Le baccalauréat, l’enseignement secondaire et le seuil

Depuis plus de 10 ans, la crédibilité du baccalauréat en Algérie est remise en cause. La raison évoquée est la grève des enseignants, utilisée même par la tutelle pour légitimer le seuil du programme demandé par les élèves et leurs parents.

Depuis plus de 10 ans, la crédibilité du baccalauréat en Algérie est remise en cause. La raison évoquée est la grève des enseignants, utilisée même par la tutelle pour légitimer le seuil du programme demandé par les élèves et leurs parents.
D’abord, parlons du programme : pratiquement, tout enseignant vous dira qu’il est impossible de terminer les programmes sans bourrer les têtes des élèves vu le niveau de ces derniers quand ils arrivent en terminale après avoir fait seulement 5 ans au primaire et sans connaître le moindre échec, malgré le niveau de la plupart d’entre eux mal orientés dès la seconde ainsi que les bas coefficients affectés aux matières essentielles suivant la spécialité pour assurer un bon taux de réussite pendant toute la scolarité de l’enfant quels que soit les moyens.
Parlons de l’élève : celui-ci se réjouit chaque année des grèves des enseignants et ne suit plus son professeur en classe, car il se contente des cours particuliers qui sont axés sur l’application directe du cours sans compréhension scientifique, et qui correspondent aussi aux sujets du baccalauréat basés surtout sur le déjà vu grâce aux choix des épreuves permis lors de l’examen du seuil. L’élève a compris la faiblesse de la tutelle, il exige chaque année un seuil, abandonne la classe à la fin du deuxième trimestre, exige des sujets faciles le jour J et triche de force à l’examen, car on ne lui a jamais appris ce qu’est la sanction ni ce qu’est l’échec tout lui est permis.
Parlons des parents : ces derniers ont fui leur responsabilité, ils viennent voir les enseignants de leurs enfants au plus une fois par trimestre parce qu’ils sont obligés ou lorsqu’ils sont convoqués par les professeurs ou l’administration pour les fautes de leurs enfants et lorsqu’ils sont là c’est pour accuser l’enseignant de leur enfant. Pour eux, leur responsabilité c’est de garantir les cours particuliers de leur fils.
Parlons de l’enseignant : ce dernier est accusé d’être la cause de tous les maux de l’éducation, tout le monde l’accuse, parents d’élèves, administration, élèves, tutelle, et société civile. Mais qu’en est-il en réalité, d’abord celui-ci est confronté en général à des classes de plus de 40 élèves dont au moins une quinzaine parmi eux n’ont ni le profil ni le niveau, les autres ne peuvent ni ne veulent suivre le cours en classe et préfèrent aller aux cours particuliers. Alors, la plupart des enseignants font de la garderie forcée et personne ne vient à son aide, il est seul et la plupart des enseignants se trouvent dépressifs après 20 ans de fonction et c’est pour cela qu’ils demandent une retraite à 25 ans ou partent en retraite anticipée. Maintenant, s’il est vraiment responsable de cette faillite de l’éducation qu’on le laisse partir.
Parlons de la tutelle : celle-ci se contente d’assurer la scolarisation des élèves même s’ils doivent être 60 par classe et couvrir la faillite de l’enseignement ; elle pousse les enseignants à faire des grèves illimitées chaque année pour assurer le seuil des programmes et donner aux élèves un baccalauréat au rabais, car les revendications légitimes des enseignants peuvent être réglées en deux mois, telles que le statut alors que celle-ci demande 5 ans c’est-à-dire encore 5 ans de grève. Elle refuse d’intégrer des contractuels ayant prouvé leur compétence et fait appel à de nouveaux enseignants sans expérience ni formation par un concours sans aucune transparence des résultats et avec des scandales après vérification de la Fonction publique. Ces derniers, pour une grande partie, démissionnent dès les premières semaines vu la pénibilité du métier. Elle demande à des inspecteurs d’assurer le suivi des programmes ce qui a comme conséquences dans les cours le bourrage sans application. Pour la tutelle, son but c’est de terminer l’année scolaire, quels que soient les moyens.
Parlons de la législation : la violence n’a plus aucune limite à l’intérieur des établissements scolaires sans trouver de solution au phénomène vu que la législation ne permet pas de renvoyer les élèves ni les diriger vers des centres de formation. Les proviseurs aujourd’hui évitent les conseils de discipline, car la décision finale devient administrative et non pédagogique. Je ne peux terminer cet état des lieux sans donner des solutions personnelles.
Commençons par la réforme de l’enseignement général dans le secondaire :
– il est temps pour terminer tous les programmes et leur application d’appliquer le programme du secondaire en 4 ans ;
– augmenter les coefficients des matières essentielles ;
– assurer une première partie du baccalauréat en troisième année secondaire avec certaines matières pour alléger la quatrième année secondaire ;
– assurer uniquement les matières essentielles en quatrième année secondaire ;
– revenir aussi à l’enseignement technique.
Pour la tutelle, commencer par intégrer tous les contractuels ;assurer un statut digne pour l’éducation qui ne demande pas trop de temps pour son élaboration ; planifier le recrutement à partir des écoles normales en assurant les besoins futurs et les départs en retraite ; revenir aux contractualisations avec des étudiants pour assurer la discipline à l’intérieur des établissements.
Pour les élèves, permettre aux perturbateurs d’être affectés dans des établissements spécialisés et rendre la pédagogie à l’enseignant.
Pour les parents, les responsabiliser sur les comportements de leurs enfants en payant les dégâts occasionnés ainsi que leur assiduité en faisant appel à la justice dans les cas extrêmes.
Pour les enseignants, leur donner tous les moyens matériels et pédagogiques pour assurer leurs devoirs et sanctionner en cas de manquement.
Pour les cours particuliers, le seul moyen de les limiter, c’est d’obliger l’élève à suivre ses cours et de revoir les sujets proposés au baccalauréat.
Hakem Bachir
Professeur de mathématiques au lycée Colonel-Lotfi d’Oran
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.