Aït Ahmed n’est plus : qui pour s’opposer à présent ?

Par Youcef Benzatat – Le dernier opposant, Da L’Hocine, s’en est allé, emportant avec lui son rêve, celui de voir se réaliser l’espoir d’une Algérie algérienne, ni arabo-musulmane ni berbériste, seulement démocratique et sociale. Ce même rêve qui guidera toute son action politique dès son adolescence. Il s’opposera à l’occupant colonialiste et au mépris de sa loi électorale et la fraude systématique qui l’accompagnait, qui fera de lui le militant engagé par sa radicalisation dans l’opposition à la méprise coloniale, en endossant les premiers rôles dans la branche armée du mouvement national, l’Organisation spéciale (OS). Il s’opposera à tous les compromis douteux dans les négociations avec l’ennemi, en sillonnant le monde pour faire entendre l’intransigeante volonté de souveraineté du peuple algérien. De Bandung à l’ONU, il fera entendre au monde entier la volonté inaliénable du peuple algérien dans sa détermination à lutter contre le colonialisme jusqu’à la victoire finale. Toute la victoire et rien de moins. Il était convaincu que c’était le seul chemin qui mènerait le peuple, auquel il appartenait, à la souveraineté, à la dignité et à la restitution de sa place parmi l’humanité libre et émancipée de la servitude. Il en était convaincu à tel point que le principe de conviction était devenu le principal trait de caractère par lequel le percevaient tous ceux qui redoutaient sa personnalité et son militantisme. Il ne cessait de répéter lui-même, en toute circonstance et à toute occasion, qu’il était un homme de conviction, par opposition à l’opportunisme, à la compromission intéressée, jusqu’à la trahison des idéaux collectifs de tout un peuple. Sa conviction en la nécessité de poursuivre le combat jusqu’à la libération effective du peuple, auquel il s’identifiait, l’a amené à se désolidariser violemment de l’opportunisme de la confiscation de la victoire sur le colonialisme, déguisée en triomphalisme de l’accomplissement du mythe révolutionnaire. Aït Ahmed est de ceux pour qui l’esprit révolutionnaire ne peut se définir par une action, mais à un mode d’être, autant que la révolution ne peut se mesurer par un objectif, mais à une action permanente pour l’émancipation perpétuelle des conditions humaines. La force de sa conviction n’avait jamais déserté son action jusqu’au dernier souffle de sa vie. Après avoir pris les armes contre le nouvel occupant, issu des propres souffrances millénaires du peuple algérien au tournant de l’indépendance nationale, qui se solda par un échec irrémédiable, il préféra délocaliser le combat dans l’exil que de se laisser happer par tout ce qu’il y a de plus méprisable et dégradant chez l’homme, le déshonneur dans l’arrogance contre le faible, la vanité outrancière, la cupidité et l’autosuffisance dans l’ignorance. Par sa conviction profonde en la nécessité que la vie ne vaut d’être vécue que dans la quête de son ennoblissement, il la consacra au désir de créer les conditions à la fondation d’une république qui garantirait le salut du peuple et son épanouissement. De l’homme de conviction à l’homme de principe, Aït Ahmed cultiva autant de jalousie pour sa patrie, chèrement acquise, qui le poussera à composer avec l’ennemi intérieur pour la préserver de celui de l’extérieur, au moment où un danger imminent menaçait son existence, en revivifiant le serment partagé avec ses compagnons de lutte : l’Algérie avant tout. Tout en espérant retourner la situation au profit de son idéal, il accomplira son dernier combat, sans grande conviction cette fois, en voulant «mettre du mouvement dans le statu quo» ! Sa disparition aujourd’hui résonne comme une fin d’histoire. Un âge révolu. Un mode d’opposition et de résistance qui a atteint son terme. Tout est à reconsidérer à présent, aussi bien le militantisme que l’organisation de l’opposition, en ayant pour cadre historique référent, l’esprit révolutionnaire de Da L’Hocine, son modèle de conviction et ses principes. Da L’Hocine est mort, mais son esprit continuera à inspirer des générations entières, car un référent ne meurt jamais.
Y. B.

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