Un Français, un Britannique et un Suisse font marcher des millions d’Algériens
Par Abdelkader S. – A eux trois, ils ont une audience autrement plus large et une capacité de mobilisation bien plus grande que toutes les chaînes de télévision privées héritées du régime Bouteflika réunies. L’un est né français, les deux autres ont été naturalisés britannique et helvète. Eux, ce sont l’excentrique Rachid Nekkaz, le faux diplomate Larbi Zitout et l’imposteur Ghani Mahdi.
Rachid Nekkaz a fait de son smartphone sa tribune. Il a commencé son activisme en France lorsqu’il avait encore espoir de casser les verrous et croyait pouvoir s’incruster dans le cercle politique très fermé des partis en France qui se relaient au pouvoir depuis la mort du général Charles De Gaulle et de son successeur, Georges Pompidou. L’enfant de Chlef en a fait voir des vertes et des pas mûres aux hommes politiques, aux médias et aux services français qu’il tançait et titillait en dévoilant les travers du gotha politique français. Malmenant les élus sur le terrain, armé de son téléphone portable, ce Français fortuné qui, un peu comme Bernard Tapie, flirtait avec les hautes sphères pour mettre un pied dans le sérail, poussa sa provocation jusqu’à payer les amendes des femmes intégristes auxquelles la justice flanquait des amendes pour non-respect des lois de la République.
Voyant que toutes les portes de la politique en France lui étaient fermées, Rachid Nekkaz décide alors d’exporter sa «marchandise» en Algérie. Avant de débarquer à Alger, il s’offre une phase de transition : il se tourne vers les nababs algériens dont il traque les biens dans l’Hexagone puis, une fois sa notoriété acquise auprès des centaines de milliers d’Algériens, il jette son passeport français dans la Seine et s’envole pour son pays d’origine pour y poursuivre ce qu’il a commencé sur sa terre de naissance. Son aura était telle que certains le voyaient déjà président. Mais tout ne se passera pas comme il le voulait. Peu intelligent ou trop rusé, il finira en prison et, à sa sortie de celle-ci, il changera de cap et menacera de prendre la mer clandestinement après avoir réprimandé ses «compagnons» qui «ne sont pas sérieux» parce qu’ils «s’entêtent à continuer de marcher les vendredis inutilement».
Si Rachid Nekkaz a pu gagner l’empathie de nombreux Algériens grâce à ses actions «osées», Larbi Zitout, lui, rame depuis les années 1990 et il ne voit toujours pas le rivage. Lui, ses centaines de milliers d’internautes il les a gagnés par les balivernes qu’il leur sert comme entrée, plat de résistance et dessert depuis qu’il s’est réfugié dans les réseaux sociaux, après avoir longtemps occupé les plateaux de toutes les chaînes hostiles à l’Algérie, des qataries aux françaises, en passant par les marocaines. Le chef de file de Rachad sait pertinemment qu’il pisse dans un violon à l’archet tordu. Mais il continue d’amuser la galerie trois fois par jour, telle une prescription médicale de psychiatre au schizophrène qu’il est. Ses centaines de milliers de suiveurs, toute ouïe et pendus à ses lèvres gercées par ses ragots râpeux, lui rapportent des dizaines de milliers de pounds à chacune de ses prestations théâtrales, «assis du matin au soir au point de choper les hémorroïdes», dixit une internaute qui l’invite à «aller travailler comme tout le monde».
Seulement voilà, le travail qui fait manger le pain blanc avec les mains noires, le boulanger de Londres n’en a pas besoin. Les millions lui tombent du ciel, et ces millions lui ont servi à créer une bonne quinzaine d’entreprises florissantes en Grande-Bretagne et ailleurs en Europe. Il en vit à l’aise, et tant que les Algériens l’écoutent, le suivent mais marchent sans lui, il persévérera dans cette voie qu’il s’est tracée depuis qu’il a compris que pour avoir trop mouillé son violent, il ne peut que déchanter. Le pouvoir que ses acolytes du GIA n’ont pu faire tomber avec les bombes ne cédera pas avec les chansons hebdomadaires qu’il écrit et envoie à ses adorateurs qui les fredonnent chaque vendredi depuis maintenant plus de deux ans. En vain.
Quant à Ghani Mahdi, l’islamiste imberbe aux cheveux plaqués à la brillantine, son business a été dévoilé par deux influenceurs algériens, l’un installé au Canada, l’autre exilé en Grande-Bretagne. Plus de 700 000 euros collectés pour créer un business à Londres après avoir, auparavant, pris le soin de jeter des miettes aux crédules qui l’ont aidé dans son entreprise machiavélique. Marié à une Suissesse, cette dernière dirige une école de théâtre et de danse. «L’art et la culture aux Suisses, le kamis et le hidjab aux Algériens» a ironisé, à ce propos, un observateur algérien qui voit dans cet intégriste à la main molle et à la voix fluette le profil type de l’escroc professionnel. Va-t-il pour autant perdre de son aura auprès de ceux qui le suivent sur des réseaux antisociaux de plus en plus débilitants et de moins en moins instructifs ? Rien n’est moins sûr.
Si Rachid Nekkaz met la main à la poche pour financer son cinéma, aux côtés des deux autres fourmille une nuée de sous-traitants qui vivent de la même activité subversive, extrêmement lucrative et partagent avec leurs mentors les plaisirs de la célébrité virtuelle pendant que les marcheurs qui battent le pavé, été comme hiver, reçoivent la bastonnade et peinent à arrondir leurs fins de mois.
A. S.
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