Règlement de la crise libyenne : le sens profond de la démarche algérienne
Par Kamel B.(*) – En déclarant, avant son retrait, que la Libye «est très proche du point de non-retour», Ghassan Salamé, représentant spécial des Nations unies en Libye et chef de la Mission des Nations unies en Libye (UNSMIL) résume, à lui seul, l’inquiétude de la communauté internationale quant à la situation dans ce pays et à son devenir.
Sur le dossier libyen, et au-delà de la dette historique du sang algéro-libyen mêlé en 1958 dans la bataille Eisselyene, la démarche de l’Algérie repose sur un certain nombre de valeurs qu’il importe de rappeler très succinctement : respect de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale des Etats ; non-ingérence dans les affaires intérieures ; équidistance ; offre de bons offices pour dénouer des crises et des conflits mettant aux prises des pays frères et amis.
Depuis, la diplomatie algérienne a toujours eu à assurer honorablement son rôle au sein de la communauté internationale. Pour l’Algérie, la crainte de voir au sein de son espace immédiat un peuple frère et un pays voisin vivant une situation dramatique aux conséquences déstabilisatrices avec l’intensification des violences, le rejet de toute situation de division devient urgent car il en résulte non seulement des troubles internes mais, aussi, des prolongements extérieurs – contagion de l’instabilité – de sorte que la paix et la sécurité deviennent à leur tour menacées.
La crainte d’une guerre totale est vive dans les départements ministériels des pays voisins et des puissances étrangères. «Pour l’Algérie, la solution [en Libye, ndlr] ne saurait être militaire», a affirmé récemment le président Abdelmadjid Tebboune dont, il faut le dire, l’élection a permis un retour de la diplomatie algérienne sur la scène internationale, faisant remarquer que cette démarche «devrait être nécessairement politique, ouverte sur l’avenir» et permettant «une solution libo-libyenne» et aux frères libyens de «décider par eux-mêmes de leur avenir».
Une démarche réitérée par l’Algérie lors de la Conférence ministérielle sur la stabilité et le développement de la Libye, tenue à Berlin, qui a été endossée par le Conseil de sécurité (résolution 2510 adoptée à l’unanimité le 12 février dernier), et dans laquelle le président Tebboune a rejeté toute forme d’intervention militaire («il n’y a pas de solution militaire à la crise actuelle») et plaidé pour une solution politique à travers un dialogue et une réconciliation qui doivent être inclusifs, soulignant le risque de l’escalade totale.
Les nombreuses déclarations du président Abdelmadjid Tebboune et les analyses du ministre Sabri Boukadoum sur les efforts de l’Algérie en Libye font état désormais d’un impact très positif chez les Libyens, toutes sensibilités confondues. La voix algérienne équidistante, équilibrée et désintéressée devient donc de plus en plus séduisante auprès des Libyens qui craignent pour l’avenir de leur pays.
Ni frivole ni inconséquente, la persévérance du ministre Boukadoum l’a conduit en Libye pour réaffirmer les valeurs du dialogue et de la réconciliation nationale comme unique solution au conflit agitant ce pays et rappelant par là même à nos frères libyens le principe d’appropriation.
La Conférence de Berlin reprend à son compte, faut-il le préciser par honnêteté intellectuelle, le long processus de négociations dans lequel l’Algérie s’était distinguée, pour avoir été la seule capitale ayant pu réunir, dans une même salle, plus de 200 protagonistes libyens en vue du paraphe de l’accord politique, dont les partisans de la mystification faite au sujet de Skhirat occultent dans leur capitalisation que ce dernier reste pour les connaisseurs un accident de l’histoire, dont un jour viendra j’en écrirai les non-dits, tout particulièrement pourquoi Skhirat est, certes, un accord mais un accord incomplet et fragile.
La prouesse diplomatique algérienne, rendue possible grâce aux valeurs de la diplomatie de Novembre, a été à l’origine de l’émergence d’un consensus autour du principe d’une négociation directe avec toutes les parties prenantes, sans recourir à une intervention étrangère, sur une initiative soutenue et une action bien inspirée de l’ancien ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, qui soulignait à chaque fois que la cause de la paix a toujours mobilisé les efforts, les ressources et la créativité de la diplomatie algérienne, fondée sur les principes de la non-ingérence, de l’équidistance et de l’appropriation.
Un discours de plus en plus accepté auprès des Libyens qui craignent pour l’avenir de leur pays. Aux diverses factions libyennes, l’Algérie n’a cessé d’expliquer qu’il n’est pas trop tard pour que leur pays ne devienne pas un (ring de combat).
Une action qui fait rappeler un autre travail sincère de l’ancien ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra sur le dossier malien et dont il faut saluer la problématique et l’esprit de l’anticipation, tant il voulait à l’époque prévenir les ingérences extérieures.
La diplomatie algérienne qui cherche à lever les points de blocage, en contournant progressivement les ambivalences et les dysfonctionnements systémiques, en incluant une nouvelle dynamique chez les diverses forces libyennes d’aller vers des institutions fortes et pérennes avec une armée et un gouvernement d’union nationale, est prête à jouer un rôle majeur car son initiative est réclamée par les Libyens eux-mêmes.
K. B.
(*) Ancien diplomate
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