Soutien de Lafarge à Daech : la justice ouvre une enquête
Le parquet de Paris a annoncé aujourd’hui l’ouverture d’une information judiciaire sur les soupçons de financement du groupe français Lafarge à Daech en Syrie. Trois juges – deux juges d’instruction du pôle financier et un magistrat instructeur du pôle antiterroriste – ont été nommés pour cette enquête, a précisé le parquet de Paris.
Il a donc fallu près d’un an pour que la justice française décide de reprendre l’affaire. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire suite au dépôt de plainte en septembre 2016 par le gouvernement français de l’Economie. Plusieurs cadres de Lafarge ont été entendus dans cette enquête. Après, c’est le silence total. Aucune suite n’a été donnée à cette enquête préliminaire. La presse française a continué à écrire sur cette affaire scandaleuse.
En mai 2017, la presse française a rapporté que l’un des dirigeants du groupe Lafarge qui a supervisé le marchandage financier avec Daech, permettant au géant du ciment de poursuivre son activité en Syrie en 2013 et 2014, est Jean-Claude Veillard, un ancien militaire des commandos de marine et un fervent soutien de Marine Le Pen. L’affaire a été révélée pour la première fois par le journal Le Monde dans son édition du mardi 21 juin 2016.
L’enquête qu’a publiée ce quotidien a démontré que le cimentier français, implanté à Jalabiya, dans le nord de la Syrie, avait «payé des taxes à l’organisation Etat islamique entre 2013 et 2014». Lafarge justifiait cela par son souci de continuer à fonctionner pendant la guerre. «Inaugurée en 2010, la cimenterie de Jalabiya, dans le nord-est de la Syrie, était le fleuron du cimentier français au Proche-Orient», expliquait Le Monde. Mais l’année suivante, en pleine guerre civile, Lafarge n’avait pas hésité un instant à se rallier au «maître des lieux» afin de rentabiliser au maximum son usine. Pour le cimentier français, dans les affaires, il n’y a pas de principes mais des gains. Quitte à participer au financement «indirect» de l’Etat islamique qui continue de semer la mort en Syrie, en Irak et partout dans le monde.
L’association Sherpa pour la protection et la défense des populations victimes de crimes économiques et le Centre européen des droits constitutionnels de Berlin ont, de leur côté, déposé plainte contre Lafarge. Ce numéro un mondial du ciment, depuis sa fusion avec le suisse Holcim, s’est muré dans le silence.
Sonia Baker
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