La pièce théâtrale «Omerta» ou les effets du silence face à la mondialisation

Omerta
Omerta dénonce le pouvoir absolu de la mondialisation et ses méfaits sur les peuples. D. R.

La générale de la pièce de théâtre Omerta, une comédie dramatique qui dénonce le pouvoir absolu de la mondialisation et ses méfaits sur les peuples, réduits à subir dans le silence les affres du despotisme et de l’oligarchie, a été présentée samedi à Alger devant un public nombreux.

Accueilli à la salle Mustapha-Kateb du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, le spectacle, mis en scène et réécrit par Brahim Chergui sur un texte proposé par Missoum Medjahri, a été dédié à la mémoire du célèbre comédien et metteur en scène Hamid Remas, disparu en 2016 et qui «devait en assurer la conception».

Dans le rire et la dérision, la réalité du monde actuel, rendue dans un microcosme, a été scrutée à travers l’histoire d’une éléphante, «El-Fila», à la botte d’un roi tyrannique, dressée pour semer la mort, dans une fable menée par six comédiens talentueux qui ont réussi à mettre à nu, 60 minutes durant, les travers d’un ordre mondial démesuré, mené par une puissance malveillante aux desseins dévastateurs, exécutés par les mains sales du sionisme, «opprobre de l’humanité».

Sur ordre d’un roi en retrait, soucieux d’asseoir son hégémonie, campé par Foued Zahed, «El-Fila», rendue par Faïza Amel, dépouille, à chacun de ses passages, les terres agricoles et les gens de leurs biens, décapitant les récalcitrants d’entre eux, sans aucune pitié envers une population sans défense, jusqu’au jour où elle élimine la mari et le bébé d’une femme rebelle, brillamment interprétée par Nabila Ibrahim…

Le temps de la révolte étant venu, la veuve malheureuse, convaincue de la nécessité de changer les choses, va compter sur la loyauté et la détermination d’«El-Wafi», joué par Yacine Zaïdi, et de Tahar Lani et Massilia Aït Ali, deux autres personnages sans noms.

Dans une interprétation comique bien menée, Brahim Chergui, auto-distribué dans le rôle du «peureux», opposant au projet d’insurrection, va d’abord tout faire pour empêcher la révolte, avant de basculer dans la trahison et se soumettre, bâton à la main, «en référence au grand Rouiched dans L’Opium et le bâton», à El-Fila et au roi.

Occupant tous les espaces de la scène dans un jeu dynamique et rythmé, les comédiens ont bien porté la densité du texte qui a nourri une trame aux situations métaphoriques, avec des dialogues ascendants et directs, agrémentés par moments par des expressions anthologiques renvoyant aux grandes œuvres du théâtre et du cinéma algériens, à l’instar de «Ya Khadra…» de Aâfrit ou Haffouh, «Yaw âalikoum leblindi» de Patrouille à l’Est ou encore «Ya bni laâziz ya bni» de L’Opium et le bâton.

Un extrait de la complainte «Thametuth b’umjahed» (la femme du moudjahid), un autre «clin d’œil» à la poésie du terroir kabyle, a été déclamé avec une voix chaude et étoffée par Tahar Lani, au milieu d’une scénographie signée Brahim Chergui faite d’un décor à plusieurs sémantiques, allant du jeu de petites chaises suspendues symbolisant le «destin compromis des ‘‘petits’’ peuples», aux rideaux transparents dressés de haut en bas et de part et d’autre de la scène renvoyant à la «stricte verticalité des différentes orientations et options à suivre» qui datent, selon le scénographe-metteur en scène, du «temps des hiéroglyphes et des anciennes écritures» placardées tout en haut, au devant de la scène.

L’éclairage de Mohamed Belaouer et la bande son de Mohamed Zami ont été concluants, réussissant à créer les atmosphères adéquates à la conception du metteur en scène qui, a-t-il déclaré, «renseigne sur un stratagème de longue date engendrant les injustices du monde d’aujourd’hui». En présence du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, le public a longtemps applaudi les comédiens, faisant ainsi part de son adhésion au sujet traité.

Scénariste, comédien et metteur en scène, Brahim Chergui œuvre dans le 4e art depuis une trentaine d’années. Jouissant d’un parcours jalonné de succès, il compte à son actif plusieurs pièces dont Dar El-Fordja (2013), Rana Djinek (2014) et Safia (2015).

Produite par le TNA, Omerta est reconduite dimanche et lundi au même endroit et aux mêmes horaires.

R. C.

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.