La France n’a pas encore expurgé son passé colonial en Algérie selon Gilles Manceron

Manceron France
L'historien français Gilles Manceron. D. R.

La France n’a pas encore expurgé son passé colonial en Algérie, a estimé l’historien français Gilles Manceron, affirmant que la reconnaissance de ce passé est une «nécessité».

«La France n’a pas encore expurgé son passé colonial, sa nostalgie coloniale. En France, on n’a pas cessé de répéter depuis l’indépendance de l’Algérie un certain nombre de mythes», a expliqué l’historien anticolonial lors d’un débat organisé, mercredi soir, au Centre culturel algérien de Paris autour du livre de Mohand-Tahar Zeggagh, Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie (Anep, Alger, 2017).

Pour Gilles Manceron, la reconnaissance du passé douloureux de la colonisation est une «nécessité» pour l’Algérie, les relations entre les deux pays et les Français. La rencontre, organisée dans le cadre du 56e anniversaire des Accords d’Evian et du cessez-le-feu du 19 mars 1962, a focalisé essentiellement sur les crimes de l’Organisation armée secrète (OAS) qui voulait coûte que coûte faire échec aux négociations entamées par le général De Gaulle et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

L’auteur de Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS (La Découverte, 2015), Alain Ruscio, qui qualifie l’OAS de mouvement fasciste qui a semé la mort, a fait remarquer que cette entité terroriste, formée en terre fasciste (l’Espagne franquiste), était dans la population française «comme un poisson dans l’eau», relevant que 60 ans après l’indépendance de l’Algérie, les Français répètent les mêmes faux clichés comme «le massacre des harkis, les disparitions de Français entre le 19 mars et 5 juillet 1962, etc.».

C’est-là où Mohand-Tahar Zeggagh, qui a également publié Prisonniers politiques FLN en France pendant la guerre d’Algérie. La prison, un champ de bataille (Ed. Publisud, 2012), a rappelé qu’après le 19 mars 1962, l’OAS avait intensifié son terrorisme. «Elle est entrée dans la phase de la terre brûlée et de la terreur pour rendre impossible l’application des Accords d’Evian», a-t-il dit.

«Parmi les 11 généraux de l’armée française, 9 ont intégré l’OAS, ainsi que 12 colonels», a-t-il souligné, faisant état du soutien de 80 députés de l’époque à cette entité terroriste, sans compter, a-t-il ajouté, les multiples sympathies dans le gouvernement de Michel Debré.

Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, un des responsables de la Fédération FLN de France, présent au débat, a indiqué que les militants avaient beaucoup souffert durant les trois mois entre la signature des Accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie et vivaient sous les menaces de l’OAS, rappelant auparavant que le gouvernement Debré voulait faire échec aux négociations en étant le premier responsable des massacres du 17 octobre 1961.

Michel Debré, qui avait démissionné juste après la signature des Accords d’Evian, voulait une partition de l’Algérie avec une sorte de bande côtière, où les Européens conserveraient l’autorité et le pouvoir, rappelle-t-on.

«Les violences policières étaient quotidiennes après la signature des Accords d’Evian et nous, militants, activions dans des conditions très difficiles», a encore ajoute Mohamed Ghafir.

Mohand-Tahar Zeggagh a tenu, à la fin de la rencontre, à rendre hommage aux Français qui ont été aux côtés des Algériens dans leur lutte pour l’indépendance. «Je regrette que nous ne parlons pas de cette France anticoloniale qui nous a beaucoup aidés», a-t-il dit.

R. C.

Comment (11)

    Anonyme
    21 mars 2018 - 0 h 08 min

    Bas oui monsieur vous avez raison car ils ne veulent pas nous rendre notre OR, l’OR de l’Algérie !

    Kouidri
    16 mars 2018 - 12 h 05 min

    Il ne s’agit pas d’expurger le passé mais simplement de l’écrire correctement comme le fait Gilles Manceron lui même. Il s’agit surtout de reconnaitre que le colonialisme est un crime contre l’Humanité pour que les historiens et les enseignants puissent dire et écrires les vérités historiques et non cette histoire officielle comme si la France n’a pas été défaite, comme si la France a colonisé et a décolonisé par son bon vouloir. Les historiens français en général ne parlent pas de la lutte de libération nationale. Stora par exemple ignore les novembristes …

    Kouidri
    16 mars 2018 - 11 h 38 min

    Il ne s’agit pas d’expurger le passé mais de l’écrire correctement comme le fait Gilles Manceron. Il ne s’agit pas non plus de repentance mais de la reconnaissance que le colonialisme est un crime contre l’Humanité et surtout de reconnaitre les victoires des peuples colonisées sur la colonisation en attendant la victoire des palestiniens et des sahraouïs qui malheureusement n’ont pas la solidarité des peuples d’antan et leur M.L.N

    socrate
    15 mars 2018 - 23 h 17 min

    Franchement à part quelques historiens et militants, le passé colonial de la France ne préoccupe absolument pas les français. Il s’agit maintenant d’un passé de plus en plus lointain et on doit regarder l’avenir plutôt que de se déchirer sur le passé.

      Monsieur X
      16 mars 2018 - 11 h 08 min

      Tout à fait d’accord surtout quand le passé est instrumentalisé pour diverses raisons : politiciennes ou financières et bien loin de l’aspect mémoriel.

      elgat
      16 mars 2018 - 11 h 24 min

      Et alors, pourquoi a chaque fois on nous ressort le « massacre des harki et la disparitions des citoyens français innocents  » .je crois que c’est nous qui avons oublié le mal qu’ils nous ont fait, eux ils n’oublierons jamais le coup de pieds au c.. et ne manquerons pas de le rappeler a chaque fois que c’est nécessaire. .

    Djeha Dz.
    15 mars 2018 - 21 h 12 min

    Merci Mr Gilles Manceron de le déclarer tout haut. Seulement ce n’est pas suffisant tant que ce passé colonial de la France continue à faire l’objet de dissimulation et de manque de courage politique pour assumer une fois pour toute les actes de la colonisation française en Algérie.

    37 612 soldats et 27 000 marins français, commandés par le général de Bourmon débarquèrent à Sidi fredj en 1830 avec canons et fusils, ils n’étaient certainement pas des touristes en mal d’exotisme.

    A l’exception des amnésiques, nous savons ce qu’a couté au peuple Algérien la reconquête de son indépendance, et on ne l’oubliera pas. l’Histoire s’écrira quoi qu’en pensent les nostalgiques de l’Algérie Française. Nos morts se comptent par millions, le moins que nous devons à leurs sacrifices est de les honorer avec nos mémoires, quoi qu’en pensent les revanchards et les politicards.

      FG
      16 mars 2018 - 11 h 12 min

      Oui mais vous ne dites pas pourquoi.
      Il y avait aussi des barbaresques qui pendant plus de trois siècles ont écumé la méditerranée en narguant les peuples riverains avec un juteux marchés aux esclaves.

    REPENTANCE !!
    15 mars 2018 - 19 h 53 min

    Une simple repentance suffirait pour commencer !

    Anonyme
    15 mars 2018 - 15 h 30 min

    Détrompez vous Mr Gilles Manceron, L’Algérien moyen s’en fout royalement. C’est plutôt un problème franco-français qui n’intéresse plus grand monde en Algérie, sauf peut être les historiens.

      Anonyme
      18 mars 2018 - 3 h 24 min

      Pas ceux qui ont perdu leurs parents durant cette sale guerre.

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