De la république égalitaire jacobine à la dictature bourgeoise thermidorienne (2)

République
Scène emblématique de la Révolution française de 1789. D. R.

Par Mesloub Khider – Ainsi, là où les communes populaires considèrent que «la nation ne déploie véritablement ses forces que dans les moments d’insurrection», les Thermidoriens estiment comme «anarchique» toute initiative populaire qui n’aurait pas été légalisée au préalable par les pouvoirs institués (élitaires bourgeois).

De toute évidence, la conception de la gouvernance différencie radicalement les Jacobins des Thermidoriens. En effet, pour les Jacobins la conflictualité est au centre de leur politique. Les Jacobins considèrent que la République se construit essentiellement sur le combat contre les ennemis du bien commun : les nobles, les aristocrates, les riches. Pour les Jacobins, cette politique d’affrontements de classes est salutaire, car elle renforce la conscience patriotique, affermit la vitalité démocratique. Et Saint-Just n’hésite pas à écrire : «Ce n’est guère que par le glaive que la liberté d’un peuple est fondée.»

Au contraire, les Thermidoriens s’attelleront à développer une idéologie consensuelle censée apaiser les antagonismes sociaux. Ils s’attachent à diffuser une politique placée au-dessus des clivages idéologiques, des fractures sociales. Cette approche est exprimée par l’un des Thermidoriens sous cette exhortation : «Que tout ce qui est opinion, depuis le royalisme jusqu’à l’exagération des Jacobins, soit oublié à jamais.» Et la solution réside, selon les Thermidoriens, dans le libre développement du commerce, qui permet l’enrichissement de chacun et donc le bonheur de tous. Traduction : en vérité, l’enrichissement des seuls bourgeois opéré dans un climat social de soumission du peuple tenu en laisse par l’idéologie de collaboration de classes prônée par le pouvoir établi afin d’assurer sa tranquillité, sa pérennité. Deux siècles après, partout, du Venezuela jusqu’en Grèce en passant par l’Algérie, les classes dominantes répandent le même discours consensuel de concorde, de pacification des relations sociales pour perpétuer leur domination, leur exploitation, leur oppression, avec notre consentement, notre contentement.

Et les Thermidoriens de proclamer que seule une élite est capable de détenir le pouvoir. Car elle maîtrise les mécanismes de l’économie (sous-entendu une économie gérée dans l’intérêt de leur classe). Ainsi, ils prônent la république de l’élite, contre celle du peuple établie au cours de la période révolutionnaire jacobine.

De nos jours, rien n’a changé. Juste la sémantique. C’est la république des experts. L’expertise fait foi de leur maîtrise des mécanismes de la gestion politique et économique, justifiant leur domination, et corrélativement l’exclusion du peuple ignorant, inapte à gouverner un pays, un État, une entreprise, une administration. On ne va tout de même pas confier les rênes du pouvoir à des «incapables. On disait la même chose des colonisés, des femmes, ces « êtres inférieurs» maintenus longtemps dans la servitude, persuadés eux-mêmes de leur incapacité à s’émanciper de la domination de leur maîtres, à s’affranchir de la tutelle coloniale ou paternaliste pour se gouverner librement. Pourtant, et le colonialisme et l’asservissement de la femme ont été anéantis, abolis. Qu’attend le peuple pour s’affranchir de sa soumission ? Immanquablement, l ‘Histoire se chargera de les acculer à remplir leur mission historique d’émancipation pour bâtir une société universelle humaine débarrassée de l’exploitation, de l’oppression.

Conséquence logique de cette approche bourgeoise de la politique : le suffrage universel est supprimé dans la Constitution de 1795. Le suffrage censitaire est instauré. Désormais le droit de vote est conditionné à la possession d’une propriété. Un dirigeant thermidorien déclare « que seuls les hommes possédant une propriété sont aptes à gouverner» (au moins les bourgeois de l’époque étaient plus sincères dans leur tyrannie, contrairement aux bourgeois contemporains qui nous font croire que nous sommes un peuple libre en pleine tyrannie).

Dès lors, au lendemain de la contre-révolution thermidorienne, la république perd son caractère populaire. Elle devient résolument aristocratique. L’économie populaire est congédiée. Elle est remplacée par le libéralisme économique outrancier, exploiteur, colonialiste, esclavagiste. Face aux inégalités sociales, la redistribution forcée n’est plus une solution viable.

Selon les nouveaux maîtres du pouvoir dictatorial aristocratique bourgeois, en guise de politique sociale, il faut juste faire appel au « sentiment de fraternité « des riches. Seule la communion fraternelle entre riches et pauvres est susceptible de corriger les inégalités sociales.

De fait, les Thermidoriens prônent une politique de réconciliation nationale, de collaboration de classes.

Ainsi, à rebours de la république sociale appliquée au cours de la période jacobine, matérialisée par la répression de la spéculation, le blocage des prix, la saisie des biens des riches et surtout la redistribution des richesses aux citoyens pauvres, la république thermidorienne instaure une économie libérale favorable aux seules classes privilégiées. Ainsi, au lendemain de la prise du pouvoir par les Thermidoriens, la nouvelle Assemblée nationale met un terme au système d’économie dirigée et à la redistribution sociale (décidément, sous le capitalisme, la reproduction et la reconduction des mêmes politiques antisociales réapparaissent, comme une maladie, sous toutes les époques et tous les pays). Elle adopte de nombreuses réformes libérales (encore une pathologie récurrente gangrenant le corps social depuis deux siècles)

De manière générale, ces mesures plongeront le pays dans une extrême misère. Provoquant des tensions sociales aiguës. Le peuple écarté du pouvoir, les classes fortunées vont s’appliquer à imposer une politique économique favorable à leurs intérêts. L’ère thermidorienne marque le retour en force des classes fortunées, le début d’un véritable changement de paradigme politique (encore des similitudes avec notre époque marquée par la politique économique mise en œuvre actuellement par les gouvernements de Macron et de Trump au profit des riches).

C’est le triomphe du libéralisme débridé. La souveraineté du peuple est définitivement limitée, éliminée, expulsée du pouvoir jusqu’à présent.

Je laisse le soin au lecteur d’établir des corrélations, des similitudes avec la Révolution trahie algérienne. Et d’en tirer les conclusions.

«L’histoire des peuples est l’histoire de la trahison de l’unité.» (Antonin Artaud).

M. K.

Comment (4)

    Anonyme
    16 août 2018 - 7 h 21 min

    Ça se félicite pour la culture de l’histoire française, ça rappelle des paroles d’impurs mécréants.. ça sent l’odeur des sales enfants français restés en Algérie.

    400dirham au temps du prophète salla Allah aleyhi wa sellem équivaut à 1000euros français, l’économie tu l’apprend en appliquant le Coran et la sunnah, en délaissant les intérêt de la banque, en ordonnant le convenable et interdisant le blamable, c’est ça la culture et la science utile.

    Qu’Allah purifie notre pays de ses impuretés, je parle avant tout des déchets que représentent les mécréants et hypocrites, quant aux détritus c’est juste un manque de personnel.

      Argentroi
      16 août 2018 - 16 h 17 min

      u es sûr de ta culture? 400 dirhems du temps du Prophète, que le salut de Dieu soit sur lui, valent-ils bien 1OOO euros ? Faisons les comptes : un dirhem en argent pesait environ 3,96 g et comme 1g d’argent vaut actuellement 0,411 euros alors 4OO dirhems d’antan valent 400 x 3,96 x 0, 411 euros ce qui donne 651,02 euros et donc on est loin de tes 1000 euros. Relater des faits historiques français ou autres ne doit pas te donner des complexes de colonisé. De plus, cela n’a jamais été une transgression religieuse pour que tu verses dans l’insulte et la grossièreté qui d’ailleurs entrent dans le domaine de l’évitable (makrouh).

    Felfel Har
    14 août 2018 - 17 h 16 min

    Dès la lecture du titre du premier article, j’ai compris son objectif et j’ai saisi sa pertinence. Le rappel des évènements qui ont marqué la révolution française de 1789 a sonné dans ma tête comme un sérieux avertissement à ceux qui se sont appropriés les idéaux et les sacrifices de tout un peuple, ici en Algérie. Cependant, au regard de ce qui se passe (se trame) en Algérie, la suite des évènements ne sera pas une réédition des péripéties de juillet 1789 qui ont mis fin à l’Ancien Régime, la Monarchie Absolue de Droit Divin, car nous n’avons plus ces défenseurs passionnés, sincères, dévoués qui parlent au nom du peuple et dont la voix porte et provoque la mobilisation. Qui haranguera les foules comme l’a fait le Comte de Mirabeau un certain 23 juin 1789, 3 jours aprés avoir occupé la salle du jeu de paume. En réponse à l’envoyé de Louis XVI qui demandait l’évacuation de la salle, il s’est illustré par cette fameuse tirade « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes! » Qui dira ceci au policier venu interrompre un meeting populaire? Qui dira à Fakhamatouhou que tab djnanou, khlass, barakat?

      Fellaga
      15 août 2018 - 17 h 39 min

      @Felfel Har
      Un commentaire hors sujet juste pour vous féliciter de votre culture de l’Histoire et de l’histoire française je peux vous assurer qu’en France les français eux-mêmes ne la connaisse même pas.
      Excellent 2 articles Mr Mesloub Khider.

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