Vigilance calculée ?
Par R. Mahmoudi – Les mises en garde persistantes des hauts dirigeants de l’Etat, dont celle du président de la République, contre les menaces qui pèsent sur la sécurité et la stabilité du pays ont l’avantage de recentrer le débat sur les enjeux vitaux quelque peu sous-estimés ou carrément relégués au second plan dans les différents débats politiques qui nous sont servis au quotidien à travers les médias. Il y a bien longtemps que la chose devait être prise au sérieux et qu’elle devait bénéficier d’un traitement à la mesure des périls qui nous guettent. Il ne faudrait pas attendre que le feu traverse nos frontières. Mais ce qu’il y a à craindre, c’est que les politiques au pouvoir, plus intéressés par leur survie, soient tentés d’accentuer l’alarmisme ou d’exploiter la peur, légitime, des citoyens à des fins purement politiciennes, en ces temps de recomposition incertaine et forcée du système politique. Car le pouvoir, à travers ses relais connus, cherche toujours un moyen de domestiquer et soumettre les forces actives dans la société civile pour garantir sa pérennité ou, tout au moins, pour s’assurer une succession tranquille. Brandir la carte de l’insécurité peut, en effet, servir d’épouvantail pour certains et de catalyseur efficace pour d’autres. Or, rien n’indique, dans aucun pays, qu’une vigilance accrue contre la menace terroriste impose nécessairement l’alignement massif au pouvoir en place ou des concessions substantielles sur les libertés fondamentales et la démocratie. Au contraire. C’est le débat qui domine, aujourd’hui, les cercles intellectuels parisiens, qui dénoncent cette tendance à la caporalisation de la société et aux restrictions tous azimuts, au nom de la lutte contre le danger terroriste. «La victoire des terroristes serait de mettre en péril les fondements de la démocratie», a écrit un écrivain indigné. Cela s’applique encore plus à notre pays, où la démocratie est encore à ses balbutiements.
R. M.
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