Interview – Le directeur d’Isla Mondial : «On ne peut pas interdire de manger halal au nom de la laïcité»
Algeriepatriotique : Avez-vous réagi aux propos du président de l’association Vigilance Halal qui demande d’interdire la viande halal dans les cantines scolaires au nom de la laïcité et sous prétexte des risques sanitaires sur les enfants ?
Algeriepatriotique : Avez-vous réagi aux propos du président de l’association Vigilance Halal qui demande d’interdire la viande halal dans les cantines scolaires au nom de la laïcité et sous prétexte des risques sanitaires sur les enfants ?
Karim Acherchour : Il faut prendre du recul dans la mesure où, aujourd’hui, on assiste à une islamophobie exacerbée par rapport à tout ce qui se passe en ce moment. Après les événements tragiques du mois de janvier, on passe, malheureusement, d’un niveau de stigmatisation à une hiérarchisation du racisme. Cette dernière est très dangereuse, parce qu’au lieu de rassembler, elle divise. Le deuxième point qui m’interpelle, voire qui m’agace, c’est que lorsqu’on parle de l’islam et de la communauté musulmane, on prend toujours l’exceptionnel pour traduire le global. Et on revient aux questions de halal. Après, il faudra prouver, encore une fois, que le halal n’a pas de problème d’alimentation et qu’il n’est pas un danger pour la santé. Après, si la décision d’interdire est une décision politique, il faut qu’elle soit légiférée, et comme nous sommes des citoyens français de confession musulmane, nous nous adapterons et nous nous plierons à cette décision. Mais au-delà de cela, je trouve malheureux et triste, encore une fois, qu’à cause de certains critères religieux, on pointe du doigt la communauté musulmane. Que vient faire la question du halal dans les cantines scolaires par rapport à un débat qui crée, déjà, énormément de tension ? Je pense que c’est rajouter de l’huile sur le feu que de continuer à surfer sur cette vague. Et tout cela à des fins vaines et électoralistes. En 2017, les campagnes électorales vont tourner autour de l’identité nationale, et ceci viendra obérer tous les problèmes sociaux tels que le pouvoir d’achat, le logement, le chômage, la retraite, etc. L’islam, aujourd’hui, est stigmatisé et cela devient un sujet électoraliste. Avant, on avait des valeurs républicaines et démocratiques qui sont : liberté, fraternité et égalité. J’ai peur que ces valeurs humanistes se transforment en espèce de slogan politique. Cela ne me surprend pas dans ce climat délétère.
On parle de neuf millions de consommateurs de halal en France. Que représente ce chiffre pour l’industrie du halal ?
Huit millions à peu près. Mais il est difficile de se prononcer sur le chiffre, d’autant qu’il n’y a pas de statistique. On parle de quatre à cinq millions de consommateurs de religion musulmane. Le halal est l’une des pratiques du culte musulman. C’est aussi un marché important du point de vue économique. Les musulmans veulent consommer du halal comme la communauté juive veut consommer du casher. On ne peut pas, au nom de la laïcité, obliger les gens à manger halal comme on ne peut pas, au nom de la laïcité, l’interdire.
Comment garantissez-vous vos produits, qui doivent être conformes aux prescriptions islamiques ?
Ils sont garantis par un organisme indépendant avec lequel nous travaillons qui s’appelle AVS. Il exerce dans la certification du halal depuis vingt ans. Il a été l’un des pionniers en France. AVS garantit l’ensemble de la chaîne de l’abattage jusqu’à l’assiette, car il ne gère pas uniquement la partie sacrifice, mais aussi le contrôle. Cet organisme certifie les produits d’Isla Mondial avec un cahier des charges assez drastique et qui répond au plus près aux règles et cahiers des charges des préceptes islamiques en la matière.
Propos recueillis par Mohamed El-Ghazi