Kamel Moula à Algeriepatriotique : «2019 sera l’année de l’export pour Venus»

Cosmétiques Venus
Kamel Moula. D. R.

Algeriepatriotique : Les produits des laboratoires Venus que vous dirigez sont de plus en plus prisés par le consommateur algérien en dépit de la présence sur le marché de produits de marques étrangères. A quoi attribuez-vous ce succès ?

Kamel Moula : C’est le fruit de 40 ans de travail. C’est aussi grâce à une équipe compétente et performante qui est toujours à la recherche d’innovation. Venus utilise les meilleures molécules et matières premières qui sont en vogue dans le monde occidental ainsi que les dernières technologies pour pouvoir offrir un produit de qualité au consommateur algérien.

Notre équipe travaille d’arrache-pied pour offrir des produits de qualité avec des standards internationaux. Les produits Venus détiennent les mêmes compositions que les produits des grandes marques et à des prix très compétitifs. Loin de moi l’idée de faire preuve de gloriole, mais les produits Venus sont parfois meilleurs que les produits européens, parce que nos produits sont adaptés en fonction de plusieurs facteurs, tels que le climat, la peau et les cheveux du client algérien. Contrairement au produit étranger qui est distribué partout sans égard à ce genre de facteurs.

Peut-on connaître la part de marché de Venus en Algérie ?

Nous sommes à près de 33% de parts de marché. Dans le monde entier, les leaders du secteur cosmétique sont toutes des multinationales, sauf en Algérie. C’est le seul pays où le leader des cosmétiques est un produit fabriqué localement. Nous devons cette réussite à la vision de mon père, Mourad Moula, fondateur de l’entreprise et qui investissait sur le long terme.

Il n’y a pas si longtemps, notre personnel était formé à l’étranger. Ce handicap freinait l’évolution de l’entreprise. Nous avons, avec le partenaire universitaire, réussi à mettre en place une formation qui n’existait pas, à savoir ingénieur chimiste option cosmétologie. Nous avons associé nos partenaires étrangers à ce projet. Ce rapprochement entre opérateurs et université a permis de généraliser le concept dans différents secteurs économiques.

Aujourd’hui, je peux dire que notre personnel de recherche est formé ici en Algérie, composé exclusivement d’Algériens, lesquels sont au même niveau, voire à un niveau supérieur à celui de leurs homologues étrangers.

Concrètement, pensez-vous pouvoir satisfaire les besoins du marché local à terme ?

Il est impossible pour n’importe qui de prétendre avoir 100% de parts de marché. Il ne faut pas oublier que la population continue d’augmenter. Cela veut dire que le marché lui-même est en train de grandir. Même si nous restons à 33%, nos chiffres continueront de croître. Cela dit, nous réfléchissons à élargir notre gamme de produits. Nous sommes en train de penser à explorer d’autres niches.

Vers quels pays vos produits sont-ils exportés ?

Nous avons commencé l’exportation de nos produits il y a peu de temps. Je ne suis pas encore satisfait des résultats mais le volume des exportations continue de croître. La taille de l’entreprise le permet et le fait de penser à exporter est une chose tout à fait naturelle. Nous exportons vers plusieurs pays africains, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Mauritanie, la Tunisie et dernièrement le Gabon.

Il y a une réelle demande de nos produits à l’étranger. Chose qui nous a fait réfléchir pour y installer notre marque, c’est-à-dire faire exactement le travail de recherche qui a été fait pour le client algérien : créer des produits qui répondent aux besoins des populations de ces pays-là, à des prix compétitifs.

Rencontrez-vous des obstacles ?

Oui, malheureusement. L’année 2019 a été décrétée année de l’export par notre gouvernement. Cela nous encourage à nous lancer dans l’exportation vu qu’il y a une réelle volonté d’accompagner les opérateurs algériens à l’international. Cependant, pour être concurrentiel dans les pays africains, il faut qu’il y ait, au préalable, des accords bilatéraux entre l’Algérie et ces pays. Sans cela, l’opérateur algérien est condamné à payer des sommes très élevées en termes de droits de douane par rapport à nos concurrents. Même si nous sommes compétitifs au départ, nous ne pourrons pas nous maintenir.

Notre diplomatie doit entrer en jeu. L’Algérie a soutenu plusieurs pays africains pour leur indépendance. Elle a effacé les dettes de plusieurs d’entre eux, je pense qu’aujourd’hui, il faut qu’il y ait un retour. Nous avons laissé notre place en Afrique vide pendant longtemps. En revenant, nous n’allons pas trouver le marché tel quel. Le marché africain, contrairement à ce que certains pensent, n’est pas un marché vierge. C’est un marché compliqué, marqué par une concurrence très rude. Notre gouvernement a très bien compris l’importance de l’exportation. Il faudra donc accélérer les accords bilatéraux pour que nous puissions exporter en toute confiance.

Un autre problème sérieux que nous rencontrons lors de nos exportations vers l’Afrique, c’est celui du canal bancaire. Nous n’avons pas de représentation bancaire sur le marché africain. Toutes nos finances passent par des banques intermédiaires, ce qui génère énormément de retard, chose qui agit négativement sur notre avenir en tant qu’exportateurs. Autre souci : la communication. Pour vendre des produits, il faut communiquer. Nos concurrents disposent de moyens colossaux en termes de communication alors que notre système réglementaire nous interdit de communiquer ou de faire de la publicité pour nos produits. Est-ce possible de vendre sans communiquer ? Impossible ! La communication est très importante, et cela reste un frein sérieux pour nous. Lors de nos réunions avec le gouvernement, nous avons abordé ces problèmes et d’autres et nous espérons que nos doléances feront bouger les choses.

Le gouvernement justifie les restrictions à l’importation en considérant qu’elles sont un «puissant moteur» pour relancer la production nationale. Quelle est votre opinion ?

Il n’y a pas longtemps, il était plus facile d’importer que de produire. Plus facile d’importer des produits finis que des intrants. Si cette crise va nous permettre de changer complètement notre mode de vision et notre économie, alors je considère que c’est une aubaine. L’interdiction totale des produits finis peut être un handicap dans la mesure où nous avons besoin de cette concurrence. Cette dernière nous a toujours poussés vers la perfection. C’est elle qui nous fait avancer.

Quel est le taux d’intégration de Venus ?

Le taux d’intégration de Venus est assez important. Il est de près de 50%. Ce taux était inférieur il y a peu de temps car les emballages étaient importés. Nos investissements nous ont permis de nous auto-suffire en emballage. Pour la matière première, une grande partie est produite localement, chez l’entreprise algérienne NIP. Pour ce qui est des intrants, nous les achetons auprès des leaders internationaux. De nouvelles entreprises algériennes ont investi dans la transformation, ce qui nécessite l’importation d’intrants. Aujourd’hui, nous recommandons d’aller vers la production de ces derniers. Cela devrait être parmi nos priorités majeures en intégrant dans cette chaîne de réflexion les opérateurs privés. Concernant le secteur de l’énergie, par exemple, qui a toujours été géré par l’Etat, nous demandons à ce dernier de nous associer et de l’accompagner dans ses projets énergétiques. Nous souhaitons que le gouvernement nous associe davantage pour garantir une autosuffisance dans plusieurs secteurs d’activité.

L’entreprise Venus a-t-elle introduit son capital en Bourse ?

Pour l’instant, la Bourse n’est pas une de nos priorités. Nos priorités aujourd’hui sont de faire évoluer l’entreprise localement et sur le marché international et d’aller vers d’autres investissements dans le même secteur d’activité.

Vous êtes président du Club des entrepreneurs et industriels de la Mitidja (CEIMI). Quel est le rôle de cet organisme ? Pouvez-vous nous citer quelques actions entreprises par ce club ?

C’est un patronat qui existe depuis 20 ans. J’en suis le quatrième président. Le CEIMI est fédérateur. Il est là pour accompagner des chefs d’entreprises et partager les expériences des uns et des autres, les aider et prendre en charge leurs préoccupations et les porter aux autorités du pays et vice-versa, le CEIMI transmet aussi les messages du gouvernement.

Aujourd’hui, nous ne pouvons parler d’économie, ni d’entreprise forte si nous n’avons pas une main-d’œuvre qualifiée. Et c’est notre point fort au CEIMI car nous accompagnons les entreprises dans la formation. Nous nous considérons complémentaires des autres organisations patronales mais jamais en compétition.

Le CEIMI a créé plusieurs formations diplômantes, que ce soit au niveau de l’enseignement supérieur ou de la formation professionnelle. Dans l’enseignement supérieur, nous en sommes à plus de dix licences professionnelles créées. Au niveau de la formation professionnelle, notre dernier-né est l’école de plasturgie. Nous avons donné près de vingt millions de dinars en équipements pour cette école.

Un pays producteur de pétrole doit produire sa propre matière première. C’est un créneau que nous devons développer. Cette école va permettre à beaucoup d’entreprises nationales de recruter une main-d’œuvre qualifiée. Cela servira également dans l’industrie automobile. Cette école permettra l’émergence d’une sous-traitance en plasturgie. La section meunière au niveau du CEIMI a aidé l’Institut des sciences et technologies appliquées dédiées au secteur de l’agroalimentaire (ISTA) à mettre à jour son matériel. Pour ce qui est du blé, le CEIMI représente plus de 30% du marché. Les recommandations de notre organisation sont pertinentes parce que nous cernons le problème par secteur d’activité.

Le CEIMI a participé aux réunions entre les organisations patronales et les ministères du Commerce et de l’Industrie pour la révision du dispositif d’encadrement des importations. Qu’en est-il ?

Le dossier est toujours au niveau du ministère. Nous avons participé à ces réunions et émis des propositions pour chaque secteur économique. Et, sincèrement, je me sens rassuré car c’est le ministère qui a sollicité notre participation. La liste est pratiquement arrêtée. Nous attendons sa publication. Certains produits vont être importés mais avec des droits de douane additionnels. Il y a des barrières tarifaires et non tarifaires à mettre en place. Les produits doivent être de qualité et répondre aux standards internationaux car, pendant longtemps, l’Algérie était considérée comme un «marché poubelle».

Dans la conjoncture actuelle, comment qualifierez-vous le partenariat entre le gouvernement et le patronat pour faire face à la crise économique ?

Les mentalités ont beaucoup évolué. Nous sommes fiers d’arriver à ce stade de discussions. Il n’y a pas si longtemps, chacun était dans son coin. Aujourd’hui, nous accompagnons nos ministres à l’étranger, nous sommes sollicités et écoutés. C’est un acquis qu’il faudra préserver car cela nous permettra de faire des pas géants. Nous sommes arrivés au point où il n’y a plus de distinction entre une entreprise publique et une autre privée. Les mœurs vont changer car, au final, nous avons le même objectif : le développement économique et sociétal de l’Algérie.

Le climat des affaires en Algérie s’est-il amélioré ?

Bien sûr, et il faut le signaler. Les gens qui ne font que critiquer ne ramènent pas de solutions. Il y a des lacunes, certes, mais il faut se donner le temps. Il faut juste se rappeler combien nous galérions, il n’y a pas si longtemps, pour récupérer un simple extrait de naissance, un registre de commerce, etc. Nous ne sommes pas arrivés à la perfection mais ce rapprochement entre l’Etat et les opérateurs nationaux a pour objectif d’avancer vite.

Quels sont vos projets à court terme ?

C’est un peu comme le message du gouvernement que nous avons pris à cœur qui est celui d’exporter. Cela fait longtemps que nous voulions passer à la vitesse supérieure et avec les visites effectuées en compagnie du ministre du Commerce ainsi que cette volonté affichée d’accompagner les entreprises nationales à l’export, nous nous sentons encouragés et épaulés. De ce fait, l’année 2019 sera l’année de l’export pour Venus.

Propos recueillis par Houneïda Acil

Comment (7)

    Kenza
    27 janvier 2019 - 22 h 44 min

    Perso, j’utilise que les produits Vénus car, d’une part, rapport qualité/prix ils sont imbattables et d’autre part, en plus de leur prix exorbitant, je me méfie des produits d’importation car ils peuvent faire l’objet de contrefaçons.

    anonyme
    27 janvier 2019 - 15 h 00 min

    je dis a ce jeune entrepreneur que les banques marocains elles sont bien implantées en afrique donc vous pouvez passer par les banques marocaines pour vos affaires y’a pas de soucis

    "Mind Set" de conquérant!
    27 janvier 2019 - 11 h 04 min

    Bravo et Félicitations à ce jeune entrepreneur! Enfin on commence à parler de parts de marchés, d’exportation, de qualité des produits, de production et de projets longs termes. On sent un changement de mentalité. Persévérons et soyons conquérant à l’International !!!

    Anonyme
    27 janvier 2019 - 9 h 16 min

    Il n ‘y a aucune raison d’acheter des produits d’importation pour des produits d’hygiène corporelle aussi banals que du shampoing, du gel douche, du savon liquide ou solide ou du déodorant puisque les formules et les matières premières sont largement les mêmes dans les produits de large consommation vendus en grande distribution. Hier même j’ai acheté un déo et un savon liquide Vénus. Si à l’usage on ne trouve aucune différence, pourquoi s’embêter à acheter des produits X fois plus chers sous prétexte qu’ils sont made in ailleurs ? En plus, en visuel, les produits Vénus ne détonnent pas dans le paysage des produits cosmétiques, ils sont bien habillés, alors que demande le peuple ?

    Anonyme
    27 janvier 2019 - 9 h 10 min

    je suis un grand consommateur de produits de parfumerie et ma preference va pour tout les produit « VENUS » pour leur prix et leur efficacité .je dit a ce ptoducteur national tous mes encouragements pour tout les efforts de ses techniciens en laboratoires en allant de l’avant en bravant le manque peut etre de certain produits de.fabrication indisponibles chez les grandes entreprises nationales.on a besoins de nos produits de terroir .

    marri
    27 janvier 2019 - 9 h 02 min

    Il faut encourager ce genre d’entreprise, créé il y a donc 40 ans et a tenu le coup en maintenant ces produits malgré l’importation de produits de multinationales semble-t-il « meilleurs ». Il faut également encourager, à contrario des importateurs de bananes et autres produits non prioritaires, ces entrepreneurs qui non seulement mettent sur rails l’industrie et l’économie de l’Algérie de demain, aident au développement de l’enseignement scientifique et technique dans nos universités et centres professionnels et donc de nos enfants. Bravo Monsieur, bravo Messieurs et bonne réussite à vous…..

    benchikh
    27 janvier 2019 - 8 h 23 min

    « Un pays producteur de pétrole doit produire sa propre matière première » j’espère que les responsables de Sonatrach sont à l’écoute de cette personne rare dans notre société Algérienne .Un produit comme le shampoing qui coûte 100 dinars du jamais vu(Merci Monsieur Kamel Moula) avec des produits sains et simples qui ne laissent aucune substance indésirable sur la chevelure ,et en plus les variétés éclatantes .Monsieur vous êtes un homme modeste et scientifique par votre phrase »L’interdiction totale des produits finit peut- être un handicap dans la mesure où nous avons besoin de cette concurrence » on écoute rarement cette phrase des entreprises , leur but « la vente  » Merci à vous ,l’Algérie est fière .

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