Contribution de Kaddour Naïmi – Où va le Mouvement populaire ?

44e vend Mouvement populaire
De la nécessité d'une base pour la réussite du Mouvement populaire. PPAgency

Par Kaddour Naïmi – Suite à la contribution précédente(1), reste à approfondir et préciser le problème de l’auto-structuration du Mouvement populaire et, d’une certaine manière, considérer la question de ce qu’on appelle la transition démocratique et le processus constituant.

Lisons l’histoire de tous les mouvements populaires contestataires d’une oligarchie dominante, quels que soient l’époque et le pays. On constatera que tous les militants-théoriciens (représentant réellement les intérêts du peuple, et formant une toute petite minorité), ayant participé au Mouvement populaire et réfléchi sur son action, ces militants-théoriciens sont unanimes pour tirer un identique bilan. Le Mouvement populaire a échoué parce qu’il a manqué de deux éléments stratégiques décisifs : 1) une organisation démocratique et efficace, 2) un encadrement intellectuel suffisamment formé et respectueux de la volonté populaire.

Tous les autres facteurs (divergences internes au Mouvement, interventions étrangères, opposition étatique, infiltrations, manipulations, arrestations, etc.) eurent un rôle secondaire, seulement tactique. Ce fut le cas, notamment, de la «Commune de Paris» de 1870, de la Révolution des Soviets en Russie (1921-1922), des «Collectividad» en Espagne (1936-1969), de l’autogestion agricole et industrielle en Algérie (1962-1965).

Le premier cas fut écrasé par l’alliance de la bourgeoisie française avec l’impérialisme prussien ; le deuxième cas, par l’Armée «rouge» dirigée par Trotski sous la direction politique de Lénine ; le troisième cas, par l’action conjointe, d’une part, de l’armée fasciste espagnole, augmentée par ses harkis marocains et des brigades fascistes italiennes, le tout appuyé par l’aviation nazie et, d’autre part, par la répression des staliniens du parti «communiste» espagnol et des agents du Komintern. Quant à l’autogestion algérienne, elle fut bureaucratiquement étouffée.

Mais combien d’intellectuels algériens (mais également dans le monde) connaissent les ouvrages relatant ces histoires ? Certes, ces livres sont très peu, en outre généralement occultés. Mais est-ce là une excuse quand on se prétend chercheur, universitaire, expert, politicien, intellectuel, notamment démocrate ou progressiste ?

Voici ces livres : respectivement Histoire de la commune de 1871 de Prosper-Olivier Lissagaray, La Révolution inconnue de Voline, L’Espagne libertaire 1936-1939 de Gaston Leval(2) et, concernant l’autogestion algérienne, David Porter(3) ?… Avoir lu ces textes aurait, comme l’auteur de ces lignes, permis de comprendre que le Mouvement populaire algérien devait, dès son surgissement, trouver le moyen de se doter d’une auto-organisation autonome, dotée d’un programme de revendications claires et de représentants sur mandat impératif, en sachant comment affronter tous les risques qui se présenteraient, tout en étant capable de présenter des interlocuteurs à l’adversaire déclarant vouloir négocier(4).

Pendant ces dix mois d’existence, le Mouvement populaire a su braver l’interdiction de manifestation publique, mais ne s’est pas auto-organisé. Précision importante : ce ne sont pas les détenteurs de l’Etat qui l’en ont dissuadé mais, hélas !, les prétendus «amis» du Mouvement populaire : intellectuels, politiciens, «experts», sans oublier les animateurs occultes du Mouvement(5).

Nous constatons le résultat. Dix mois de marches hebdomadaires pacifiques et joyeuses démontrent qu’un changement social radical au bénéfice du peuple n’a pas eu lieu. Une durée plus longue, avec une pression plus forte obtiendraient-elles le résultat escompté, comme l’estiment certains ? Au vu de la situation, considérée objectivement, le doute est plus que permis. Paraphrasons, alors, une fameuse expression : «Où va le Mouvement populaire ?» en proclamant vouloir la démocratie ?

Faut-il préciser que dans les cas mentionnés ci-dessus, il n’y eut pas création de parti politique, mais d’un mouvement social ? La différence est totale : l’un exclut l’autre. Tout parti politique (y compris les soi-disant «démocratiques» ou de «travailleurs») fonctionne sur la base d’une autorité hiérarchique, comprenant des décideurs et des exécutants ; au contraire, tout mouvement social authentique fonctionne sur base coopérative où l’autorité est exercée collectivement, de telle manière que décideurs et exécutants sont les mêmes. Mais il est probable, sinon certain que ceux qui pensent que la structuration d’un Mouvement populaire signifie uniquement sa constitution en parti politique, que ces personnes ignorent la différence fondamentale entre parti politique et mouvement social. D’où vient cette ignorance ? Du fait que les «élites» intellectuelles, de nature élitiste, s’intéressent uniquement aux institutions identiquement élitistes, – c’est le caractère des partis politiques –, et ne prêtent aucune attention aux institutions non élitistes, ce qu’est par nature un Mouvement populaire.

Il est vrai, cependant, que certains mouvements populaires dans le monde ont donné l’impression que des manifestations de masse, plus ou moins durables, étaient parvenus à chasser les détenteurs du pouvoir en place. Précisons ceci : dans ces cas, les preuves désormais existent que le mouvement était encadré de manière occulte par des agents étrangers (généralement états-uniens) en alliance avec des agents autochtones, d’une part ; d’autre part, le changement de régime n’a pas profité au peuple, mais à une nouvelle caste oligarchique.

Revenons au Mouvement populaire algérien actuel. Le changement social réellement au bénéfice du peuple a des exigences complémentaires aux marches pacifiques. Tel est l’enseignement des expériences historiques relatées précédemment, et d’abord, répétons-le, la nécessité vitale de l’organisation et de l’encadrement démocratiques et efficaces. Ces deux caractéristiques sont indispensables. Cependant, la pratique montre qu’elles peuvent se contredire : la démocratie entravant l’efficacité, ou l’inverse. Néanmoins, il faut trouver l’adéquate conciliation et complémentarité, autrement c’est l’échec.

Dans quelle mesure le Mouvement populaire algérien actuel pourrait-il satisfaire ces conditions ? Cela dépendra du degré de démocratie présent dans ce Mouvement. Certains objectent : le peuple algérien n’est pas apte à pratiquer la démocratie. Ce problème sera examiné dans la prochaine contribution.

K. N.

[email protected]

(1) Des solutions pour le Mouvement populaire, https://www.algeriepatriotique.com/2019/12/20/contribution-de-kaddour-naimi-des-solutions-pour-le-mouvement-populaire/#comments

(2) Tous librement disponibles sur internet.

(3) David Porter et l’autogestion algérienne in http://kadour-naimi.over-blog.com/2018/02/david-porter-et-l-autogestion-algerienne.html

(4) Voir Du cri à l’organisation in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/03/du-cri-a-l-organisation.html

(5) Voir Elites et peuple en Algérie : compléter l’inachevé in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/12/elites-et-peuple-en-algerie-completer-l-inacheve.html

 

Comment (9)

    Le Hirak n'ira nulle part ...
    23 décembre 2019 - 16 h 36 min

    …Il est le socle de l’Algérie !
    Par contre, la question se pose « aux Aïssabis de tout acabit qui squattent l’Algérie » !!!
    Ils ont le choix entre la valise ou le cercueil, mais amoureux de la vie qu’ils sont, leur choix est tout indiqué…
    « Lakhbar idjibouh touala » !

    Karamazov
    23 décembre 2019 - 11 h 53 min

    A un barrage à la sortie de Les Zoizos un policier m’arrêta avec de grands gestes. Comme je n’avais pas l’habitude de conduire en Algérie j’avais oublié les mœurs à cette époque de la décennie noire et je ne savais même pas où était le plafonnier et qu’il fallait éteindre les phares. J’avais tellement la frousse que je bafouillais des excuses idiotes. Le policier regarda à l’intérieur de la voiture et vit quelque chose qui le fit rire. Il m’a dit gouli belli ra khabet ou rouh allah issahel, bla3qel. Il a vu que je n’étais pas un tango.

    Il y a apipri karanta, j’ai été chopé par deux gendarmes sur une route dans la campagne française, je conduisais en état d’ivresse. Un des gendarmes manifestement bleu dans le service et qui avait bu plus que moi , regarde dans son manuel et dit à son collègue ; tiens mets-lui celle-là et encore celle-là et celle-là . Ils me collèrent 9 contredances pour la même infraction. Quand j’ai expliqué cela au juge, il ne me laissa qu’une seule, celle du clignotant.

    KN, lui, regarde dans ses manuels pour nous expliquer le Hirak . Il croient qu’il va nous le montrer en le noyant sous une foisonnante érudition.

    Sansylo
    23 décembre 2019 - 8 h 32 min

    Ya si Kaddour, garde tes remarques et tes livres pour toi , ce sont des écrits d’une autre époque donc bien révolue.

    Trotski , Staline, ou Lénine ce n’est pas notre tasse de thé ! Basta avec la culture de destruction, on en a déjà notre dose.

    Zaatar
    22 décembre 2019 - 20 h 29 min

    A lire certains commentaires on a l’impression que le district attorney a pris en charge cette affaire du « ou va le hirak ».

    Zaatar
    22 décembre 2019 - 20 h 17 min

    Moi je n’ai rien à ajouter à ce que nous a raconté KN. J’allais juste chanter, si vous la connaissez, « ouin ghadi biya khouya ouin ghadi biya… »

    Anonyme
    22 décembre 2019 - 17 h 57 min

    First of all the Hirak is not losing you are the loser.
    If the Hirak was structured it will be easy for Gaid salah to arrest the leaders (proof TABOU BOUREGAA and many others)
    Yourself on which side you are ? The Hirak or La Camora

    SOYOUZ
    22 décembre 2019 - 16 h 51 min

    Mr KN, vous reconnaissez au moins que vous « semez le doute » avec ou va le mouvement en proclament la démocratie?
    Pour un intello, avec l’envie d’être une élite, c’est vraiment vraiment désolant !!!!
    Pourtant, il y’avait bcp de commentaires concernant votre première contribution, mais apparemment non, pourtant il y’ a bcp de remarques intéressantes qui vous aurez éviter de vous enfoncer , c’est maladif chez  » l’élite  » Algérienne, ça me rappelle quelqu’un qui si tu ne l’appelles pas  » ya Tbib » il le prend mal., ceci pour vous dire que vos lectures théoriques ne vous donne aucune légitimité pour « semer le doute » et vous n’en avez le droit dans un moment aussi crucial pour le peuple Algérie, il ne serait ce que par respect aux détenus politiques, au peuple Algérien qui souffre depuis 57 ans, et qui depuis le 22 février 2019 par dizaines de millions dit BASTA , gardez vous de donner des leçons parce que vous avez lu !!! faire référence à la révolution Française c’est comme comparé la fabrication de voitures pendant les années 30 et maintenant .
    Je tiens à vous faire encore ces quelques remarques en espérant que vous allez prendre la peine de les lire, dans l’intérêt général, si j’ai le droit à ma citoyenneté !!!
    – le mouvement populaire s’inscrit dans une révolution de liberté et d’indépendance du peuple Algérien qui tous les mardi et vendredi cria à des millions de voix  » Istiqlal et Houria  » les mots ont plus qu’un sens mais aussi un poids, Mr KN êtes vous sensible avant de réfléchir?
    – le peuple ne proclame pas la démocratie mais son exercice en le montrant dans les actes et espoirs exprimés lors des manifestations
    – 10 mois de marche qui ont permis au peuple de changer radicalement en gagnant en unité, en civisme, en maturité politique, en solidarité etc…habilement vous inversez les rôles car dans les faits c’est le système qui ne veut pas d’un changement radical
    – marcher par millions avec autant de civisme, d’ordre, de joie , de rencontre de toutes les générations etc…nécessite bcp de petites structures à petites échelles pour arriver à une telle organisation nationale, qui va finir par se structurer au niveau national, le peuple Algérien vit une renaissance, comme un bébé il à besoin de temps pour courir,
    – le mouvement est encore horizontale car il est pragmatique, le peuple est sur le terrain , c’est au charbon qu’on devient forgeron pas dans un salon
    -je vous rassure donc que »le mouvement n’est pas encadrer de manière occulte par les agents étrangers », donc au lieu de semer le doute , il faudrait féliciter le peuple Algérien pour son génie et sa grandeur que de le réduire, j’appelle ça du mépris …ne chassez pas la lumière Mr NK, ne coupez pas la tête au peuple à chaque fois qu’il essaye de la relever, je considère votre contribution comme une embuscade contre révolutionnaire.

    Tassaâdit
    22 décembre 2019 - 14 h 48 min

    Où va le Mouvement populaire ? Mais vous n’avez pas encore compris et saisi qu’il est déjà DANS LA TRAPPE !
    Vraiment, cher Monsieur K.N., vous me décevez énormément. Dommage…

      Anonyme
      22 décembre 2019 - 16 h 47 min

      @Taharkits Il y aura une seule trappe, celle où on va y jeter tous les pourris et leurs complices…

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