Le coronavirus : un prétexte à régler des comptes avec la Chine
Par Ali Akika – Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage. C’est l’attitude adoptée par certains pays qui profitent d’une situation délicate pour faire d’une pierre deux coups. Ils sautent donc sur une occasion rêvée pour lui créer à la Chine des problèmes dans les domaines économique et stratégique et faire oublier le désastre engendré chez eux par le coronavirus. Nous verrons plus loin la nature de la machine mise en branle pour confiner la Chine dans un coin comme le mauvais élève de la classe. On commence timidement à faire allusion à un coupable non encore identifié et puis la musique monte crescendo… virus étranger, virus de Chine, virus artificiel fabriqué, virus échappé d’un laboratoire, etc. Les habituels perroquets qui reprennent les refrains de la voix de leur maître ont heureusement été refroidis par la parole des scientifiques qui se battent concrètement contre le maudit virus. Ils ont tous contredit la thèse d’un célèbre prix Nobel qui affirma un peu trop vite que le virus a été fabriqué dans un labo chinois mondialement connu.
En réalité, la polémique suscitée par un virus inconnu relève plus de la politique que de la médecine. Ainsi, la féroce campagne de dénigrement de la Chine n’est ni fortuite, ni surprenante. Les accusations dont est victime ce pays ne date pas d’aujourd’hui. Tout le monde se rappelle la rude guerre commerciale menée par Trump contre le monde entier et singulièrement contre l’Iran et la Chine. Il est un autre événement qui dépasse de loin le contentieux commercial de droits de douanes, de la monnaie chinoise sous-évaluée, etc. Cet événement n’est autre que l’émergence de la 5G qui introduit une révolution dans la révolution des réseaux d’informations. La mobilité de la 5G dans l’espace et le temps et sa capacité à entrer dans les secrets industriels les mieux protégés donnent des sueurs froides aux Américains. Si on ajoute à ce potentiel chinois la mise en place du réseau commercial dit de la route de la soie, une Marine dotée de porte-avions et de sous-marins nucléaires, l’«atterrissage» sur Mars dans les prochaines années, toutes ces conquêtes sont considérées comme une menace à ceux qui veulent garder le privilège de faire la loi dans le monde.
Aussi Trump profite-t-il de n’importe quelle situation, aujourd’hui c’est le coronavirus. Hier, il cherchait à faire capoter l’ambition des Chinois à conquérir le marché mondial du numérique par le biais de la 5G. Pour mettre des bâtons dans les roues de la 5G, Trump a demandé au Canada d’extrader la fille du patron de la 5G, accusée par la CIA d’espionnage. Tous ces éléments cités sont connus et visent à empêcher la Chine de devenir la première puissance du monde. Les Américains ont vu la menace se concrétiser année après année et ont décidé de ne pas éparpiller leurs forces pour se renforcer dans le Pacifique, la zone où se concentrent des monstres économiques voisins de la Chine (Japon, Corée du Sud, Australie, et même le Vietnam qui connait un grand développement). Cette campagne de dénigrement et de sanctions révèle ainsi l’incapacité des adversaires de la Chine à utiliser la traditionnelle politique de la canonnière.
La Chine n’est pas l’Irak qui a été envahi sur la base d’un grossier mensonge qui a décrédibilisé à jamais la parole des Etats-Unis. Il y a quelque chose de pathétique chez certains médias à vouloir lutter contre les fake news (fausses infos) et de relayer servilement une politique délibérée de mensonges des Etats-Unis. Ces mêmes médias ne se donnent même pas la peine de réfléchir sur le désaveu de l’opinion à leur égard. Ils feignent ignorer qu’une partie de cette opinion donne plus de crédibilité à des infos circulant dans les réseaux sociaux. Certes, dans ces réseaux, il y a à boire et à manger. Mais il y a aussi des voix, des plumes qui accèdent à des infos et savent les traiter en s’appuyant sur une culture historique et philosophique.
Ainsi, le Vieux Monde, habitué à aller à la guerre la fleur au fusil, ne sait plus à quel saint se vouer. Dans leur croisade d’un autre temps, ils ont pour serviteurs la cohorte des naïfs et des idéologues qui sont fâchés avec l’implacable dialectique de l’Histoire. Tout ce beau monde a enfin compris que la guerre n’est pas une promenade comme au bon vieux temps du colonialisme. Il reste à ce monde de comprendre que l’on ne gagne pas la guerre idéologique par des mensonges construits sur des sables mouvants. Ils ont oublié que la désinformation est une sorte de «science» qui met face à face deux adversaires (les services secrets) dotés de la même intelligence stratégique. Cette technique de la désinformation consiste à transformer la vraisemblance des choses en vérité pour intoxiquer l’adversaire. Ce travail est confié à des fins esprits. Ces derniers manient avec un art consommé les matières du vrai et du faux, le socle de la désinformation. Avec la compagne autour de la «responsabilité» de la Chine sur l’émergence du Covid-19, les adversaires de ce pays font appel à des infos bricolées dont la fausseté et la médiocrité sautent aux yeux et sont trahies parfois par un simple mot.
Il faut dire que tout le monde ne peut être monsieur de La Fontaine dont les fables sonnent la vérité mieux que certains essais sociologiques. Que dit La Fontaine sur la puissance des mots ? Il faut, dit-il, employer le mot juste et le placer au meilleur endroit de la phrase. Ce n’est pas «la littérature» des tweets dont les auteurs changent d’avis tous les jours qui va remplir la subtile tâche de la désinformation. Eh oui, la désinformation a été remplacée par la vulgarité de la rumeur véhiculée par des tweets. Des Etats ont mis au «chômage» leurs services secrets dont la fonction est de faire de la désinformation, encore une fois véritable art de l’intoxication. Des romanciers célèbres ont fait un parallèle entre la littérature et l’art de la désinformation. Le plus grand d’entre eux est John Le Carré, lui-même ex-espion de sa Majesté la reine d’Angleterre.
On connaît la puissance de la grande littérature qui, malgré l’écoulement du temps, nous aide à lire le présent. Faisons la liste des mots et de mensonges avec lesquels la propagande a bassiné l’opinion. Pour Trump, le coronavirus va disparaître avec la chaleur du printemps ; en France, c’est une grippette, etc. Le virus vient de Chine (Trump), il a été fabriqué dans un P4 bunker ultra-sophistiqué à Wuhan, le virus a contaminé un chercheur, le virus s’est échappé d’une poubelle où les Chinois jetaient pèle-mêle les matériaux utilisés dans les labos (interview d’un virologue américain)… Arrêtons cette liste de mensonges enfantins de gamins dans une cour de récréation. Heureusement, des spécialistes sur les plateaux des télés françaises n’ont pas été les complices d’animateurs/journalistes qui les harcelaient pour leur arracher leur caution d’hommes de sciences.
Pitoyable attitude de journalistes pour avoir un scoop bon pour leur promotion et pour assouvir leur haine de la Chine. Ce genre d’attitude, on l’a rencontrée au sujet de l’Irak, de la Syrie, de la Libye, du Venezuela, de l’Iran, de la Chine. Mais la Chine, qui a dans sa besace des arguments de toute nature, a de quoi faire taire ce petit jeu qui relève du plus mauvais théâtre. Cela dit, la Chine ressemble à tous les Etats ; elle défend ses intérêts et, dans l’arsenal de cette défense, elle pratique la rétention des informations. Quant aux secrets qui menaceraient sa sécurité nationale et son prestige, encore une fois, comme tous les Etats, elle peut aller jusqu’à faire la guerre. Dans cet acharnement, il y a quelque chose d’obscène.
Voilà un pays qui partage ses recherches sur le Covid-19 avec le monde et les scientifiques français qui informent l’opinion en font cas dans les médias. Voilà un pays qui fournit à beaucoup de pays du matériel médical et des milliards de masques de protection, un pays immense de 1,3 milliard d’habitants qui est arrivé à stopper le virus et le cantonner dans une ville, et c’est ce pays que l’on veut faire passer pour une contrée infréquentable. Un tel regard pourrait être vraisemblable si le pays qui diffuse pareille image n’avait pas offert au monde l’image d’une fosse commune où l’on a enterré les victimes de Codiv-19, fosse à quelque encablure de Wall-Street, Temple de la finance mondiale.
On a des raisons de critiquer un pays, ici la Chine, mais le mettre sous le feu nourri de la rumeur, des mensonges et des on-dit, cela n’est pas digne… La vérité finit toujours par émerger. L’histoire en témoigne.
A. A.
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