Terroriste pour qui ?

Par Saâdeddine Kouidri – En Algérie, après octobre 88, pour casser l'élan des jeunes à la démocratie, le pouvoir s'est allié aux islamistes qui ont profité de cette aubaine en utilisant la terreur de la loi islamique qui se résume dans l'injonction du «jouz et layajouz» (passe, ne passe pas) ou «haram et halal» (licite et illicite) pour s'imposer à l'Etat qui a fini par leur concéder anticonstitutionnellement une légalité à leur organisation appelée le Front islamique du salut. Tous les partis politiques, excepté le FFS, se sont tus sur cet acte anticonstitutionnel. C'était le temps où la police se barricadait dans les commissariats, qui étaient parfois la cible de ces islamistes. C'était le temps où les militants du FIS, ces terroristes, brûlaient femmes, hommes, enfants et nourrissons, assassinaient au quotidien et partout. La société résistait et les victimes étaient nombreuses. En ce temps, les Occidentaux faisaient sciemment l'amalgame entre victimes et bourreaux, et expédiaient chez nous leurs ONG pour décapiter ce qui restait des institutions et pourquoi ne pas le dire dans le but de nous ramener à l'indigénat et rétablir leurs harkis. Normal que pour eux en ces temps, les assassins du peuple algérien n'étaient pas des terroristes, mais des militants en armes qui se vengeaient de l'arrêt du processus électoral, mais pas seulement. Au fur et à mesure de la résistance algérienne, l'allié naturel de la société civile algérienne devenait l'ennemi principal des islamistes et de leurs alliés occidentaux. Pour plusieurs de ces pays et particulièrement les pouvoirs français et étasunien, leur dessein était de faire apparaître l'Armée populaire comme l'unique récalcitrant au pouvoir des islamistes ? Paradoxalement, c'est ce dessein, repris au quotidien par leurs médias, qui a donné plus de tonus, plus de courage à la résistance des patriotes, des syndicalistes, à leur tête Benhamouda, des femmes, aux militants de la démocratie, à leur tête Hachemi Cherif et Saïd Sadi. Aux médias occidentaux, on répétait implicitement cette vérité : l'Armée nationale est à la pointe de la lutte contre le terrorisme. Cette fidélité à la République renforçait la résistance et ramenait Boudiaf à la présidence dont l'acte majeur a été l'interdiction du FIS. Pourquoi un quart de siècle après, une certaine presse continue dans le même amalgame ? Reuters, reprise par Le Figaro et Le Nouvel observateur, parle de militants, ces 25 terroristes mis hors d'état de nuire ces derniers jours par l'armée à Boukram, à l'ouest de Lakhdaria. Si on pouvait dénoncer facilement l'amalgame d'hier, je ne crois pas qu'on puisse le faire aussi aisément aujourd'hui. Je comprends qu'un historien prenne le temps pour écrire l'histoire, mais il me semble qu'après plus d'une décennie, aucun ne s'est fixé comme devoir d'écrire l'épopée du peuple algérien face à un ennemi aussi cruel que le colonialisme. Ce manque découlerait-il de leurs idées fausses sur la question ? La remise en cause perpétuelle des acquis de la résistance depuis la mort de Boudiaf, ce premier résistant, en serait-elle une autre raison ? Dans un pays où le Parlement rejette la pénalisation de la violence contre les femmes, refuse à l'enfant la protection nécessaire, dans une université où un gardien empêche une étudiante d'accéder à la salle d'examen à cause de sa jupe et que le responsable de ce gardien est récemment promu aux plus hautes fonctions de l'Etat, on a le droit, après plusieurs cas similaires comme celui d'élever un ancien chef terroriste au rang de personnalité nationale, de se poser la question sur l'efficacité de la lutte antiterroriste, quand la terreur, effectivement, n'est plus d'un seul côté, quand elle tend à s'institutionnaliser. La question aux officiers supérieurs de l'armée que je suggère à M. Hamrouche, ex-chef de gouvernement réformateur est : comment acceptez-vous à la fois de mettre hors d'état de nuire des terroristes et de fréquenter ou ne serait-ce que croiser pacifiquement leurs commanditaires dans un lieu public ?
S. K.

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