Ecartés des événements politiques importants : les médias publics servent-ils encore à quelque chose ?

Dans le tumulte des débats qui foisonnent depuis quelques semaines dans tous les médias et autres forums de discussion, autour des événements importants qui déterminent l’avenir de la nation et des profondes circonvolutions qu’ils ont provoquées dans le champ politique, les médias publics sont restés à la marge, en s’accommodant d’un anachronisme qui n’a plus sa raison d’être à l’ère de la communication numérique et de l’Internet. C’est le cas par exemple de l’information relative à la mise à la retraite du désormais ancien patron du DRS, un personnage clé de la décision en Algérie, qui a été commentée par les médias du monde entier. Dans les médias gouvernementaux algériens, c’est toujours un sujet tabou. Une curieuse situation qui ne s’expliquerait pas seulement par l’ancrage de la pensée et du parti uniques au niveau des institutions médiatiques étatiques. Il est vrai que le pouvoir a trouvé une sorte de palliatif, en orientant insidieusement la communication sur les questions «sensibles» vers les médias parapublics, qu’il finance en sous-main, à l’image des chaînes de télévision privées comme Ennahar TV ou Echourouk TV et aussi vers un certain nombre de titres de la presse écrite appartenant aux mêmes groupes. Ces derniers, tout en développant les thèses et autres plans politiques des décideurs, avec parfois toutes leurs contradictions et leur incongruité, participent à canaliser l’opinion dans le sens voulu. On l’a vu, à maintes reprises, à l’occasion des campagnes électorales et des événements politiques majeurs où, pour distiller leurs messages ou pour abattre politiquement un adversaire par exemple, les officiels et différents porte-voix du pouvoir envahissent les plateaux de ces chaînes qui, jusque-là, n’avaient pourtant aucune existence légale. En s’appuyant sur ces médias, même sans s’en revendiquer publiquement, le pouvoir a pris le risque de promouvoir des tribunes qui diffusent en même temps les idées les plus rétrogrades du salafisme. La question qu’on ne peut s’empêcher de poser, alors, est de savoir si les médias officiels servent encore à quelque chose. S’ils ne relaient pas les principales informations qui agitent l’opinion, si leur rôle est réduit à diffuser l’activité protocolaire du chef de l’Etat et des ministres à longueur de journaux télévisés et ne s’ouvrent pas au débat pluriel, s’ils ne veulent pas se départir de leurs vieux réflexes, pourquoi l’Etat continue-t-il à les maintenir en vie et à leur allouer des budgets chaque année plus fournis ? Une interrogation qui a été soulevée depuis des années, mais qui revient aujourd’hui avec plus d’acuité, au vu des mutations radicales que connaît le monde des médias et qui ne justifient plus la situation actuelle. Mais, comble de l’absurde, au lieu de réduire le gâchis, le pouvoir a, en quelques années, multiplié le nombre de chaînes de télévision publiques et de stations régionales de radio, toutes aussi aseptisées et, à vrai dire, inutiles les unes que les autres.
R. Mahmoudi

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