Benflis : «La révision constitutionnelle est le produit de la panique»

Le président du parti Talaie El-Houriyet, Ali Benflis, ne croit pas à la «démocratisation» de l’Algérie à travers une révision non consensuelle de la Loi fondamentale. S’exprimant aujourd’hui samedi dans un meeting à Annaba, l’ancien chef de gouvernement considère ce projet de révision engagé par le pouvoir comme «le produit de la panique que les révolutions arabes ont créée au sein du régime politique en place». L’engagement du président Bouteflika de faire des réformes politiques n’a pas été fait ni au premier mandat, ni au second, ni même au début du troisième mandat. Cet engagement, estime-t-il, a été fait sous la pression des révoltes arabes. «La révision constitutionnelle ne s’inscrivait nullement dans un dessein démocratique sincère, mais n’avait pour seul but que de prémunir ce régime contre l’effet contagieux de ces révolutions arabes», assure Ali Benflis qui parle d’un leurre pour tromper l’opinion. Le président de Talaie El-Houriyet affirme que «la question légitime qui se pose avec insistance est celle de savoir si les objectifs originels de la révision constitutionnelle sont toujours les mêmes cinq années après ou si, au contraire, ces objectifs ont changé et qu’enhardi par l’échec des révolutions arabes, le régime politique en place ne lui assigne pas d’autres objectifs plus conformes à son souci de se pérenniser à tout prix ». Car, insiste-t-il devant un parterre de militants, «mettez la Constitution de la plus grande démocratie dans le monde entre les mains du régime politique algérien et vous verrez qu’elle perdra son sens, sa force et son effet aussitôt». Pour Ali Benflis, qui a eu à occuper de hautes fonctions au sein du pouvoir durant l’ère du président Bouteflika, «la Constitution n’est pas affaire de lettre ou d’esprit, elle est affaire d’hommes qui la respectent ou ne la respectent pas». «Si un responsable politique ne parvient au pouvoir et ne jure la main sur le Saint Coran de défendre et de protéger la Constitution que pour se précipiter, à la première occasion, de lever la limitation de ses mandats, de s’emparer des prérogatives de son chef de gouvernement et de réduire encore plus les maigres pouvoirs du Parlement, comment le suivre sur la voie de sa révision constitutionnelle et comment donner crédit aux visées démocratisantes prêtées à son projet ?» s’interroge Benflis pour lequel «le mal profond dont souffre notre pays n’est pas dans sa Constitution, mais bel et bien dans son système politique dont le fonctionnement ne reconnaît aucune limite, pas même celle posée par la Constitution et les lois de la République». Ali Benflis décrit «un système non démocratique ne s’encombre pas de considérations constitutionnelles». «Il les ignore, les enfreint ou les viole au moment de son choix et dans les formes qu’il veut. En conséquence, il n’y a rien à attendre d’un système non démocratique qui prétend doter le pays d’une Constitution démocratique après qu’il a consacré seize années, à l’édification d’un pouvoir autocratique et personnalisé à l’extrême». Ce responsable politique, qui milite pour le retour à la légitimité des urnes, assure que «la Constitution démocratique que l’Algérie attend sera l’œuvre d’un système politique démocratique ou ne sera pas». La Constitution n’est à ses yeux que l’autre nom du pacte social de la nation. «Pour être irrécusable, elle doit être l’œuvre de forces politiques, légitimes et représentatives ; elle doit emporter l’adhésion de la collectivité nationale ; elle doit être le reflet d’un consensus ou d’un accord national le plus large», soutient ce juriste et ancien premier responsable du FLN. Ali Benflis considère qu’un régime politique peut s’employer à avoir sa Constitution pour des raisons qui lui sont propres ou dans le cadre de calculs politiques qu’il est le seul à faire, mais une telle Constitution ne sera jamais acceptée comme étant celle de la République». Mieux encore, il assure qu’une conjoncture de vacance du pouvoir comme celle que nous vivons ne peut-être propice à quelque révision constitutionnelle que ce soit. «Une telle conjoncture donne immanquablement lieu à des questionnements, sinon à des inquiétudes quant aux auteurs véritables d’une telle révision constitutionnelle, quant à la réalité des intérêts qu’ils défendent à travers elle et quant aux desseins inavouables qu’ils lui assignent», conclut Benflis qui invite les militants du parti à une forte mobilisation pour expliquer dans le détail le programme national du parti.
Sonia Baker

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