Jean-Marie Le Pen à Algeriepatriotique : «On ne peut pas dire qu’on est en démocratie en France»

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Jean-Marie Le Pen. D. R.

Algeriepatriotique : Les derniers attentats de Paris ont accentué les divisions au sein de la société française contrairement à ce qu’affirment le pouvoir et les médias dominants. Jusqu’où ira cette dichotomie, selon vous ?

Jean-Marie Le Pen : C’est difficile à dire parce que je ne sais pas comment a été mesurée cette dichotomie. Je crois qu’il n’y a pas eu d’étude réalisée sur cette question. Mais il est évident que cela peut créer une certaine méfiance réciproque, c’est vrai ! Mais ça ne se sent pas de façon sensible. Pour l’instant, en tout cas.

Les «musulmans de France» – comme on aime les appeler chez vous – sont utilisés comme témoins-alibi pour dénoncer l’attentat contre Charlie Hebdo, mais il leur est fait quasiment interdiction de critiquer les caricatures blasphématoires contre le prophète Mohammed. Ne pensez-vous pas que cette catégorie de Français est prise en otage entre l’hypocrisie des gouvernements de droite et de gauche et la xénophobie de l’extrême droite ?

Je voudrais vous penser une question d’abord : par extrême droite, est-ce que vous entendez le Front national ?
Oui.

Eh bien ! le Front national n’est pas xénophobe du tout. Il est francophile, c’est tout à fait différent. Il n’a pas de haine ni de mépris à l’égard de l’étranger. Il a une préférence tout à fait claire pour sa patrie. Ce qui est me paraît assez normal. Et les musulmans français dont vous parlez, je ne sais pas qui leur fait interdiction de parler. Moi, en tout cas, j’ai dit ce que je pensais des caricatures blasphématoires. Je trouve que c’est un excès qu’il faut modérer. On n’a pas le droit d’insulter les religions, quelles qu’elles soient.

Il y a eu plusieurs actes antimusulmans en France après les attentats de Paris. Qui en sont les auteurs, selon vous ? Les extrémistes de droite sont-ils les seuls à «casser du musulman» en ce moment ?

D’abord, on ne casse pas du musulman. Il y a très peu de violence physique dont les musulmans ont été victimes. On peut dire même que c’est l’inverse qui se produit. Dans les faits divers, les musulmans mis en cause sont très souvent les agresseurs. Il y a eu des actes antimusulmans, faudrait-il encore les définir, s’il s’agit d’un tag sur une mosquée ou bien d’une violence physique. On ne peut pas généraliser comme cela.

Le discours raciste de l’extrême droite ne contribue-t-il pas à renforcer les rangs des extrémistes religieux dans les banlieues françaises ?

Il n’y a pas de discours raciste dans ce que vous appelez l’extrême droite. Il y a dans le Front national des gens de toutes races et toutes religions. La seule chose qui est demandée aux adhérents du Front national c’est l’amour de la patrie. Pour le reste, ils viennent souvent d’horizons politiques différents et sont de races différentes. Personnellement, et je crois vous l’avoir déjà dit, j’ai été élu la première fois député à 60 ans avec un Noir en deuxième de liste, et j’ai été le premier en France à présenter la candidature d’un Arabe à la députation à Paris, en 1956, et d’une musulmane en Ile-de-France en 1986. Par conséquent, on ne peut pas dire que le Front national soit raciste. C’est faux !

Qui sont les racistes en France ?

C’est difficile à dire. Mais je crois sincèrement que le phénomène de racisme est un phénomène de ressenti individuel. Il touche, évidemment, des gens qui se trouvent, quelques fois, coincés dans la cohabitation. Il y a des gens qui ne voient jamais des gens différents d’eux-mêmes. Ceux-là n’ont aucun mérite à avoir des opinions libérales, si j’ose dire. C’est plus difficile, quand on est quelques fois pris au milieu d’entités démographiques différentes de vous.

Votre fille prône la déchéance de la nationalité contre les Français qui s’adonnent au terrorisme, appellent au «djihad» ou en font l’apologie. Pensez-vous réellement qu’une telle démarche soit envisageable ? Que ferait la France de ses citoyens ainsi bannis qui deviendraient des apatrides ?

Je suis pour la déchéance de la nationalité, en particulier pour ceux qui appartiennent au phénomène, assez étonnant en France, de la double nationalité. Il est tout à fait normal si un Algérien, un Tunisien ou un Malien se conduisent de façon inacceptable pour la loi française qu’il soit renvoyé à sa nationalité d’origine.

Et pour celui qui n’a que la nationalité française ?

Eh bien, il sera apatride ! Ce sera une des pénalités qu’il subira et il ne sera plus citoyen français.

Beaucoup disent que le FN a dévié de la voie que vous lui avez tracée, lorsque vous avez créé et présidé ce mouvement ultranationaliste, depuis que votre fille en a pris les rênes. Le Front national est-il devenu (plus) extrémiste ?

Pourquoi dites-vous que c’est un mouvement ultranationaliste ? Il est national, en reconnaissant que la nation reste, pas seulement pour la France, mais pour tous les pays du monde, le cadre le plus performant pour défendre la sécurité, la liberté, la prospérité, l’identité, la culture et la langue d’un peuple. Il n’y a rien d’ultra dans cette opinion ni d’extrême ni d’excessif. C’est l’accusation que nos adversaires de l’UMP et du PS lancent contre nous, en étant incapables de justifier autrement leurs hostilités. Je ne crois pas que le parti ait dévié de sa voie. Je pense que sous la présidence de Marine Le Pen, il y a peut-être une attention plus importante qui a été accordée aux problèmes économiques. Cela est possible et assez normal, car ça correspond à la situation d’un pays qui connaît un chômage extrêmement lourd, qui n’a pas de croissance et connaît des problèmes sociaux très graves.

Les sondages donnent Marine Le Pen en tête de classement lors de la prochaine présidentielle française, devançant de loin les candidats des deux partis classiques, le PS et l’UMP. Comment expliquez-vous cette montée fulgurante du Front national ? N’est-elle due qu’aux récents attentats terroristes de Paris ?

Elle n’est pas fulgurante, je me permets de vous le rappeler. Le Front national a été fondé il y a quarante-deux ans. D’ailleurs, sa première affiche était «Avec nous avant qu’il ne soit trop tard». Nous avions déjà le sentiment de l’urgence des réformes à appliquer pour essayer de nous arracher à une décadence qui depuis frappe non seulement l’Europe, mais aussi la France. Je ne crois pas que les attentats sont pour quelque chose. Vous savez comme moi qu’il y a un problème médiatique qui fait que toutes les semaines on oublie ce qu’il s’est passé la semaine précédente. Je ne pense pas que cela a laissé de trace et on l’a vu d’ailleurs dans l’élection législative partielle du Doubs où les socialistes espéraient une remontée spectaculaire. En suivant la courbe de la popularité du président de la République, on s’est aperçu que le candidat socialiste a été élu à quelques centaines de voix près et il a fallu pour cela la mobilisation d’une partie de l’UMP et de tous les autres partis politiques.

Un enfant de huit ans a été auditionné par un juge pour «apologie du terrorisme». Est-ce un signe de panique chez les autorités sécuritaires et judiciaires françaises ou trouvez-vous logique qu’un enfant de cet âge-là soit assimilé à un terroriste ?

Beaucoup de gens ont considéré cette audition comme grotesque. Un enfant ne peut pas répondre à ce genre d’accusation. L’Etat n’a pas à imposer à un enfant de huit ans de répondre à cela.

Que pensez-vous de l’Etat Islamique (Daech) ? Beaucoup croient que c’est une invention des services secrets occidentaux (américains, notamment). Etes-vous de cet avis ? Pourquoi ce mouvement terroriste est-il à ce point médiatisé ? Pourquoi ces images itératives de décapitations, d’égorgements, d’exécutions d’otages, de massacres de populations, etc., dans les médias mainstream ?

Il faut reconnaître que ces images sont quand même celles qui sont d’abord diffusées par Daech avec une certaine complaisance et je dirai même une compétence évidente dans le tournage. Par exemple, l’exécution tragique de ce malheureux pilote jordanien, brûlé vif dans une cage, les angles de prise de vue montraient que, techniquement, c’était parfait. Je crois qu’il existe un mouvement, qu’il ait été aidé dans sa naissance par les aberrations de la diplomatie américaine, ce n’est pas impossible. Encore, il faut qu’on cherche pour quelle raison Bush ou Obama auraient ce type de volonté. Mais, enfin, je crois que ça existe. Je crois que la volonté de Daech de gouverner par la terreur est évidente quand on voit l’exécution de deux dizaines de coptes en Libye.

Vous sentez-vous vivre en démocratie dans la France de 2015 ?

C’est une démocratie relative. Quand on a six millions de voix et deux députés sur 577, on ne peut pas dire que ce soit véritablement une démocratie. Je crois que celle-ci progresse malgré la volonté de l’établissement de se maintenir à tout prix au pouvoir, et je pense que le peuple français imposera sa volonté et cette volonté est celle d’un parti national qui n’est pas agressif contrairement à ce que disent ses adversaires. Nous avons participé depuis 42 ans à 64 élections différentes et nous allons, cette fois-ci, au départemental, être le mouvement le plus important qui présentera le plus de candidats et je crois qu’il y aura 1 900 sur 2 000 cantons. C’est vous dire qu’aucun parti politique n’est capable d’en faire autant. Avant de finir, je voudrais ajouter quelque chose. Il y a eu la profanation du cimetière juif qui a fait beaucoup de bruit chez nous. Et moi, j’ai fait un tweet en disant que les profanations de sépultures sont ignobles, quelles que soient les religions : juive, chrétienne ou musulmane.

Interview réalisée par M. Aït Amara et Mohamed El-Ghazi

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