de la Loi fondamentale, et dont nous détenons une copie, le parti d’Amar Saïdani propose notamment la révision de l’article 3 bis dans la forme suivante : «Tamazight qui est également langue nationale et officielle constitue, avec la langue arabe, l’héritage culturel et linguistique de tous les Algériens. L'Etat œuvre à la promotion de tamazight et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national.» Le texte original de la Constitution adoptée en 2008 stipule : «Tamazight est également langue nationale. L'Etat œuvre à la promotion de tamazight et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national.» A première vue, cette proposition donne comme chose acquise la reconnaissance de tamazight comme langue officielle. Faux, puisque le FLN recommande de garder tel quel l’article 3 qui stipule que «la langue arabe est la langue nationale et officielle». Il y a indiscutablement vice de forme dans la formulation de cette proposition. Pour officialiser tamazight aux côtés de l’arabe, il y a un seul moyen : l’intégrer dans l’article 3. Ce qui n’est pas, ici, le cas. Dans l’explication des «motifs» qui suivent l’énoncé de l’article en question, les rédacteurs du document se fourvoient dans des commentaires pour le moins incohérents et, à des endroits, intraduisibles. Ils arguent du fait que langue amazighe, «partie intégrante de l’identité arabe, amazighe et islamique du peuple algérien, au vu du brassage ethnique complexe (sic), est de nature à mériter d’être reconnue pour ce qu’elle est réellement (sic), c’est-à-dire un patrimoine culturel et linguistique de tous les Algériens». Dans un autre paragraphe, on peut lire : «La promotion de la langue amazighe au rang de langue officielle est un moyen symbolique devant permettre à l’ensemble du peuple algérien de s’approprier constitutionnellement et fièrement (…) la culture de ses ancêtres et son histoire immémoriale.» Tout cela devrait, selon les rédacteurs, autoriser la constitutionnalisation de tamazight. Or, cela reste alambiqué : «L’adoption de deux langues officielles, et non d’une seule, doit être une source de fierté, dès lors qu’elle enrichit le peuple et ne le divise pas, car tout ce qui contribue à l’enrichissement du patrimoine culturel est de nature à renforcer les fondements de la nation (…) La langue amazighe enrichie, dans son évolution, par des milliers de termes arabes ne tend pas à rivaliser avec la langue arabe qui demeure la véritable langue de travail en Algérie, tant à l’échelle nationale qu’internationale.» L’analyse devient plus saugrenue dans l’épilogue : «L’officialisation de tamazight devrait avoir un impact immédiat, plus symbolique que pratique, dès lors qu’il faudra attendre des décennies pour que les efforts de l’Etat pour la promotion de cette langue dans toutes ses variétés linguistiques utilisées en Algérie puissent permettre à la langue amazighe d’exercer sa qualité de langue officielle.»
R. Mahmoudi
 

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