Comment Feraoun met Algérie Poste en péril en persistant dans sa politique populiste
La ministre de la Poste et des TIC, Houda-Imane Feraoun, vient de décider de la titularisation de 5 000 vacataires à Algérie Poste. Le coût de cette opération sera de 3 milliards de dinars, voire plus, sachant que la majorité du personnel à permaniser est titulaire de diplômes supérieurs.
Hormis les 5 000 heureux bénéficiaires de cette décision, Algérie Poste ne va pas se porter mieux avec ces régularisations. La raison est que les moyens nécessaires au développement de l’entreprise ne suivent pas. De plus, cette manière d’agir ne va pas permettre une progression normale et non fictive des effectifs, adaptés à ses besoins qui iraient en grandissant en même temps que l’entreprise évolue.
De ce fait, cette décision s’apparente plus au populisme et à la démagogie et dénote l’état d’esprit de la ministre. En outre, ce genre de décision trahit une fuite en avant aux conséquences désastreuses sur cette entreprise publique et toutes les autres qui sont sous sa tutelle.
Des experts ont déjà tiré la sonnette d’alarme à propos de la régression du secteur. «La politique gouvernementale dans le secteur de la poste et des TIC», présentée en octobre 2015 par la ministre de tutelle, Houda-Imane Feraoun, et publiée sur le site du Premier ministère, «est loin de valoir la déclaration de politique sectorielle pensée au tout début de la décennie écoulée», ont constaté ces experts sur les colonnes d’Algeriepatriotique dans un article paru le 9 mars 2017.
Ces experts déduisent que la politique menée par la ministre «réduit la stratégie de développement du secteur des TIC de tout un pays au niveau d’une simple entreprise publique». Pour eux, il est faux de considérer le secteur comme «un simple volet sectoriel de la politique publique ; il devrait être regardé comme une action transversale dont le développement est appelé́ à irriguer l’ensemble du système économique national».
Les mêmes experts voient que la véritable déclaration de politique sectorielle, élaborée avec l’aide de la Banque mondiale, appliquée jusqu’à la fin 2005, a confié au ministère de la Poste et des TIC la mission d’élaborer une réglementation adéquate, encourageante pour les investisseurs et rassurante pour les opérateurs et de veiller au respect de la législation et de la réglementation, d’une concurrence loyale entre les opérateurs et à l’égard des usagers et des obligations contenues dans leur cahier des charges.
Dans les faits, «le ministère de la Poste et des TIC ne donne pas l’impression de se conformer aux missions qui lui ont été assignées», diront les experts. Selon eux, le ministère «agit directement en faveur de l’opérateur historique comme s’il était le ministère d’une entreprise publique et non celui de tout un secteur», ignorant des opérateurs privés qui avaient honoré l’Algérie en concourant à l’édification d’une économie numérique nationale forte et ouverte sur l’étranger, grâce à des technologies de pointe dont ils ont une parfaite maîtrise.
Une autre mesure prise récemment par le département de Feraoun, à savoir l’arabisation des documents des services de la poste, est à inscrire à ce registre démagogique. «Au lieu de faire face aux problèmes, nombreux et complexes, dont souffrent la poste et les TIC dans notre pays, et de s’ouvrir au débat sur les insuffisances criantes dont pâtit ce secteur devenu stratégique, la ministre ou ceux qui la conseillent et lui dictent la marche à suivre ont trouvé un bon moyen de diversion pour faire oublier leurs échecs à répétition», note Algeripatriotique dans un article daté du 9 juillet dernier.
Toujours à propos de l’arabisation des services postaux, le même article s’est interrogé sur l’impact, l’efficacité et la rentabilité de tout un secteur et sur le devenir de l’expérience acquise par les fonctionnaires.
Notons enfin que, selon une étude effectuée par le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d’Oran, la poste a changé de statut mais continue à fonctionner avec les mêmes réflexes. «La réalisation des buts assignés à l’entreprise dépend en grande partie du partage des valeurs liées à l’économie de marché, du moment que l’entreprise EPIC est industrielle et commerciale», écrit le Crasc dans son rapport. «On conclut, à travers les réponses que c’est le niveau d’instruction acquis à l’extérieur de l’entreprise qui définit la compréhension et l’interprétation du statut, cela implique que l’institution n’est pas le lieu d’acculturation où ceux qui n’ont pas un niveau d’instruction relativement élevé acquièrent les valeurs de la compétitivité. Le statut EPIC demeure, pour eux, juste un changement au niveau de l’appellation, et non pas à un stade où la qualité du service est elle-même soumise à un contrôle, selon les normes internationales».
Ramdane Yacine
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