Amar Belani décortique le verdict de la justice européenne défavorable au Maroc
Dans un entretien accordé aujourd’hui au magazine Afrique-Asie, Amar Belani, actuel ambassadeur d’Algérie à Bruxelles et auprès de l’Union européenne, a qualifié l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se rapportant à l’accord d’association UE-Maroc de «défaite politique sévère pour le Maroc» dans la mesure où, précise-t-il, «ses implications juridiques et politiques sont énormes». Pour M. Belani, cet arrêt est important dans la mesure où «il dispose que le territoire du Sahara Occidental a un statut séparé et distinct et que le Maroc n’a pas et ne peut prétendre à aucune espèce de souveraineté sur ce territoire autonome». Le diplomate algérien mentionne, en outre, qu’«il s’inscrit dans le droit-fil de la Charte des Nations unies et de ses dispositions sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que sur l’exercice du droit à l’autodétermination, qui a été réaffirmé avec force par la Cour internationale de justice en 1975».
Cette décision de justice «exécutoire» et «opposable aux institutions européennes et aux pays membres de l’UE» a de nombreuses implications. La première de ces implications, indique Amar Belani, a trait au fait que «le Maroc est et doit être considéré comme une puissance d’occupation et (que) la fiction commode de “puissance administrante de facto” derrière laquelle s’abritait l’UE ne tient plus la route puisqu’elle est désormais catégoriquement récusée par la cour».
L’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles ajoute que «du point de vue du droit international, aucun accord signé entre le Maroc et l’UE ne peut être appliqué au Sahara Occidental». Il insiste, par ailleurs, sur le fait que «les prochains accords bilatéraux devront déterminer explicitement et avec précision le champ territorial, c’est-à-dire le seul territoire du Maroc dans ses frontières internationalement reconnues, à l’exclusion du territoire du Sahara Occidental, pour éviter cette ambiguïté qui foule au pied la légalité internationale». Pour Amar Belani, «les prochains accords que l’UE sera amenée à signer avec le Maroc se feront obligatoirement sans le Sahara Occidental qui ne fait pas partie du territoire marocain».
Autre implication non moins importante : toutes les entreprises européennes basées sur le territoire du Sahara Occidental et qui contribuent au pillage des ressources du peuple sahraoui sont dans une situation de violation du droit tel qu’édicté par la CJEU. A ce propos, M. Belani avertit que ces entreprises «ne peuvent s’y maintenir qu’à la condition de solliciter et d’obtenir le consentement du Front Polisario, en sa qualité de seul représentant légitime du peuple sahraoui». Ce dernier, dit-il, est tout à fait dans son droit de leur réclamer des dommages et intérêts pour compenser la spoliation et leur présence illégale au Sahara Occidental durant les quinze dernières années.
«Les stratagèmes visant à contourner le Front Polisario, à travers une pseudo-consultation de la “population sahraouie” choisie et triée sur le volet, comme évoqué par certains responsables marocains, ne passeront pas, car les résolutions des Nations unies tout comme les accords signés par le Maroc et le Polisario consacrent ce dernier comme le seul représentant légitime du peuple du Sahara Occidental», a soutenu encore l’ambassadeur d’Algérie auprès de l’Union européenne.
Contrairement à ce qui est dit, insiste-t-il, «l’arrêt ne rectifie aucune “appréciation politique erronée”, mais bien au contraire, il va au-delà des considérations de l’arrêt du tribunal de première instance du 10 décembre 2015, en ruinant définitivement la fiction d’une prétendue souveraineté marocaine sur le territoire non autonome du Sahara Occidental».
Est-ce que cet arrêt pourrait avoir un impact sur la demande du Maroc de rejoindre l’Union africaine ? Certainement, répond Amar Belani, qui ajoute qu’«une éventuelle adhésion du Maroc à l’UA sera conditionnée par son acceptation formelle des critères et des principes consignés dans l’Acte constitutif de l’UA, notamment l’acceptation et le respect des frontières héritées du colonialisme, et elle ne se fera certainement pas au détriment de la RASD qui est un Etat fondateur de l’Union africaine».
Khider Cherif
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