Du tourisme exotique aux vacances lubriques (II)

Moscada tourisme
Malgré la beauté de ses paysages, la destination Algérie n'attire pas. Ici plage Moscada à Tlemcen. D. R.

Une contribution de Khider Mesloub – De façon générale, le tourisme est à l’aventure ce que la prostituée est à l’amante. Il est vénal et chronométré, et surtout il multiple les clients pour enrichir ses maquereaux financiers. C’est une entreprise de racolage. Les campagnes de publicité pour aguicher les clients sont envahissantes. Au plan des séjours, les parcours touristiques sont balisés, biaisés, banalisés. Ils sont soumis au conformisme. En lieu et place de l’aventure, le tourisme privilégie la visite guidée, téléguidée, l’atmosphère enguirlandée. Privilégie les nuits des chambres d’hôtel aseptisées aux nuits à la belle étoile naturellement climatisées. L’ensauvagement par l’esprit au corps ensauvagé. Les voyages aux pays des merveilles aux aventures dans les merveilles des pays. En un mot, un tourisme mis au format d’un centre de loisirs, à l’instar de Disneyland. Un tourisme sous cellophane. Un tourisme chloroformé.

En comparaison, jadis, nos ancêtres, sans voyagistes, ni transporteurs parcouraient la terre avec plus d’esprit aventurier que nos touristes dépressifs contemporains. Ils emportaient dans leurs pérégrinations pédestres interminables, à dos d’âne ou à cheval pour les plus nantis, pour seul bagage leur viatique. Et pour seule quête : la spiritualité et l’apaisement de l’âme. Dans leurs itinéraires, motivés parfois par le pèlerinage, ils trouvaient partout gîte et couvert mis gracieusement à leur disposition par les habitants des villages traversés. Cet esprit d’hospitalité était la règle, la coutume millénaire en vigueur dans toutes les anciennes sociétés traditionnelles.

De nos jours, sur le chemin de la route, un voyageur, tenté par l’aventure, ne rencontre que portes closes et terrains clôturés. Qu’indifférence et méfiance. Cherche-t-il un endroit où passer la nuit ? Aucun espace sans clôtures ne s’offre au voyageur aventurier impécunieux : aucune âme charitable ne lui fournira gîte et couvert, ni portion de jardin pour la nuit. En revanche, l’endroit traversé exhibe une multitude de panneaux sur lesquels sont indiqués les noms des nombreux hôtels et auberges. Cette offre marchande de notre société capitaliste moderne marque la différence fondamentale avec l’invitation gratuite des sociétés traditionnelles où toutes les maisons étaient dépourvues de serrures, comme les cœurs de leurs habitants n’étaient pas verrouillés par l’individualisme, l’égoïsme. Elle marque la différence entre le gîte payant et l’hospitalité désintéressée. Entre la société marchande et la société du don. Entre la société capitaliste régie par la carte bleue et la société traditionnelle gouvernée par le cœur blanc.

Désert touristique algérien

Quant à notre cher pays l’Algérie, il est en délicatesse avec le tourisme. Assurément, en Algérie, le tourisme ne décolle pas. Pourtant, le pays recèle des trésors touristiques splendides. En dépit de ses multiples atouts enchanteurs, l’Algérie n’attire pas les investisseurs dans le secteur du tourisme. Donc les touristes. Pourtant, pourvue d’un littoral de 1 600 kilomètres, l’Algérie constitue une destination idéale pour le tourisme. Sans oublier d’autres merveilles, tels les vestiges romains, les gravures rupestres, le majestueux désert. Néanmoins, le tourisme sommeille sous le soleil ardent réchauffant, irradiant uniquement les habitants algériens, sous le ciel bleu azur réservé aux seuls citoyens algériens. Et pour cause.

Nombre d’Algériens intéressés, notamment la corporation affairiste sévissant dans le commerce, déplore l’absence d’investissements dans le secteur du tourisme. En effet, l’activité touristique en Algérie ne parvient pas à se réveiller de sa léthargie économique. Actuellement, en Algérie, ce secteur touristique fait l’objet d’un immense investissement verbal politique par les acteurs de la représentation nationale et commerciale pour redynamiser le tourisme. Toutes les solutions sont proposées par les affairistes du secteur touristique, ces requins financiers pressés de transformer les côtes balnéaires algériennes en complexes bétonnés lucratifs pour eux, mais écologiquement et architecturalement répulsifs aux yeux des Algériens.

D’aucuns suggèrent, pour booster le tourisme en Algérie, de favoriser le tourisme cynégétique ou chasse touristique. Rassurez-vous : il ne s’agit pas de «tourisme génésique», à la manière marocaine, autrement dit chasse de la chair fraîche humaine. Le tourisme cynégétique, destiné à une clientèle fortunée, permet aux richissimes de se livrer à la chasse du gibier. Mais ces lubriques touristes se livrent souvent aux deux formes de tourisme : cynégétique et génésique, notamment au Maroc où abondamment pourvu de gibiers.

Une chose est sûre : l’activité touristique n’est pas près de décoller. Pour preuve, ces vingt dernières années, l’Algérie n’a attiré que 3 000 touristes par an. Chiffre ridiculement dérisoire comparé aux autres pays voisins, la Tunisie et le Maroc. En 2018, le nombre de touristes venus en Algérie n’a pas excédé 2 000 visiteurs. Le secteur du tourisme est négligé depuis maintenant plus de trente ans par les successifs dirigeants algériens, occupés à exporter leurs richesses spoliées vers les pays étrangers, à expatrier leurs progénitures et familles dans les contrées riches.

A cet égard, il est utile de relever que, sur la carte touristique mondiale, l’Algérie demeure toujours inexistante, inconnue du système GPS des voyagistes. Depuis trente ans, l’Algérie est absente sur la carte touristique internationale. Pourtant, ces dernières années, à la suite de la baisse du prix du pétrole, dans le cadre du projet de diversification de l’économie algérienne principalement tributaire des hydrocarbures, l’activité touristique a été inscrite dans le programme de réorientation de l’économie. En dépit de la volonté affichée par le pouvoir de promouvoir et de relancer l’activité touristique, on assiste à aucun redémarrage de ce secteur déserté par les investisseurs. Outre l’indigence de la politique de promotion du tourisme en Algérie vient se greffer le problème de l’obtention du visa algérien pour les nombreux voyageurs désireux de visiter l’Algérie.

Aujourd’hui, au plan des infrastructures touristiques, l’Algérie ne dispose que de 60 000 lits en bord de mer dont moins de 10% correspondent aux normes internationales. A l’échelle nationale, l’Algérie compte seulement un peu plus de 110 000 lits. En outre, pour des raisons de sécurité, de nombreux sites touristiques, tel le Hoggar, sont fermés aux étrangers. Au reste, sur plan rapport qualité/prix, en termes d’attractivité tarifaire, l’Algérie demeure parmi les destinations les plus onéreuses de l’Afrique du Nord. Juste pour le prix du billet d’avion, le coût du voyage est exorbitant. Sans compter le coût du séjour très élevé comparé aux autres pays voisins.

Néanmoins, eu égard à notre analyse critique du tourisme, en général, décrite plus haut, contrairement aux thuriféraires du libéralisme, partisans de l’ouverture de l’Algérie au tourisme, on peut conclure que la décision de fermer les frontières au tourisme international dans les années 1980 a été un choix politique légitime. En effet, à la faveur de l’augmentation considérable des recettes pétrolières, dès les années 1990-2000, l’Algérie avait tourné le dos au tourisme exogène, le tourisme réceptif international.

Pour promouvoir et investir dans le tourisme endogène, destinés aux seuls citoyens algériens. En outre, ce choix de se détourner du tourisme international avait été motivé par des raisons de préservation des traditions algériennes susceptibles d’être corrompues par l’invasion des touristes occidentaux porteurs de cultures étrangères dissolvantes (sic). Cette crainte du saccage du patrimoine culturel algérien par les hordes touristiques occidentales et/ou orientales est fondée. De même, la peur de la pollution immorale de l’Algérie par ses multitudes occidentales/orientales libidineuses est motivée. L’Algérie a eu raison de refuser de transformer le pays en dépotoir «déculturatoire » touristique, en bordel des Occidentaux ou des Orientaux, en contrée exotique exploitée par le capital financier international.

Le tourisme est le colonialisme contemporain de l’Occidental pauvre, cet idiot heureux appartenant à la petite et moyenne bourgeoisie, infatué de son aliénation qui, l’espace de quelques jours, pétri de relents colonialistes et paternalistes, peut se croire riche dans un pays pauvre, se comporter en territoire conquis par la grâce de ses dollars ou euros amassés par son esclavage salarié.

K. M.

(Suite et fin)

Comment (2)

    atlas
    28 septembre 2021 - 13 h 54 min

    je trouve que le tourisme des gens de l’intérieur est plus destructeur, sans compter l’insécurité qui règne
    le tourisme est une calamité

    Anonyme
    28 septembre 2021 - 9 h 14 min

    Déjà parti là-bas Marsa-Ben-Mhidi (ex Aïn Ajroud), ( image , photos de anciennement Port-Say avec les plages Musk-el- Ard, transformer en Moskarda)
    ,…il y a 40 ans déjà, oui.
    Comme s’était beau, mer de sel ou mer des Alborhans, avec autrefois des arbres Eucalyptus partout et à côté de la plage korso limitrophe avec Saïda la Marocaine,, de la quiétude, du bel air. Aujourd’hui, maintenant du béton partout à flanc de collines surplombant cette ville balnéaire, un front de mer devenu exigu avec la foule en période estivale, les cafés , hôtels improvisés, quasi du délabrement, c’est pas correct, on est loin d’un tourisme attractif digne de ce nom en Algérie et cela se voit en redondance sur les autres sites balnéaires du littoral algérien, ils sont très loin du but recherché, la même chose se voit aussi ailleurs comme les plages d’Alger, ça ne ressemble à rien, ce n’est pas assez correct , pas assez attractif, pas assez propre, c’est pour cela que pas mal d’Algériens choisissent la destination Turquie ou à côté la Tunisie pour ne citer que ces deux pays. Le décor est planté mais il manque le « Wali »…

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