Chevènement : «L’Algérie exerce son influence autrement que par l’intervention militaire»

Jean-Pierre Chevènement considère l’Algérie comme le ciment de la stabilité régionale. Dans une intervention faite à l’Institut français des relations internationales (IRIS) de Paris, l’ancien ministre français et président de l’association France-Algérie met en avant le rôle jugé «déterminant» de l’Algérie dans la région sahélo-saharienne et l’Afrique du Nord. Pour M. Chevènement, l’Algérie est très influente dans cette partie du continent africain. Il bat ainsi en brèche les clichés venant des salons parisiens selon lesquels l’Algérie est «une bombe à retardement». «Le regard qui est porté sur l’Algérie à partir de la France, malgré l’embellie des relations officielles, n’est pas toujours bienveillant», a-t-il relevé devant une assistance nombreuse. Jean-Pierre Chevènement admet certes qu’en Algérie, «il a toujours existé depuis l’indépendance une sensibilité systématiquement catastrophiste». C’était le cas pendant la décennie noire où les Algériens se trouvaient bien seuls face au terrorisme ou encore devant les efforts pour ramener la paix civile ou encore devant l’éclosion des révolutions arabes qui ne manqueraient pas – disait-on – d’ébranler une Algérie encore convalescente». Mais selon lui, la réalité est tout autre. L’Algérie est un grand pays en Afrique qui est très influent. «Si l’armée algérienne ne sort pas en principe de ses frontières, cela ne veut pas dire que l’Algérie n’exerce pas une influence à travers le renseignement, la formation des cadres, les fournitures d’armes et l’appui logistique. Il suffit de regarder une carte pour mesurer la position centrale de l’Algérie pour aider à la solution des conflits aujourd’hui en cours ou menaçants», a-t-il assuré, précisant que «son influence, elle l’exerce autrement que par l’intervention militaire». «Je voudrais en particulier vous rendre attentifs au dossier libyen où rien ne peut être fait sans l’accord de l’Algérie qui, chacun le sait, privilégie, avant tout autre chose, la formation d’un gouvernement d’union nationale à Tripoli», a-t-il encore souligné. A cette position centrale dans le moment géopolitique actuel s’ajoutent, selon lui, d’autres réalisations diplomatiques. Ainsi, «la diplomatie algérienne a su tisser, dit-il, d’excellentes relations avec les grands acteurs de la politique mondiale, à la différence des années 1990 : l’Union européenne et notamment la France, depuis 2012 notamment, mais aussi les Etats-Unis, depuis 2001, sans oublier la Russie, allié stratégique traditionnel, et la Chine qui est devenue le premier partenaire économique de l’Algérie». Pour Chevènement, «l’Algérie joue également un rôle important dans les instances multilatérales et notamment à travers l’Union africaine. Le président de l’association France-Algérie n’a pas manqué de relever que «la diplomatie algérienne, dirigée avec talent par M. Lamamra, connaît cependant quelques préoccupations dans ses rapports avec l’Arabie Saoudite, s’agissant du prix du pétrole et de la Syrie». Jean-Pierre Chevènement estime que le catastrophisme n’est cependant pas de mise pour une multitude de raisons. L’Algérie dispose de 150 milliards de dollars de réserves, soit l’équivalent, au rythme actuel, de près de trois ans d’importations. Il rappelle aussi que l’Algérie a intégralement remboursé sa dette extérieure. Et contrairement à la période de 1988, l’Algérie a anticipé la chute de ses recettes, en reportant les grands projets non commencés – ainsi sept CHU, cinq lignes de tramway, l'autoroute radiale du sud et la rocade du chemin de fer du sud. M. Chevènement a souligné également dans son intervention la force du patriotisme algérien, l’expérience accumulée depuis plus d’un demi-siècle et l’habitude d’un exercice relativement collégial du pouvoir. «Tout cela contribue, d’après lui, à une résilience certaine. Le pire, estime cet ancien ministre français, n’est pas toujours sûr.» «La France et l’Algérie ont beaucoup de problèmes en commun que nous pouvons mieux résoudre ensemble», a-t-il ajouté. Jean-Pierre Chevènement considère que le binôme Algérie-France, surtout en période difficile, a l’avenir devant lui. «Ensemble, nous pouvons faire beaucoup mieux que séparément. Il y a un fort potentiel pour quiconque raisonne dans la durée. Nos deux pays sont complémentaires à beaucoup d’égards. La stabilité de l’Algérie a pour la France un intérêt majeur. Paris est aussi un relais pour faire entendre la voix de l’Algérie en Europe. Le climat de nos relations, tel qu’il s’est établi depuis quatre ans, répond à l’intérêt national, algérien aussi bien que français », a-t-il conclu.
Sonia Baker

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