Bajolet écorche Brahimi qu’il accuse d’avoir «laissé Bush» occuper l’Irak
Par Karim B. – L’ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, a écorché le diplomate algérien Lakhdar Brahimi dans un passage de son livre Le Soleil ne se lève pas à l’est. Bajolet revient sur l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et reproche à l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères d’avoir laissé «les Américains mouiller les Nations unies» dans la seconde guerre contre le régime de Saddam Hussein : «Les Américains parvinrent à mouiller les Nations unies, en faisant avaliser leurs principaux choix (…) par un envoyé que Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, avait spécialement dépêché.»
L’envoyé spécial de Kofi Annan n’était autre que l’Algérien Lakhdar Brahimi dont Bernard Bajolet dit, au passage, qu’il «jouissait d’un grand respect». Pour l’ancien ambassadeur de France à Baghdad, «le talentueux Lakhdar Brahimi s’est laissé jouer» en fournissant aux Américains «sans le vouloir, la pierre philosophale qui allait transformer l’occupation (de l’Irak, ndlr) en protectorat».
Bajolet, apparemment opposé au choix d’Iyad Allaoui en tant que Premier ministre du gouvernement intérimaire irakien en 2004, explique comment les Américains ont imposé leur homme, au grand dam de la France qui y voyait vraisemblablement un allié des Etats-Unis gênant pour ses intérêts dans le pays et dans la région. «Les Etats-Unis eux-mêmes n’osaient pas proposer la candidature d’Allaoui, trop ouvertement pro-américain», écrit-il, en confiant que face aux dissensions entre les chiites, il ne restait plus aux Américains qu’à «feindre de faire entériner leur décision par Lakhdar Brahimi».
Bernard Bajolet laisse entendre, non sans se contredire, que le diplomate algérien n’a pas été victime d’une machination ourdie par Washington, mais est complice dans la désignation de l’homme des Américains. «Personne ne fut dupe de ce tour de magie en dépit de la qualité du prestidigitateur», confie l’ancien patron de la DGSE, pour qui «Washington avait réussi à faire bénir ce semblant de transition par une nouvelle résolution de l’ONU» en dépit des vaines tentatives de la représentation française aux Nations unies d’«obtenir quelques infléchissements» – comprendre d’inciter les Etats-Unis à lâcher du lest au profit de la France. Les Américains, admet-il, «s’étaient montrés habiles tactiquement», même s’il pense que leur «canasson» ne pouvait pas tenir longtemps.
Lakhdar Brahimi n’a-t-il pas, nonobstant l’habileté qu’on lui prête, subodoré la manœuvre américaine de transformer une occupation militaire en protectorat de fait ? A-t-il servi malgré lui de caution et de légitimation à l’action américaine en Irak ? Répondra-t-il à Bernard Bajolet ? Il doit bien une explication aux Irakiens, mais aussi aux Algériens opposés à l’intervention américaine dans ce pays arabe, livré par Washington aux hordes terroristes de Daech.
K. B.
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