Qu’est-ce qui fait tomber un régime ?

manif
Contestation citoyenne pacifique à Alger. Archives/New Press

Par Bachir Medjahed – Un régime chute-t-il pour des raisons liées aux conditions socio-économiques de son peuple, ou de celles des frustrations politiques liées à l’absence de libertés publiques et politiques, ou bien tout simplement pour des enjeux d’intérêts ? Quelle part pour la corruption élargie et approfondie ? Certainement que la réponse n’est pas en dehors des causes citées ci-dessus et en constitue une combinaison. Un peu de tout, car tout est lié.

Les frustrations populaires datent de quelques années quand des jeunes pratiquaient la harga et disparaissaient en Méditerranée faute de perspectives pour eux. Le principe d’égalité des chances n’avait pas été fondé comme celui de droits et même des devoirs. Concernant, par exemple, notre voisin, puisqu’on dit que le «printemps arabe» avait démarré de là-bas, on parlait à l’époque du «miracle tunisien». Face aux sorties dans la rue de manifestants tunisiens, toutes catégories confondues, pour revendiquer les libertés, le président Chirac lui-même disait que la démocratie n’était pas une priorité par rapport aux conditions socio-économiques qui sont, selon lui, en nette progression. En quelque sorte, «il vous suffit de trouver à manger, ne réclamez pas la démocratie !».

Si au moins il pouvait exister d’autres espaces de discussion. On disait de Ben Ali qu’il n’avait pas de vision politique. Il n’y avait pas d’équité dans l’accès aux privatisations des entreprises et au marché informel, tous secteurs étant réservés à la belle-famille du président. A l’époque déjà, le nombre de diplômés chômeurs était estimé à quarante mille. Du chômage «radioactifs». La politique interne reposait sur le dogme de la fermeté. La répression était si forte que même les opposants de tous bords idéologiques arrivaient à s’unir contre le régime au pouvoir. N’est-ce pas le cas de tous les pays dont on dit qu’ils sont nos frères ?

Explosion sociale ? Explosion politique ? Explosion à causes multiples ?

Les syndicats prennent la défense des travailleurs et tout le monde oublie qu’une part importante des potentiels révoltés est constituée par des chômeurs. Comment faire fonctionner une politique économique libérale dans un pays qui n’est pas tout à fait prêt à entrer dans un environnement international de forte concurrence, préserver nos chances de disposer d’une industrie nationale dans un contexte où le processus de privatisation ne va pas emprunter une voie à grande vitesse ? Autant de questions qui mériteraient bien des réponses de la part de ceux qui aspirent à accéder au pouvoir pour appliquer leur programme économique.

B. M.

Comment (15)

    Lestat
    25 octobre 2018 - 20 h 59 min

    Vous pouvez aller avec vos théories et analyses socio-politiques les plus farfelues autant que vous voulez mais il n’en serait rien. Dans ce pays gangrené par la corruption du sommet à la base, du planton à Bouteflika tout le monde trouve son compte dans cette anarchie sans nom, alors de grâce arrêtez de chercher une solution là il n’y a pas. Il y a une chose a craindre c’est le jour ou la vache a traire ne donnera plus de lait ce jour là on peut dire que ce régime tombera ou tout simplement y aura plus de régime et ce jour là même le bon dieu abandonnera ce peuple.C’est terrible mais c’est ainsi que ça finira.

    anonyme
    25 octobre 2018 - 13 h 53 min

    L’Algérie est encore un pays féodal. Dans quelques siècles, elle fera sa révolution industrielle, son prolétariat se sera développé, comme son patronat. Ces deux forces seront alors en guerre et il y aura trois solutions : le fascisme corporatiste, le communisme ou le socialisme (capitalisme social, si vous me permettez cet oxymoron !) … D’ici là, sauve qui peut !

    Anonyme
    25 octobre 2018 - 11 h 24 min

    La priorite des priorites c est de produire ce que nous consommons et de consommer ce que nous produisons et de reserver les produits des exportations aux grands investissements tels que les infrastructures routiere ferroviaire et portuaire y compris les aeroports et les grands terminaux portuaires pour les transits des plus grands porte conteneurs du monde avec le partenariat gagnant/gagnant avec une grande puissance commerciale tel que la Chine a l image de Singapour.L education et la formation professionnelle,la sante et la recherche scientifiques tel l intelligence artificielle et la robotique……et surtout aider les petites et moyennes entreprises et les startups de la nouvelle technologie…..Ceci doit etre la priorite des priorites du prochain gouverment et du prochain president issus des elections de 2019..Notre unite autour de notre armee et nos services de securite et notre douane doivent nous permettre d aneantir les trafics de drogue et la corruption ,ces deux fleaux doivent etre extermines sans aucune complaisance…..

    Hamid
    25 octobre 2018 - 5 h 40 min

    To Bachir Medjahed , your article raises an important question .You see , two concrete cases in mind stand as an answer to your question , the invasion of Iraq and the overthrow of Gadafi .When I look at these countries in an unimaginable chaos now , the answer is articulated around : yearning for power , vendetta , old settling scores , betrayal ( harkism ) .So it’s relatively easy to topple a regime when you have national traitors operating abroad aided by foreign enemies .I believe that the Iraqi example and that of Libya have nothing to do with democracy or economics.We all know that both countries are oil .Their regime change is pointless since it has led only to instability , chaos .It’s easier to destroy than to rebuild peace .Did the traitors try out Derrida ‘s theory of deconstruction ? That’s all from me for now , take care . And tahia ElDzair as always !

    Felfel Har
    25 octobre 2018 - 3 h 16 min

    Nous savons que l’histoire tend à se répéter et que ceux qui l’ont oubliée en ont pâti en subissant de terribles conséquences. Confucius le sage nous avertit, « Sous un bon gouvernement, la pauvreté est une honte. Sous un mauvais gouvernement, la richesse est aussi une honte ». Les Algériens d’en-bas ont le devoir de se soulever et de réclamer plus d’équité dans la distribution de la richesse nationale, plus de justice sociale, plus d’opportunités d’emplois pour les jeunes, plus de liberté, plus d’infrastructures sociales. Qu’ils se rappellent de ce précieux conseil de Maximilien Robespierre : »Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Je le rappelle au risque de me faire censurer. C’est inéluctable!

    socrate
    25 octobre 2018 - 2 h 22 min

    Un régime tombe quand la situation est tellement insupportable que les gens n’ont plus peur d’affronter la mort, les brutalités, la prison, les tortures du régime. Le régime syrien ne serait plus là depuis longtemps si les russes n’étaient intervenus. Si le régime algérien connait le même sort personne ne viendra le soutenir et il mourra de sa belle mort. Mais si c’est pour que les islamisme prennent le pouvoir, c’est tomber de Charybde en Scylla !

    MELLO
    25 octobre 2018 - 1 h 59 min

    Un régime , surtout s’il est arabe , ne tient que par les intérêts qu’il s’octroie. Pourquoi arabe ? Car les régimes arabes sont souvent qualifiés de dictateurs ou de tyrans et ne tiennent qu’à la gestion de la rente ,généralement pétrolière. Les expériences des « printemps » arabes nous renseignent sur les différentes incidences de telle ou telle démarche de changement. Si le changement vient à déboucher sur un chaos programmé, il est inutile de l’amorcer par une quelconque démarche. Pour les opposants aguerris, il est souhaitable de passer par des négociations avec le pouvoir pour un changement pacifique. De ce fait ,tous les mouvements amorcés ça et là , en Algerie, ne peuvent engendrer un changement de régime ou le faire tomber . En plus de cinquante ans de gestion, le système Algérien a engendré une ramification solide des pratiques gouvernementales qui ont touché toute l’administration, toutes les institutions qui se retrouvent imbriquées les unes aux autres , jusqu’à nous faire dire que la séparation des pouvoirs reste un leure. Faire tomber le régime, en Algérie, revient à faire tomber toute cette structure lourde et paralysante du pays. La majorité des responsables des institutions sont affiliés à ce régime sans compter tous les « leche-bottes » appelés communément les -sous- titres.

    Zachary
    25 octobre 2018 - 1 h 40 min

    L’auteur pose une question mais il n’y apporte malheureusement aucune réponse – un courant d’air. Aucune réflexion, aucune analyse, aucun survol des expériences en la matière d’autres pays – hormis le cas de la Tunisie expliqué par ailleurs bien superficiellement.

    La pauvreté, les inégalités sociales, l’absence de libertés ou la répression peuvent constituer des catalyseurs mais ne peuvent aucun cas garantir ni encore moins prédire un changement de régime, une révolution sociale ou une révolution politique (ou les deux), une transition démocratique ou encore une sortie de l’autoritarisme. Les raisons invoquées constituent donc de banales généralisations, du bric à broc théorique… Sinon, comment qu’il n y ait pas eu de révolution ou de changement de régime au Maroc voisin, en Libye pendant 40 ans, en Syrie, en Corée du Nord, au Cameroun, en Guinée équatoriale, au Bélarus, etc. Manifestement, la question est autrement plus complexe qu’il n’y paraît.

    On sait toutefois que parmi les causes pouvant précipiter la chute d’un régime ou une révolution politique ou une sortie de l’autoritarisme figurent notamment :
    – Une sévère crise économique qui affecte sévèrement les classes les plus démunies et surtout la classe moyenne.
    – Une défaite militaire humiliante.
    – Des scissions au sein du régime entre radicaux arcboutés sur la préservation coûte que coûte du système (et partant de leurs intérêts et parfois aussi leur sécurité) et réformistes soucieux de s‘allier aux partis ou aux groupes politiques modérés pour une transition en douceur.
    – Un effet de diffusion dans un pays donné d’une révolution ou de la chute d’un régime survenu dans un pays voisin.

    La totalité sinon la quasi totalité des chutes de régime, des révolutions politiques et sociales et des sorties du totalitarisme et de l’autoritarisme survenus au cours des 35 dernières années s’inscrivent tous dans l’un ou l’autre de ces continuums ou dans plusieurs à la fois : révolution des œillets au Portugal, chute des colonels en Grèce, sortie de l’autoritarisme des pays sud-américains (Argentine, Brésil, Uruguay, etc.), effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est, etc.

    Cela dit, il ne faudrait pas leurrer : un sortie de l’autoritarisme peut conduire à une démocratie libérale (Espagne, Portugal, Chili, République Tchèque ou, plus près de nous, Sénégal) tout comme elle peut mener à une simple libéralisation politique pour (re)légitimer le régime (Mauritanie, République démocratique du Congo, Algérie après 1988), ou alors à une démocratie illibérale (Hongrie, Pologne) ou, dans certains, à un retour à l’autoritarisme (Russie, Turquie).

    Autrement dit, les changements de régime n’obéissent pas nécessairement à une logique linéaire et ne se déroulent pas de manière téléologique.

    Enfin, pour clore ce bref survol, et à moins de vouloir faire du présentisme, il est facile d’expliquer a posteriori une simple émeute ou d’un acte individuel comme les prodromes d’une révolution à venir. Mais ce n’est pas parce la chute de Ben Ali en Tunisie trouve son origine dans la confiscation arbitraire par un flic de la charrette du pauvre marchand ambulant qu’était comme ce fut Bouazzizi qu’un tel acte produirait les mêmes effets ailleurs. On a également vu les trajectoires diverses suivies dans chacun des pays ayant connu les soulèvements de leur population en 2011 allant de l’ouverture démocratique (Tunisie) à la guerre civile (Libye, Syrie, Yémen) à la reconsolidation autoritaire (Egypte, Bahrein).

    Autrement dit, l’histoire, la culture, la formation sociale, le contexte économique, la société civile et les élites, l’le contexte géographique, le rôle du militaire, es forces armées le rôle des autres acteurs internationaux, les institutions y compris l’institution militaire naturellement sont autant de facteurs qui déterminent, dans une combinaison qui est spécifique, le devenir d’un régime autoritaire.

    Gatt M'digouti
    25 octobre 2018 - 1 h 13 min

    A force de tirer trop sur la corde, à force de considérer le peuple comme immature, à force d’appliquer uniquement la justice que pour la plèbe, à force de taxer le peuple comme au temps des seigneurs féodaux, à force de s’accaparer des richesses du pays et ne rien investir pour bien être du peuple, un jour arrivera, ce ne sera ni le printemps zarbi, ni les 4 saisons de Vivaldi mais un méga tsunami qui laissera éclater sa rancœur de tant d’années de sagesse et de patience trompées par une élite corrompue, inculte, opportuniste, affamée.
    Ce jour là, rabi yestour wladna !!!!!

    Ch'ha
    24 octobre 2018 - 23 h 45 min

    Quelle printemps arabe tunisien …tous les tunisiens diplômés qui exercent en France et sont venus avant la chute de Ben Ali pleurent Ben Ali aujourd’hui.
    Quelle démocratie occidentale ?!
    Le chômage est des plus criant en France et dans cette Europe moribonde.
    Cessez de regarder de l’autre côté de la méditerranée et d’idéaliser une chimère.
    Toutes les grosses entreprises françaises rachetés par des étrangers….même la privatisation de la SNCF par des entreprises étrangères…Waouuu quelle réussite pour les Soros et comparses.

    Anonyme
    24 octobre 2018 - 22 h 26 min

    Quand le peuple se réveillera le pouvoir tremblera.

    Karamazov
    24 octobre 2018 - 21 h 57 min

    Vous pourriez faire tomber cent fois ce régime il se relèvera ou le même régime renaîtra de ses cendres.

    Tant que l’on ne s’attaque pas à la racine du problème qui est notre société : système économique rentier et culture arabo-islamique.

    C’est une révolution culturelle qu’il nous faut et la fin du système rentier (…)

      Zaatar
      24 octobre 2018 - 23 h 04 min

      @karamazov,
      Je t’ai compris l’ami. Tu insinues qu’on est tous des vendeurs de cacahuètes et de sardines, Et nous faisons tous la prière à la mosquée 5 fois par jour… Et il faut que ça change.

    Anonyme
    24 octobre 2018 - 21 h 55 min

    « Qu’est ce qui fait tomber un régime ? » L’instruction ! Un peuple instruit ne sera jamais assujetti .

    lhadi
    24 octobre 2018 - 21 h 37 min

    « Quand on plonge un peuple dans la misère et qu’il se trouve exposé aux sévices du pouvoir arbitraire… vous pouvez faire passer les gouvernants pour ce que vous voudrez, vous arriverez toujours au même résultat. Le peuple qu’on maltraite d’une manière illégale saisira la première occasion de se libérer d’un fardeau qui lui pèse lourdement. Il appellera de ses voeux le moment opportun et il guettera : les affaires humaines sont sujettes à tant de fluctuations, de faiblesses et d’accidents, qu’il est rare que l’occasion tarde à se présenter d’elle-même ».

    John Locke –

    ( dans son Essai sur le gouvernement civil (1690), il expose, à l’occasion de la révolution anglaise, ses conceptions en matière de philosophie politique. A lire absolument.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

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