Un expert de l’ONU alerte : «Les acquis démocratiques sont en danger en Tunisie»

Clément Nyaletsossi Voule
Le Rapporteur spécial de l'ONU, Clément Nyaletsossi Voule.

Un expert des droits de l’homme a accueilli avec satisfaction les efforts du gouvernement tunisien pour consolider la démocratie depuis la révolution de 2011, mais a exhorté les autorités à accélérer leurs efforts pour protéger le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association. «La Tunisie est à un tournant de son histoire post révolutionnaire», a déclaré le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association, Clément Nyaletsossi Voule, à l’issue d’une visite officielle de 10 jours vendredi dernier. «J’espère sincèrement que la transition démocratique sera irréversible et conduira à une société juste et démocratique, conforme au slogan de la révolution, à savoir «emploi, liberté, dignité».

Selon l’expert, sa visite a été opportune car les autorités tunisiennes discutent de nouvelles lois qui auront une incidence sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association. Il a rencontré les autorités gouvernementales, y compris le Premier ministre et les représentants des instances indépendantes. Il a aussi tenu des réunions avec plusieurs acteurs de la société civile et des représentants des agences onusiennes.

L’expert, qui a été nommé à ce poste en mars 2018, a salué les progrès accomplis par le pays en matière de protection des droits de l’homme depuis la révolution de 2011, ainsi que la volonté des autorités de se doter de nouvelles lois et de créer des institutions conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Toutefois, il soutient qu’il est impératif de faire davantage en matière de mise en œuvre et d’exécution des lois.

L’expert a également appelé à une législation garantissant à chacun la liberté de se réunir pacifiquement et de s’associer. Il s’est dit préoccupé par les informations faisant état d’arrestations arbitraires et d’un recours disproportionné à la force lors des manifestations de janvier 2018 contre la loi de finances et les mesures d’austérité.

En outre, l’expert s’est montré gravement préoccupé par la loi en vigueur établissant un registre national des entreprises qui vise à lutter contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme, mais qui crée des exigences supplémentaires susceptibles de limiter les capacités opérationnelles des associations et leur contribution nécessaire en cette période de transition ; ce qui représente une régression pour les acquis démocratiques.

À la fin de sa visite, il a d’ailleurs appelé le Parlement à modifier ce projet de loi afin que les associations n’y soient pas incluses. Toutefois, l’expert regrette profondément d’apprendre que le projet de loi a été adopté le 2 octobre sans autre débat sur son impact sur les associations.

Le Rapporteur spécial demande instamment aux autorités de reconsidérer l’approbation d’une loi régressive pour la société civile tunisienne.

Voule a ainsi évoqué des retards dans la mise en place de certaines des institutions créées par la Constitution de 2014, telles que la Cour constitutionnelle, la nouvelle Cour des comptes et l’institution des droits de l’homme. «Sans ces institutions, la transition démocratique, dont les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association qui sont des piliers essentiels, ne peut être garantie et pourrait être fragilisée», a-t-il déclaré.

S. S.

 

Comment (2)

    Linguistique
    6 octobre 2018 - 4 h 38 min

    Ce sont ces prétendus « acquis de la démocratie » qui mettent en danger la Tunisie.

    Anonyme
    5 octobre 2018 - 6 h 43 min

    En optant pour la gérontocratie ,ça ne pouvait pas finir autrement cette révolution frelatée.

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