Combattre Daech devrait commencer par faire le ménage chez soi

Par Sonia-Linda S. – Je reste perplexe quand j’entends les dirigeants des grandes puissances occidentales se lamenter à longueur de journée, notamment depuis les attaques de Paris, menaçant de déclencher une guerre totale contre Daech, au moment où des milliers de combattants de l’organisation terroriste opèrent partout en Europe et ailleurs, à Paris comme à Bruxelles, Berlin, Londres pour ne citer que ceux-là. Ces mêmes dirigeants semblent oublier une chose essentielle, le fait que Daech leur mène une guerre médiatique. L’organisation terroriste investit de gros moyens dans sa campagne de propagande, exploitant tous les supports qu’offrent aujourd’hui le numérique, notamment les réseaux sociaux, qui constituent une aubaine pour ce genre d’organisation, et un espace qui s’est avéré très efficace notamment dans le processus de recrutement de djihadistes en Europe, d’esclaves sexuels, mais aussi dans les affaires, plus particulièrement dans la conquête du marché mondial du brut. Il est donc clair que les stratèges opérant pour le compte de ce réseau terroriste ont en fait très bien compris que les mots, les images ont une résonnance particulière, et une importance capitale dans le fonctionnement de leur entreprise abominable. Cela étant, une action militaire concertée et globale pourrait effectivement réduire les capacités de nuisance de Daech, mais ne permettrait pas, à en croire les experts, de détruire totalement l’organisation, qui est selon toute vraisemblance devenue un Etat doté de vastes territoires, avec l’ambition démesurée d’instaurer le califat à travers l’ensemble des Etats musulmans. Cela dit, la priorité aujourd’hui, faut-il en conclure, est de commencer à faire le ménage chez soi et s’attaquer aux racines du mal, qui consistent à démanteler toutes les structures implantées déjà depuis très longtemps en Europe et ailleurs, s’attaquer aussi aux supports médiatiques de l’organisation terroriste, qui lui permettent de faire circuler ses discours radicaux parmi les musulmans modérés, ciblant en priorité les jeunes. En tout cas, l’arme la plus redoutable aux mains des salafistes demeure le support médiatique, qui constitue un réel challenge face à l’Occident ; à Londres, par exemple, des chaînes de télévision acquises visiblement à la mouvance salafiste diffusent librement et défendent implicitement le djihadisme, financées en grande partie par de richissimes monarchies du Golfe, à l’image d’Al-Magharibia. Ce type de média ne cache d’ailleurs pas son alignement aux thèses de la mouvance wahhabite prônées par Riyad et Doha, et de surcroît porte le sigle d’un parti islamiste, en l’occurrence le FIS interdit en Algérie. La chaîne a été, faut-il le préciser, créée avec un seul objectif, faire basculer l’Algérie dans l’anarchie et le chaos, une première étape vers un grand projet visant à déstabiliser toute la région du Maghreb, pour permettre à la nébuleuse Daech d’entrer en scène, en vue du parachèvement de son plan initial : instaurer le califat. Surtout que le terrain sur le plan régional est propice, avec notamment la présence d’éléments affiliés à Daech en Libye et certainement en Tunisie. En tout état de cause, les agents du Qatar, parmi les animateurs d’Al-Magharibia, ne comptent pas lâcher prise, l’Algérie demeure leur cible privilégiée, ils adoptent d’ailleurs la même tactique que celle des auteurs de l’attentat de Paris, en s’attaquant à tout ce qui représente modernisme et esprit d’ouverture sur le monde et sur la culture des autres, notamment la catégorie d’Algériens qui s’expriment, innovent et communiquent dans la langue de Molière. Justement, il y a à peine quelques jours, un des animateurs de cette chaîne, en l’occurrence le dénommé Salim Salhi, un opportuniste de premier plan, a lancé une attaque viscérale contre les participants à un colloque du FCE qui s’est tenu à Alger, les qualifiant d’enfants de la France, tout simplement parce qu’ils ont choisi d’intervenir lors de la rencontre en langue française. Cela montre clairement la convergence de vue entre les positions de ce prétentieux et celles des adeptes de l’islamisme pur et dur, qui s’attaquent à tout ce qui relève de la culture universelle. C’est pour cette raison qu’il va falloir engager cette guerre contre les barbares de Daech, au niveau interne, un prélude pour une guerre globale contre les visées diaboliques de cette organisation sanguinaire et abjecte.
S.-L. S.
Londres

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