Les mots servent à respirer et non à polluer l’atmosphère ?

euros l’ennemi
Les mots servent à respirer et non à polluer l’atmosphère ?

Par Ali Akika – Avec le coronavirus, on ne peut plus respirer sans les masques, c’est normal l’ennemi est sourd et invisible. Mais on doit se boucher le nez pour ne pas entendre autour de ces masques les insanités dans la bouche de ces «sidna» qui se croient au-dessus de l’Humanité. Là, les mots me manquent pour qualifier la jungle qui a produit leur langage de caniveau. Longtemps j’ai cru que les ressorts de l’aliénation relevaient uniquement de l’ignorance, de la misère matérielle et morale, de la nature du régime politique qui cadenasse une société. Je continue évidemment à le penser en y ajoutant cependant un autre facteur qui touche chez nous une certaine catégorie de gens. Ces derniers, pris dans les filets de dogmes qui reposent sur une vision poreuse du monde, préfèrent se jeter dans les bras du maître de l’époque le plus «séduisant».

Je pense à une catégorie d’écrivants qui pratiquent une certaine littérature. Après la littérature de l’urgence si bien définie et «aimée» par mon ami Salah Guemriche, voici venu le temps de celle du mimétisme. Comment ne pas être nostalgique de la vraie littérature de Kateb Yacine, de Mohamed Dib, de Rachid Mimouni, de Sadek Aissat qui parlaient de l’exil, de l’émigration. Et ces exilés et émigrés ont laissé des enfants que l’on maltraite aujourd’hui d’une honteuse façon. Ces émigrés et leurs enfants habitaient des bidonvilles, des cités de transit pour finir dans des cités ghettoïsées.

Et voilà que ces cités qui font partie du paysage de la sociologie et de l’histoire du pays d’accueil, une certaine littérature les transforme comme par miracle en village allemand. Ces émigrés avaient pris part à la libération de leur pays et leurs enfants ne se laissent pas faire et luttent pour une plus grande justice sociale. Et cette littérature «élue» voit arriver une autre littérature siamoise qui ordonne que ces enfants remercient la baraka d’être nés dans un pays de liberté et qu’ils cessent de revendiquer la justice sociale qui n’a jamais existé, sinon dans l’univers naïf de la jeunesse. Donc circulez et cessez de porter sur votre carte d’identité le nom émigré.(1)

Choisissez le vocable de diaspora, c’est moins âpre au regard de l’histoire et plus facile à porter sur le chemin long de l’intégration. Et puis dans vos manifestations du Hirak, soyez moderne, criez et écrivez «Free-Algérie» et non «Liberté pour l’Algérie». Oubliez «Hourya lil Djazaïr», c’est un slogan du 17 octobre 61 à Paris. Tout ça, c’est fini, on est à l’époque de Facebook. Voilà pourquoi ceux qui vivent depuis longtemps dans la gueule du loup comme dirait Kateb regrettent précisément le père de Nedjma qui jouait pour ces émigrés le théâtre qui leur parlait dans leur langue. Et quand Kateb voulait faire voyager ces émigrés à l’étranger, il faisait du théâtre sur Les Sandales de caoutchouc de l’once Ho.(2) Mais aussi du théâtre sur Robespierre citoyen du pays qui a affranchi le peuple des rois de Droit «divin».

Mais le mimétisme ne se limite pas, hélas, à une certaine littérature. Il a pénétré d’autres secteurs du pays, l’économie par exemple. Ainsi, une certaine politique, par mollesse idéologique et paresse intellectuelle, a «inventé» une planche à billets particulière pour compenser le manque de liquidité de la monnaie. Décision qui trouait les poches du peuple et préservait le trésor des pontes de l’informel.

En effet, les caïds ou gaïds de l’informel ne déposent jamais leurs centimes(3) dans les banques. Ils préfèrent les stocker dans des sacs en plastique pour aller les transformer en devises au marché noir. Ainsi, ces messieurs gagnent sur les deux tableaux, ils ne paient pas d’impôt au Trésor public et, avec les devises, ils importent des gadgets qu’ils revendent grassement au marché «informel», visible et rentable dans les souks. Quels sont les perdants dans cette «économie» du mimétisme ? Le peuple évidemment qui va subir l’inflation de la planche à billets. En un mot, ce mimétisme importe une économie qui fonctionne pour le commun des mortels avec une monnaie de singe et réserve pour une caste la devise lourde du dieu dollar. Monnaie de singe, c’est l’exact contraire de la vraie économie pour qui le travail est l’unique facteur de transformation des matières, donc source de la richesse.

Terminons ce périple du mimétisme par les têtes pensantes qui ont accouché de propositions pour la future Constitution. Une Constitution est en quelque sorte un poème nommé souveraineté du peuple. Ce concept politique est né depuis que les pouvoirs divins ont été détrônés par des révolutions. Voilà pourquoi toute Constitution se nourrit de l’histoire et de la culture d’un pays. Aussi, avant d’aller voir chez le voisin comment il a résolu les problèmes qui se sont posés à lui, faisons d’abord le diagnostic légué par notre propre histoire et cernons les problèmes qu’il y a à résoudre dans le présent, sans handicaper son futur.

Le Hirak a mis sur la place publique les aspirations du peuple, les handicaps qui ont malmené sa marche. Le train de l’Histoire remis sur ses rails, son conducteur mis out par un peuple en colère dans les rues suffisent pour rédiger une loi fondamentale qu’aucun Pharroûne ne peut transgresser, ni même changer une virgule. Quant aux constitutions étrangères, elles sont des repères pour comprendre et les raisons et les processus révolutionnaires qui ont abouti à leur approbation par les peuples. Une Constitution est donc un acte de la plus haute politique et les juristes appelés à la rédiger ne font que traduire la philosophie de l’histoire cautionnée par le magistère du peuple.

A. A.

(1) Allusion à un film d’un Mauritanien dont le titre est Nationalité immigrée. C’était l’époque où les immigrés revendiquaient justice et dignité et n’étaient nullement à la recherche d’une quelque reconnaissance… Dans la littérature des jeunes se fraient un chemin dans le marché de la littérature. Parmi eux, il est des plumes en acier qui déchirent la douloureuse histoire de leurs parents et la leur dans des cités pointées du doigt par les écrivaillasses en service commandé.

(2) L’Oncle Ho, c’est le prénom affectueux de l’indomptable Ho Chi Minh qui portait des sandales en caoutchouc faites des roues des F.16 américains abattus par les enfants de Giap.

(3) J’ai utilisé les centimes car 60 ans après, on continue d’utiliser le 1/centième de dinar pour indiquer les prix. C’est une façon de rire pour ne pas en pleurer sachant qu’un centime de dinar sur le marché du dollar qui fait la loi vaut : 0,0068.

Commentaires

    ne pas chercher midi à 14 heures !
    17 juillet 2020 - 12 h 37 min

    Je crois que ne faut pas chercher « midi à 14 heures » comme on dit . A mon humble avis il n’y a qu’une seule conclusion à tirer de la tragédie politique , économique et sanitaire algérienne. Pour moi, à mon humble avis, nous n’avons plus au sommet de l’Etat, au sein du pouvoir et au sein de l’Etat Major de l’armée de vrais patriotes, jaloux de leur pays, qui aiment vraiment leur pays et leur peuple. Même le formidable mouvement citoyen u 22 février, il refuse de le voir.

    Leur surdité, leur autisme, leur aveuglement, leur politique de fuite en avant, leur politique suicidaire basée sur l’autoritarisme, l’autocratie, le passage en force montre bien que ce ne sont que leurs intérêts égoïstes et personnels qui comptent et non le développement et épanouissement du pays. Il ne faut pas faire Science Po, Saint Cyr ou l’Ecole nationale d’Administration pour arriver à cette conclusion. Ils n’ont pas un seul grain de patriotisme, c’est clair désormais , …. et en plus, ils ne lâchement RIEN de RIEN !

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