Le Conseil de la concurrence, le monopole et la rente

Par Abderrahmane Mebtoul – La pratique saine des affaires ne s'accommode pas du monopole source de surcoûts et de mauvaise qualité des produits, d'où l'urgence de l'Etat régulateur stratégique. Ainsi, deux questions se posent : pourquoi donc l'Etat n'a-t-il pas appliqué ses propres lois et pourquoi n'a-t-il pas fait jouer son rôle de régulateur stratégique pour favoriser la concurrence ? Cela ne s'explique-t-il pas par des enjeux de pouvoir, existant des liens dialectiques entre la logique rentière et la logique du monopole qui favorise les délits d'initié renvoyant à l'urgence d'une profonde moralisation des institutions ? Pourtant, la loi est claire renvoyant à six axes principaux. Premièrement, les ententes entre entreprises qui visent à obtenir un niveau de prix supérieur à celui qui résulterait d'une situation concurrentielle (article 6 de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Deuxièmement, les abus de position dominante, c'est-à-dire les situations où une entreprise et parfois plusieurs entreprises, sans avoir besoin de s'entendre, disposent d'une position sur le marché suffisamment puissante pour fixer leurs prix (ou leurs conditions commerciales) à un niveau supérieur à celui qui résulterait d'une situation concurrentielle (article 7 de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Troisièmement, les abus de dépendance économique : ce type d'abus est le fait d'entreprises en position dominante dans leurs relations avec des opérateurs économiques qui n'ont d'autre choix que de traiter avec elles (article 11 de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Quatrièmement, la pratique de prix abusivement bas ayant pour effet d'éliminer ses concurrents pour ensuite relever ses prix au-dessus d'un niveau raisonnable (article 12 de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Rappelons la réunion en date du 19 mars 2015 des membres de l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB) concernant le conflit qui l'a opposée à l'entreprise N'gaous qui avait décidé de baisser ses prix. A ce jour, on ne sait pas si ce Conseil s'est réuni ou pas pour prendre une décision. Cinquièmement, tout acte ou tout contrat conférant à une entreprise une exclusivité (article 10 de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Sixièmement, interdiction des opérations de concentration qui aboutissent à la création d'une position dominante (article 15 et suivants de l'ordonnance modifiée et complétée n°03-03 du 19 juillet 2003). Le contrôle de ces opérations se distingue du contrôle des autres pratiques énumérées ci-dessus dans la mesure où leur contrôle est préventif et a pour objectif d'empêcher la création «artificielle» de positions dominantes qui seraient ensuite en position d'abuser de leur position. L'ordonnance de 2003 avalisée par celle de 2008 précise que les agents économiques doivent notifier à ce Conseil leurs opérations de concentration lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte à la concurrence et qu'elles atteignent un seuil de plus de 40% des ventes ou achats à effectuer sur un marché. C'est dans ce cadre que la loi consacre une exception à ce principe en accordant la faculté au gouvernement d'autoriser, lorsque l'intérêt général le justifie, les concentrations économiques rejetées par le Conseil de la concurrence à chaque fois que des conditions économiques objectives le justifient. L'essence du mal réside dans le manque de visibilité et de cohérence dans la politique socioéconomique de l'Algérie, en fait à l'instauration d'un Etat de droit et à une bonne gouvernance. La fin d'un monopole avec une saine concurrence est liée à la morale et à une véritable démocratisation facilitant les contre-pouvoirs. Les opérateurs qu'ils soient algériens ou étrangers désirant investir à moyen et long terme dans les segments à valeur ajoutée doivent être rassurés par une saine concurrence, et ce, dans tous les segments. D'autant plus que l'Algérie est liée à un accord pour une zone de libre-échange avec l'Europe depuis le 1er septembre 2005 et qu'elle aspire à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dont elle est observatrice depuis 1987.
A. M.
Ndlr :
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