Pourquoi les médias français soutiennent le Qatar dans sa crise avec des pays arabes
La France a refusé de suivre son parrain américain dans l’offensive menée, par Arabie Saoudite interposée, contre le Qatar. La presse écrite française est pleine d’articles et d’analyses qui se ressemblent, destinés à convaincre subtilement ses lecteurs que le Qatar ne mérite pas ce sort et qu’en tout cas la France ne devrait pas suivre l’ordre de marche lancé par Trump contre cet émirat. Comment peut-il en être autrement quand on sait que les médias en France sont tenus par l’émir du Qatar : 13% du groupe Lagardère dont il est le premier actionnaire (ça va passer à près de 17%).
L’émir est à la tête d’un véritable empire médiatique dans l’Hexagone : 17 chaînes de télévision sans parler du reste, ainsi que dans LVMH et Vivendi ! On comprend pourquoi la France n’a pas fait de déclaration officielle sur cette crise qui ébranle le Golfe.
Les médias français, du moins ceux qui dominent, semblent n’avoir qu’une seule préoccupation : défendre le Qatar contre l’Arabie Saoudite. «La France, lit-on, n’a pas intérêt à s’en mêler et à faire des déclarations tonitruantes. C’est une affaire qui concerne le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ». Le contenu des articles dégagent une impression de propagande orchestrée qui saute aux yeux à la lecture des articles, presque copiés-collés, avec les mêmes chiffres sur les investissements qataris en France et les mêmes arguments pour ne pas se mêler de cette affaire. Ils expliquent pourquoi : à cause des énormes réserves de gaz du Qatar et des revenus exorbitants qui en sont tirés et dont profite la France qui lui vend les avions de combat Rafale (6,3 milliards d’euros). C’est écrit dans presque tous les articles : «La France est devenue le fournisseur de 80% des équipements militaires du Qatar.»
Certes, font remarquer les journaux, par la voix de spécialistes qu’ils sollicitent, le Qatar est isolé diplomatiquement par ses voisins arabes mais il dispose d’un fonds d’investissement de 335 milliards de dollars, dont une grosse partie est placée en France, «terre d’investissements préférée de l’émirat d’abord sous le quinquennat Sarkozy, puis avec Hollande». Et suit une interminable énumération de ce que possède le Qatar en France. Le petit émirat est partout en France : dans les médias, au PSG et autres clubs de foot, dans l’immobilier et dans de multiples autres affaires mais pas, comme l’Arabie Saoudite, outrancièrement dans les mosquées. Le Figaro parle même d’une «stratégie pacifiste adoptée par le Qatar», rien que ça !
On apprend ainsi que le patrimoine en France détenu par le Qatar est estimé à au moins 12 milliards de dollars. L’émirat est propriétaire d’hôtels de grand luxe à Paris, à Cannes, à Nice et de locaux sur l’avenue des Champs-Elysées ; il est le deuxième actionnaire du groupe AccorHotels ; il a acheté plusieurs courses hippiques et jusqu’au symbolique Prix de l’Arc de Triomphe, rebaptisé «Qatar Prix de l’Arc de Triomphe» !
Grâce à son carnet de chèques, le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi, proche de Tamim ben Hamad Al Thani, est l’une des personnalités les plus médiatisées en France. Son image permet de présenter le Qatar sous des dehors de modernité alors qu’il est fondé sur le même archaïsme despotique que son voisin saoudien et soutient de la même façon les groupes terroristes, en étant plus efficace même à travers sa chaîne de télévision Al-Jazeera qui a fait des ravages en Libye et en Syrie, pour ne citer que ces deux pays terriblement frappés par les groupes terroristes.
Aucune différence entre l’Arabie Saoudite et le Qatar sur les atteintes aux droits de l’homme ainsi que pour leur contribution à la «radicalisation» qui forme les terroristes qui s’en prennent ensuite aux Français chez eux, sur leur propre territoire.
Et si, forte du soutien américain, l’Arabie Saoudite exigeait de la France de rompre avec le Qatar ? Des spécialistes de la région n’excluent pas cette éventualité. Les dirigeants français semblent s’y préparer. On parle déjà de faire payer le Qatar en le privant des avantages fiscaux dont il bénéficie en France.
Houari Achouri
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