Turquie-Russie : chronologie d’une guerre par procuration

Par Zerrouk Benmokhtar – La Turquie abat un avion russe qui a violé son espace aérien, ce dont se défend Moscou qui affirme que le bombardier Su-24 se trouvait dans l'espace aérien syrien. Le président russe Vladimir Poutine avertit Ankara et dénonce «un coup de poignard dans le dos». Plusieurs sujets opposent la Turquie et la Russie depuis 2011, date de commencement du conflit, parmi eux la Syrie, les Kurdes et la Crimée. La Russie mène depuis le 30 septembre des frappes aériennes contre les groupes opposés au régime de Bachar Al-Assad, dont le groupe terroriste autoproclamé «Etat Islamique» (EI/Daech) en Syrie. Par contre, la Turquie, membre de l'Otan, participe de son côté à des frappes aériennes d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis qui visent également ce groupe. Mais les incidents à la frontière turco-syrienne se sont multipliés entre Ankara et Moscou, de façon à amener la Turquie a dénoncer à plusieurs reprises cette intervention. Le régime d’Ankara exige, au sein de la coalition américaine, le départ de Bachar Al-Assad, tandis que Moscou, avec l'Iran, soutient le président syrien. Début octobre, un avion de combat russe viole l'espace aérien turc que des chasseurs F-16 turcs interceptaient, deux jours plus tôt, à la frontière syrienne, le contraignant à rebrousser chemin. Moscou avait alors mis en cause les «mauvaises conditions météorologiques». L'armée turque avait également abattu le 16 octobre un drone non identifié près de la frontière syrienne, après avoir ignoré les mises en garde qui lui avaient été adressées, selon le chef de la diplomatie turque, poussant Moscou à démentir qu'il s'agissait de l'un de ses appareils. L'appareil s'est écrasé à «trois kilomètres» à l'intérieur du territoire turc. Peu de temps après, cette même armée annonce sur son site internet que deux chasseurs F-16 «faisant partie d'une patrouille de 10 avions sont harcelés par un Mig-29 non identifié à la hauteur de la frontière syrienne». John Kerry, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, déclare au sujet de ces deux incursions : «Nous sommes très préoccupés par cela, car c'est précisément ce genre de choses pour lesquelles la Turquie défend ses droits et cela aurait pu aboutir à ce que ces avions soient abattus.» Un autre avion militaire russe a volé dans un rayon de cinq miles (environ 8 km de la frontière turque) et est peut-être entré dans l’espace aérien de la Turquie, selon les déclarations des officiels turcs et américains. Mais un responsable militaire américain indique que l’incident avait failli dégénérer en affrontement armé. Ce qu’il faut savoir, c’est que les Américains sont au courant de toutes les virées des avions de combat russes dans l’espace aérien turc et leur timing de décollages. Il faut savoir aussi que depuis juin 2012, la Turquie maintient une zone tampon de 8 km à l’intérieur de la Syrie, date à laquelle un missile syrien de défense aérienne a abattu un avion de chasse turc qui s’était égaré dans l’espace aérien syrien. La tension est montée d’un cran entre les deux parties le mardi 24 novembre lorsqu’un avion de combat Su-24 russe qui participait à des bombardements contre des groupes armés syriens au nord de Lattaquié, dans l’extrême nord-ouest de la Syrie, tout près de la frontière turque, est abattu par l’armée turque. Ankara a justifié tout de suite son recours à la force en évoquant le viol de son espace aérien, ce que conteste Moscou. L’état-major turc a affirmé que le chasseur-bombardier russe avait été mis en garde «dix fois en l’espace de cinq minutes». Deux avions F-16 turcs auraient alors attaqué l’avion russe, au «nom du respect de la souveraineté nationale». Les responsables de l'armée américaine ont tout de suite appuyé les déclarations des militaires turcs qui affirment avoir mis en garde le bombardier russe à 10 reprises avant de l'abattre mardi près de la frontière syrienne. Les deux pilotes ont pu s'éjecter avant le crash, mais selon l'état-major russe, l'un des deux est mort près de la frontière avec la Syrie, l’autre est sauvé dans l'opération menée par une unité d'élite des services de renseignements de l'armée de l'air. L'annonce par la Russie qu'elle allait déployer des missiles antiaériens dernier cri sur sa base de Hmeimim en Syrie soulève «de sérieuses inquiétudes» chez les militaires américains, selon un haut responsable, et risque d’aggraver la suite du conflit. De quoi alimenter les tensions entre les deux pays. Les réactions ne vont pas tarder à venir ; par la bouche du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, qui appelle «au calme et à la désescalade» après cet incident grave. Ahmet Davutoglu, le Premier ministre turc, justifie cette frappe, en affirmant qu'il était de son «devoir» de tout faire pour protéger ses frontières. Pour sa part, le président turc Recep Tayyip Erdogan se défend et déclare que son pays a le droit de «protéger ses frontières», après que l'armée turque a abattu plus tôt mardi un avion russe près de la frontière syrienne, et d’ajouter que la Turquie veut éviter toute «escalade» avec la Russie après l'incident au cours. Le président américain Barack Obama affirme que la Turquie avait le «droit» de défendre son espace aérien après qu’Ankara eut abattu mardi un avion militaire russe à sa frontière avec la Syrie. Deux jours après le crash du bombardier russe abattu par l'aviation turque à la frontière syrienne, la Russie écarte une escalade militaire dans la région, et passe aux mesures de rétorsion économique contre Ankara qui assure vouloir coopérer avec Moscou. Depuis cet incident, le plus grave pour Moscou depuis le début de son intervention militaire en Syrie le 30 septembre, les dirigeants des deux pays ont fait vœu d'éviter toute escalade militaire dans la région. Mais contre toute attente, la Turquie décide de suspendre «provisoirement» ses frappes aériennes contre le groupe terroriste Daech en Syrie dans le cadre de la coalition internationale afin d'éviter tout nouvel incident avec la Russie.
Z. B.

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