La violence surgit quand les repères identitaires sont déstabilisés

Alger repères
Scènes de violence à Alger le premier jour du Hirak. D. R.

Par L’hadi – Pour donner sens à leur identité personnelle et collective, les individus ont besoin de références convaincantes à des normes et des valeurs, des modèles, des traditions et des souvenirs. Qu’on utilise les termes de culture, d’idéologie ou d’univers symbolique, il s’agit toujours de mettre en évidence le système de repères qui permet aux individus de rendre leur monde intelligible.

Grâce à ces repères, des comportements vont acquérir une signification, positive ou négative ; ils vont pouvoir s’inscrire dans des continuités ou discontinuités déchiffrable, non seulement à l’échelle d’une vie individuelle mais aussi dans l’histoire collective. L’univers symbolique de référence est donc une «mise en ordre» de la société. Il permet d’anticiper ce qui sera perçu comme légitime ou illégitime, légal ou illégal, rationnel ou irrationnel. Par-dessus tout, il protège des doutes.

Le besoin de sécurité des individus ne se réduit pas à l’intégrité physique ni à la sphère économique. Il concerne aussi le domaine des croyances et des convictions. Tout acteur social a besoin de s’appuyer sur elles pour se donner des objectifs et poursuivre quelque dessein. Singulièrement, tout citoyen a besoin de se persuader, soit de la légitimé du système politique s’il souhaite le défendre, soit, au contraire, de la légitimité du combat mené pour le réformer ou le renverser.

L’attachement rigide à des repères voulus stables et invariants est une réponse courante à l’anxiété politique. Or, celle-ci ne manque pas de s’aggraver en cas de menaces. Aussi peut-on résumer l’importance majeure d’un univers symbolique au fait qu’on peut y rechercher des réponses à trois questions qui ne manquent jamais d’émerger à des moments décisifs.

La première concerne l’identification des groupes ultimes d’appartenance. Lorsque s’exacerbent les conflits, lorsqu’éclatent des violences, quelles solidarités doivent l’emporter : les allégeances communautaires, nationales ou de classe ? Les solidarités internationales ou l’attachement à un terroir ?

La deuxième question concerne les valeurs ultimes de référence. Les idéaux qu’on affiche – valeurs démocratiques, droits de l’Homme, etc. – ne sont pas nécessairement, tant s’en faut, ceux qui inspirent en toutes circonstances les comportements quotidiens des individus ou le fonctionnement du système politique. Mais officiellement partagés, ils contribuent puissamment à la construction d’un lien social, en masquant les clivages diviseurs ; surtout en tant que modes de légitimation à postériori, ils contribuent à la construction d’une cohérence apparente des comportements personnels ou institutionnels.

La troisième question renvoie à la nécessité de se donner une histoire et une mémoire : non seulement pour éviter d’être voué à la répétition mais, plus encore, pour édifier une identité sociale, culturelle et politique dotée d’un minimum d’épaisseur. Un univers symbolique est un prisme de lecture du passé qui sélectionne les événements significatifs, autorise des jugements de valeur sur les faits et les personnages, permettant ainsi la mise en place de références collectives unificatrices.

La violence surgit quand ces repères identitaires se trouvent déstabilisés et qu’il en résulte incertitudes et angoisses. Une telle situation se produit lorsqu’il y a choc d’univers symboliques à la fois antagonistes et irréductibles, ou encore lors de désajustements progressifs des valeurs et croyances qui les rendent inaptes à répondre au besoin de sécurité existentielle.

L.-H.

Comment (17)

    L’hadi égal à lui même
    29 février 2020 - 17 h 30 min

    @L’hadi a toujours était dans le général, le confus, abracadabrantesque etc.. etc. Il n ‘y a que lui qui se comprend , qui comprends ce qu’il raconte ! Dommage car çà doit être un intellectuel qui connait beaucoup de chose !

    chaoui40
    29 février 2020 - 7 h 34 min

    La violence a plusieurs origines; dans le cas de la violence actuelle que vous semblez déplorer, il s’agit d’une violence politique, au sens premier du mot « politique » : elle est une lutte des classes ! Il y a la violence anti-coloniale, la violence anti-chaouis, la violence anti-merguez, etc. Bref, il y a autant de violences que d’objets de lutte !

    Omar
    28 février 2020 - 20 h 45 min

    J’aurais aimé que l’auteur de cette contribution « se mouille » un peu en étant plus explicite. Théoriser, en l’occurrence sur des sujets tels l’identité ou la culture, est une chose, analyser les contradictions, les oppositions, les discours et les points de rupture en est une autre. Il s’agit surtout d’expliquer, de prévenir et de mettre en garde contre les risques auxquels le pays aura à faire face à la montée dangereuse d’un certain irrédentisme et de revendications identitaires dans notre pays.

    Un lecteur lambda
    28 février 2020 - 20 h 30 min

    L’identité, c’est d’abord une construction, c’est un processus en mouvement continuel auquel participent l’individu et la société qui l’entoure. Les différents peuples qui se sont succédé en Afrique du nord mentionnés dans les livres d’histoire ont tous vécu à proximité des populations locales, mise à part peut-être les Vandales qui eux prônaient l’arianisme (ils se considéraient comme Ariens, des êtres de « race pure ») cela a duré des siècles voire des milliers d’années. Qu’il s’agisse des Gréco-phéniciens, des Byzantins, des Romains, des Arabes, des Turcs et des Français, il y a eu des interactions entre populations pratiquement à tous les niveaux. Durant des milliers d’années, ce brassage culturel a transformé, forgé et « sertie » ce qui constitue aujourd’hui notre culture. Certaines régions, par leur caractère montagneux et peu accessibles furent moins sujettes à ce brassage. Il est vrai que notre culture est millénaire, ce qu’il faut préciser, c’est qu’elle s’est construite au gré de brassages avec d’autres peuples. S’agissant de culture (ensemble de langues, traditions, coutumes, pratiques…) la notion de pureté est un non-sens. En réalité, nous sommes le reflet de notre histoire. La langue à elle seule, même si elle est un vecteur important de ce que nous sommes culturellement, n’est pas suffisant pour définir notre identité. Nous sommes tout à la fois. L’identité « essentialiste » n’existe pas, c’est un leurre dont le but est de nous diviser pour mieux nous vaincre (l’essentialisme signifie que dès sa naissance, chaque individu ou chaque communauté est porteur d’une identité qui lui est propre et qui déterminera son parcours de vie). C’est une forme de déterminisme. Or nous savons tous que le déterminisme n’existe pas, nos manières d’être et d’agir ne sont pas fixées d’avance, le déterminisme c’est le contraire du libre arbitre. Nous nous chamaillons comme des chiffonniers sur ce site à longueur de contributions sur cette question d’amazighité et d’arabité… En réalité, nous sommes les mêmes, que nous soyons arabophones ou berbérophones, qu’est-ce qui change au fond ? Nous partageons le même pays, la même histoire, la même culture… Il nous appartient surtout de construire un avenir commun, apaisé et dans le respect des uns et des autres dans un pays où il fera bon vivre. Les enjeux qui nous attendent sont nombreux : l’éducation, l’économie, l’environnement. Les chantiers sont si nombreux !

      Zaatar
      29 février 2020 - 12 h 29 min

      Le déterminisme qui n’existe pas…doit on déduire que les destinées de tout un chacun sont aléatoires ? Au gré des décisions de chacun des cerveaux? Cela remet en cause beaucoup de choses, en d’autres pas mal de croyances, et ça fout en l’air bon nombre de sociétés.

        Un lecteur lambda
        29 février 2020 - 23 h 18 min

        En effet, rien n’est décidé ou écrit pour nous en tant que groupes humains avant même notre naissance. Je n’utiliserai pas le terme destinée, je dirai plutôt que notre cerveau fonctionne tel un musicien, il peut suivre une partition et aussi improviser quand ça lui chante. Mais son fonctionnement est tout sauf aléatoire. Notre vie, nous la construisons nous-mêmes individuellement même si nous sommes en perpétuelle interaction avec notre milieu. (Chez nous, beaucoup de gens parlent de « mektoub », pour dire que ce qui leur arrive n’est pas de leur fait et ainsi occulter et nier leur propre responsabilité). En Islam, la liberté d’agir non seulement elle existe mais elle est essentielle. Le bien et le mal existent, c’est à nous de décider quelle voie nous voulons suivre. C’est cela le libre arbitre.
        Le sociologue allemand Max Weber à longuement abordé cette question.
        Selon lui, les phénomènes sociaux ne doivent pas être décrits ou interprétés en termes d’ « êtres collectifs » antérieurs aux individus mais le faire en les rapportant à des comportements individuels.
        Ce qui est mis en avant, c’est le libre arbitre et la responsabilité morale qui lui est associée. Il rejette l’idée que la socialisation, toute aboutie qu’elle soit, produise des acteurs qui seraient conditionnés par leur environnement au point que toutes leurs actions leur seraient dictées par ce conditionnement.

          Zaatar
          1 mars 2020 - 15 h 35 min

          Donc dieu n’y est pour rien dans notre vie et ne peut en aucun cas changer ce que nous avons décidé. Mieux, il ne sait même pas où nous allons puisqu’on peut changer à tout moment… c’est ça?

          Un lecteur lambda
          1 mars 2020 - 20 h 11 min

          @Zaatar
          Dieu sait où nous allons même si on change de voie ou de conduite mais Il n’intervient pas. Nous sommes certes influencés par notre milieu sociologique (famille, amis, collègues, etc.) mais nous avons une conscience individuelle qui nous dicte notre conduite.
          L’homme, contrairement à l’animal, qui lui est poussé par son instinct et ses besoins, dispose du libre arbitre, ce qui lui permet de faire telle chose ou ne pas faire et peut imposer sa volonté et déterminer une action d’une manière rationnelle et réfléchie. Autrement dit, il a le choix, et c’est là que réside sa liberté. Cette conscience de soi est ce qui permet à l’individu de vivre en société, elle permet de respecter des règles et de poser des limites utiles pour rester en accord avec le groupe. Mais la notion de conscience de soi ne va pas sans les notions de morale, de bien et de mal, qui orientent nos actions et nos jugements et nous permettent de faire la part de ce qui mérite d’être poursuivi et réalisé et de ce qui mérite d’être condamné et empêché. Ce qui est remarquable, chez nous, c’est que cette liberté de conscience qu’on a cru complètement anéantie et remplacée par une attitude de soumission gangrénée par une course effrénée à la consommation et à l’accumulation de biens de toutes sortes (nous sommes devenues, en effet des « tubes digestifs », formule que certains compatriotes utilisent souvent sur ce site) est soudain réapparue – par la grâce du Hirak (quand on dit que le Hirak est béni, ce n’est pas pour rien). Aujourd’hui, le peuple a retrouvé sa force grâce à cette prise de conscience. Il nous appartient aujourd’hui individuellement et collectivement de dessiner les contours de la société nouvelle que nous voulons édifier…

          Zaatar
          1 mars 2020 - 22 h 59 min

          Dieu sait où nous allons mais il n’intervient pas. En d’autres termes, il connait la destinée de chacun, mais n’intervient pas pour ceux qui sont destinés pour l’enfer de part leur comportement sur terre ou dieu les laisse faire. C’est ça?

      Zaatar
      29 février 2020 - 16 h 24 min

      Déterminisme qui n’existe pas ? Ca remet beaucoup de choses en question dans la société…

    Aurès
    28 février 2020 - 19 h 52 min

    La violence du peuple a pour origine le manque de travail, de logements et la corruption.
    Le reste n’est que manipulation.

    Elephant Man
    28 février 2020 - 17 h 58 min

    L’ Algérie est ALGÉRIENNE ????????????????
    Le pays est constitué de plusieurs régions chacune avec leur spécificité culinaire leur folklore leur patois …. leur Histoire commune et qui font toute la richesse du pays.
    Le reste n’est que de la manipulation de masse, politique politicienne et plus grave ethnicisation à la sioniste BHL MAK et cie..
    « Ce que la violence t’a fait gagner, une violence encore plus grande te la fera perdre… » Ghandi.
    Pour reprendre @Amascha-Hô : le présent sert à faire interagir le passé avec le futur.

      fifo
      29 février 2020 - 0 h 25 min

      tu joues les patriote mais au fond en cé dans quelle quand tu joues maintenant arrêt ton baratin BHL MAK ce un discourt plain de haine
      et de racisme zaama Mr le rassembleur

      Anonyme
      29 février 2020 - 10 h 48 min

      Dans ton islam il y a plus de judaisme que dans les 12 tribus d’Israel.
      Ton antisionsime n’est pas suffisant pour faire une identité.

    Anonyme
    28 février 2020 - 15 h 31 min

    Je vous lirai plus serieusement quand vous vous donnerai la peine de donner un peu plus de details sur l’identite dont vous parlez. En fait vous l’avez fait dans des ecrits recents et ca n’a rien a voir avec les references identitaires que vous pronez dans cet ecrit qui me parait a moi comme un ramassis de mots savemment mis les uns a cote des autres. La vraie identite de l’Algerien commence des ses debuts sur sa terre et il faut oser le dire. Elle ne nous est pas venue plus recemment sur le dos d’un chameau. Pour le moment je vous lis poliment et puis c’est tout.

    En identité 1+1= 3
    28 février 2020 - 10 h 00 min

    Manque la cinquième, celle de faire deriver l’Etat et ses institutions directement de ce reservoirs de valeurs. La question politique sont dans la continuité de l’archetype culturel et symbolique d’où l’impératif de subordonner toutes les institutions aux valeurs citées, toute superposition organisationnelle d’une vision extérieure du monde serait un corps étranger mène au blocage des flux entre présent et valeurs, ce qui permet le progrès. L’Etat n’est donc pas négociable et est une option naturelle d’ordre qualitative. Les compromis se font sur tout mais pas sur l’identité sans quoi les flux sont définitivement bloqués.

    Si la culture et la symbolique sont importants la clé du chateau est la langue, elle codifie le savoir et indique les limites d’une territoire symbolique culturel. Un monde vécu internement qui ensuite se projette vers l’extérieur. Cette clé peut ouvrir l’impalpable et fermer l’harmonie. C’est ainsi que l’Etat arabe croyant arabiser sans perdre de son harmonie se retrouve avec un peuple tiers méconnu. En identité 1+ 1 = 3.

    anonyme
    28 février 2020 - 9 h 11 min

    je n’épouse pas votre analyse

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