Emmanuel Macron «achète» les harkis à six mois de l’élection présidentielle
Par Nabil D. – Le président français multiplie les gestes envers la communauté harkie à six mois de sa réélection annoncée à l’Elysée. Le «pardon» aux anciens supplétifs de l’armée coloniale ne s’arrête pas aux discours. C’est sous le dôme de l’Assemblée nationale que la réparation morale et le dédommagement financier seront votés, le candidat à sa propre succession voulant, ainsi, donner l’impression d’un consensus sur la question et écarter tout soupçon de démarche démagogique et électoraliste. Mais tout le monde, dans le paysage politique français, ne l’entend pas de cette oreille.
Au lieu de la convergence sur la question, c’est à un chapelet de critiques que Macron a eu droit. Toutes les obédiences, soutiens traditionnels aux harkis, l’accusent d’exploiter cette frange de la société française de façon machiavélique, en estimant qu’on n’accélère pas le processus de reconnaissance des drames vécus par ceux que le défunt Bouteflika avait qualifiés de «collabos» lors d’une visite d’Etat à Paris à l’approche d’une échéance électorale. Tous sont d’accord que le pouvoir français, sous De Gaulle et après, a eu une attitude «indigne» à l’égard de ceux qu’elle a traités comme des moins que rien une fois débarqués en France, fuyant leur propre pays contre lequel ils ont pris les armes.
Des chiffres farfelus sont avancés çà et là sur les «massacres» dont les harkis auraient été victimes, alors que des sources proches du dossier ont expliqué que les responsables politiques et militaires algériens, au lendemain de l’indépendance, avaient ordonné qu’ils soient regroupés dans des centres pour éviter toutes représailles à leur encontre, au regard des graves crimes qu’ils avaient commis. Les officiels français parlent de 200 000 harkis recrutés comme auxiliaires de l’armée française entre 1954 et 1962, dont 90 000 auraient fui l’Algérie avec leurs familles. Un gros budget a été inscrit dans le projet de budget 2022 pour abonder le fonds d’indemnisation estimé à quelque cinquante millions d’euros.
Sur ces entrefaites, la crise entre l’Algérie et la France demeure en l’état et rien n’indique que les choses rentreraient dans l’ordre avant l’échéance de 2022, quand bien même, à Alger, une réélection d’Emmanuel Macron semble souhaitée pour éviter que les relations ne s’enveniment davantage en cas d’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite incarnée par Marine Le Pen et le candidat surprise Eric Zemmour qui monte dans les sondages. Même le retour de la droite aux affaires n’arrange pas l’Algérie. Un des candidats du parti de Nicolas Sarkozy vient de planter le décor en adoptant un discours plus virulent que celui du Rassemblement national.
C’est assuré de ce soutien implicite et embarrassé d’Alger qu’Emmanuel Macron persévère dans ses actions perçues comme des provocations à l’égard de l’Algérie, faisant montre d’une ambivalence qui trahit les visées politiciennes d’un président qui aura, plus que tous ses prédécesseurs, remué le couteau dans la plaie non encore cicatrisée de la mémoire.
N. D.
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