Hirak : de la révolution blanche au surmoi collectif

Hirak 22 février 2019
Hirak du 29 novembre 2019. D. R.

Une contribution de Youcef Benzatat – Au 22 février 2019, près de soixante ans étaient passés depuis notre libération de l’occupation coloniale. Près de soixante ans de balbutiements, de tâtonnements, d’expérimentations, d’erreurs, voire d’errances, à vouloir identifier, recenser, comptabiliser et consolider les valeurs et l’essence de notre culture, la matrice et les nœuds du tissage de l’étendue de notre société et l’identité de notre nation, pour bâtir un Etat, des institutions, un socle commun de vivre-ensemble afin de nous doter d’une dynamique de progrès et d’émancipation. Il fallait recoller les morceaux éparpillés cruellement par 132 ans d’implosion, de destruction et d’effondrement délibérés, par l’agression d’une barbare colonisation motivée pour notre néantisation.

Au tournant de l’indépendance, le régime autoritaire qui s’est imposé devant le chaos qui menaçait notre souveraineté, chèrement acquise, avait, certes, pu inverser le processus d’inertie de notre effondrement et parvenir à concrétiser un équilibre, une stabilité et une sécurisation de notre vivre-ensemble autour d’une identité, tronquée, avouons-le ! A travers un triptyque absurde et inapproprié, ayant eu cours dans l’organisation des villes Etat du moyen-âge : l’arabité, l’islamité et l’amazighité. Une distribution identitaire excluant tous ceux et toutes celles qui ne s’y identifient pas. Opérant une atomisation de la société en divers segments autour d’intérêts divergents, berbéristes, islamistes, arabisants et tout le reste de la population sera relégué au statut de rebus insignifiant.

Au-delà de cette errance, ce régime autoritaire n’a jamais manifesté une volonté politique pour moraliser et homogénéiser les droits et les devoirs publics. Les dérives qui s’en suivirent avaient hypothéqué toutes les promesses de dynamiques de progrès, de justice sociale et d’émancipation de la société, scellés par le sang des martyrs de la Guerre de libération nationale. Il en est résulté une coupure entre ce qui est convenu d’appeler le système et ses clients par opposition à un peuple marginalisé et sans prérogative législatrice, ni mécanismes de contrôle sur la gestion des deniers publics.

C’est l’évidence même de la conjonction de ces errances, ayant précipité la rupture entre le système et le peuple, par la saturation des impasses, que surgit le Hirak en ce 22 février 2019, pour réclamer le changement radical du système et l’instauration d’une deuxième République. Cette résurgence du peuple avait jailli d’un inconscient collectif nourri par un imaginaire puisant ses sources dans une histoire trois fois millénaire, par le brassage indéfini de sa population et les résistances successives aux agressions étrangères contre un Nous identifié comme un ciment d’unité et de pérennité de la nation algérienne. Un peuple était né et s’est affirmé en tant que tel, réclamant la restitution de sa souveraineté législatrice et la refondation de sa République. Grace au Hirak, que tous les membres de la société avaient béni en ce temps fondateur, une révolution blanche était devenue possible. Une révolution qui devait orienter la refondation de la nouvelle République sur des valeurs de citoyenneté arrimés à la contemporanéité du monde et la consécration d’un Etat souverain, désaliéné du religieux, de l’identitaire et du militaire dans lequel tout citoyen et toute citoyenne sera reconnu et respecté dans sa différence dans une égalité parfaite.

Trois ans se sont écoulés depuis le surgissement du Hirak et nous revoilà retombés sur nos pieds à la case départ, face à nos impasses et nos errances. La fragmentation de la population en segments antagoniques s’accentuant, empêchant toute possibilité d’action dans l’unité, privilégiant chez certains d’entre eux l’allégeance aux puissances néocoloniales, ou au mieux jouant leur jeu, ayant comme conséquences de nourrir les vielles pratiques, en laissant le champ libre à la coupure entre le système et le peuple de sévir.

A qui la faute, au peuple, au système ? Nous sommes tous coupables. Coupables et victimes à la fois. Coupables par les errances des extrémistes, identitaires et religieux, responsables de la fragmentation des luttes politiques. Coupables par la cupidité. Coupables par la démission des élites en l’absence de leurs engagements politiques. Victimes aussi. Victimes de notre aliénation dans l’imaginaire mythologique religieux et identitaire et les structures mentales patriarcales. Victimes de la jeunesse et de la vulnérabilité de notre souveraineté nationale et des effets pervers sur nos conditions géopolitiques à la mesure de nos ambitions géostratégiques légitimes.

A l’an III du Hirak, nous ne sommes plus à se demander comment parvenir à accomplir sa promesse d’une révolution blanche. Car les moyens pour sa réalisation sont apparus pendant cette courte expérience de trois années de gestations, en toute évidence, inaccessibles dans les conditions qui sont les nôtres, et pour cause, toutes ces errances et ces culpabilités conjoncturelles. La complexité de la société algérienne et celle des référents structurels qui la constituent ne lui rendront certainement pas la tâche facile pour un dénouement rapproché dans le temps. Même s’il voudrait se structurer ou s’organiser, il ne le pourra pas, parce qu’il n’est pas mû par une volonté partisane, ni idéologique mais s’appuie sur un désir inconscient, partagé par toute la société dans sa complexité.

En définitive, le Hirak cherche à dépasser le soi et le remplacer par un être nouveau, débarrassé des pesanteurs qui l’ont figé dans un réduit existentiel et dont les contours sont à ce stade indécis. Cet être nouveau, vers lequel il tend, dépend certainement de l’exercice d’une contrainte sur la condition des acteurs dans leur rapport au monde et aux autres. Le désir inconscient par lequel est mû le Hirak cherche à se frayer un chemin vers un manque, ressenti individuellement par chacun des hirakistes, qui semble être à l’origine d’une dépossession de soi, pour accomplir sa plénitude. Son orientation tend vers le possible. Vouloir atteindre ce manque est une quête existentielle dont le politique n’est qu’une voie d’accès. Si la trajectoire du Hirak s’avère être une quête vers le possible d’un être nouveau, libéré des pesanteurs du réduit existentiel dans lequel il a été acculé, le Hirak devient de ce fait un référent fondateur dans la posture d’un surmoi collectif décisif.

Y. B.

Comment (6)

    lhadi
    26 février 2022 - 20 h 53 min

    Les vieux militants connaissent le modèle algérien et il est superflu de leur en parler. Mais la jeune génération de militants elle, ne les connait pas exactement, il faut lui en parler pour qu’elle sache à qui elle a exactement affaire et ne se laisse point égarer.

    La confiance envers les jeunes doit s’accompagner du courage de leur dire la vérité s’il y a lieu, de critiquer des positions, des objectifs, des méthodes qui peuvent être dangereux pour eux.

    Le modèle soviétique, quel que soit la publicité qu’on lui fasse, n’a pas d’avenir politique en Algérie.

    Tous ceux qui cherchent honnêtement la voie de la transformation de la société algérienne doivent être soustrait à son influence. Et cela nous le pouvons certainement.

    En menant avec fermeté un combat politique et idéologique. En ne laissant passer aucune occasion de définir et de défendre des revendications, des aspirations justes des jeunes qui veulent vivre leur temps, bâtir leur avenir tout en bâtissant l’avenir du pays, en trouvant des formes d’action qui correspondent aux possibilités et aux nécessité du moment. En gagnant tous ceux qui aspirent aux changements à une conception du combat, du rôle dirigeant, des alliances afin de rassembler les forces suffisantes pour mettre bas le pouvoir actuel, et le remplacer par une démocratie de caractère nouveau créant les meilleurs conditions pour la victoire du progrès.

    La tache fondamentale est donc claire. Elle a pour objectif de redonner l’espoir au peuple d’Algérie et l’arracher au scepticisme, à l’angoisse, au dégoût que lui inspire un système qui n’a plus rien de beau, ni de grand à lui offrir.

    Le peuple algérien est toujours prêt à entendre le langage du sacrifice et de la patience, pour peu qu’il reste un langage d’espérance.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected]

    Abou Stroff
    24 février 2022 - 9 h 42 min

    « Si la trajectoire du Hirak s’avère être une quête vers le possible d’un être nouveau, libéré des pesanteurs du réduit existentiel dans lequel il a été acculé, le Hirak devient de ce fait un référent fondateur dans la posture d’un surmoi collectif décisif. » conclut Y. B..
    désolé, mais il faut être d’une naïveté maladive pour avancer, grâce à une prose recherchée, une hypothèse aussi réelle que la métamorphose d’un caillou en un poussin grâce à la chaleur du popotin d’une poule (mouillée?)
    en effet, malgré les apparences et les slogan radicaux développés par les hirakistes, le hirak n’était, ni plus, ni moins (remarquez la réduction) qu’une révolte contre une situation qui était perçue comme « injuste » par tous ceux qui ne recevaient pas la quote-part de la rente qu’ils considéraient comme étant leur dû .
    si je veux être moins pédant, je dirais, tout simplement que le hirak avait permis aux algériens lambda de se défouler (au regard du vide sidéral qui enveloppe leur vécu quotidien) une ou deux fois par semaine pour exiger une nouvelle distribution, en leur faveur, de la rente.
    en d’autres termes, le hirak ne portait guère les germes d’une quelconque révolution et certainement pas une remise en cause radicale du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui continue à nous avilir et à nous réduire à des moins que rien.
    d’ailleurs, un peuple, dans sa grande majorité, biberonné au robinet de la rente et shooté à la religion (la drogue la plus dure parmi les drogues dures) est objectivement (il ne produit pas son propre vécu et n’inter-réagit pas avec son environnement mais le subit) et subjectivement (il est irresponsable puisqu’il ne participe pas activement à sa propre reproduction) incapable de penser la révolution et encore moins de la pratiquer.
    PS: chacun aura remarqué la liesse qui s’emparait des hirakistes à chaque fois qu’il se mettaient en mouvement. en effet, le hirak permettait à tous et à toutes de noyer la misère sociale ambiante et le vide sidéral du vécu quotidien (pas de cinéma, pas de concerts de musique, pas de théaâtre, pas de drague civilisée, etc.) dans une catharsis qui ne disait pas son nom. cette catharsis, elle même, me semble être une drogue nouvelle qui permettait aux hirakistes d’oublier leur impuissance et leur incapacité à résoudre le problème (leur marginalisation dans la distribution de la rente) qui représentait et qui continue à représenter l’essence du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui les avilit, les réduit à des tubes digestifs ambulants doublés de zombies décérébrés incapables de prendre en main leur destinée.

      Anonyme
      24 février 2022 - 19 h 15 min

      ABOU STROF Vous devez être certainement un de ces Hirakistes, végétant dans une ignorance et une inculture sordide, pour comprendre et interpréter l’article comme vous le faites. Ce hirakiste que vous incarnez si bien existe bel et bien et les raisons de son état végétatif et les conditions pour les dépasser sont bien exprimés dans l’article lui-même. Il vous suffit d’oter vos oeillères d’écolier insolent et vous replonger dans l’article avec une lecture aussi lente que possible pour ne pas brusquer votre fragile entendement avec un dictionnaire à la main ! Je suis persuadé que vous y arriverait a déchiffrer au moins a signification des mots et peut être même quelque phrases qui vous donnerons à réfléchir et vous faire sortir de l’obscurité qui vous persécute.

        Argentroi
        24 février 2022 - 20 h 58 min

        @ Anonyme du 24 février 2022 – 19 h 15 min
        Abou Stroff hirakiste, mais vous ne connaissez rien au sieur ! De plus vous lisez mal puisqu’il vous écrit noir sur blanc que le Hirak n’était qu’un défouloir et qu’il « ne portait guère les germes d’une quelconque révolution et certainement pas une remise en cause radicale du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui continue à nous avilir et à nous réduire à des moins que rien ».

    ENCORE UNE FOIS L'EPTV CHOQUE LES GENS INSTRUITS PAR LEUR INCOMPETENCES EN INDUISANT LEPEUPEL ALGERIEN EN ERREUR. INADMISSIBLE!!!!!!
    23 février 2022 - 22 h 05 min

    SCANDALEUX COMMENTAIRE SUR LA CASBAH D’ALGER. JE RAPPELLE LA PERSONNE QUI RACONTE N’IMPORTE QUOI QUE LA CASBAH D’ALGER EST ZIRIDE ET NON PAS OTTOMANE. QUE GRENADE ET L’ALHAMBRA ETAIT ZIRIDE SOUS LA DYNASTIE ZIRI ET CONSTRUITE SUR LA BASE DE L’ARCHITECTURE ALGERIENNE ET NON PAS ANDALOUSE. LE STYLE ARCHITECTURAL ALGEROIS EST UNIQUE DANS LE MONDE, AVEC SES COLONNES ET PATIOS. QAUNT AUX OTTOMANS, ILS N’ONT FAIT QUE COIPIER LE STULE DEJA EXISTANT AVANT LEUR ARRIVE. LES OTTOMANS ETAIENT PLUS DES CONSEILLERS EN GUERRE AVEC LEUR LOGISTIQUE MILITAIRE QUE DE BÂTISSEURS. ET LES ALGERIENS NE PARLENT PAS TURC CAR LES TURCS NE SONT PAS VENUS EN ALGERIE.

    LE CAFTAN AUSSI N’EST PAS TURC OU OTTOMAN MAIS ALGERIEN. ZAFIRA L’EPOUSE DU ROI D’ALGER AVAIT DE SOMPTUEUX CAFTANS ET CARACOUS BIEN AVANTLES OTTOMANS. DONC ARRETEZ DE SOUS ESTIMER NOTRE HISTOIRE ET DE FAIRE LE JEU DES MAROCAINS. C’EST INADMISSIBLE.

    C’EST INADMISSIBLE QUE LA MUSIQUE CLASSIQUE ALGERIENNE DEVIENT MUSIQUE ARABO ANDALOUSE POUR DONNER L’OCCASION AU MAROC DE SE LA PARTAGER AVEC NOUS, DE LA DÉTOURNER ET POUR VOLER NOS CRÉATIONS!!!!! ALORS QU’ELLE EST 100% ALGERIENNE ET SANS L’ALGERIE CETTE MUSIQUE N’EXISTERA JAMAIS.

    C’EST INADMISSIBLE QUE VOUS LAISSEZ TOUTES LES MUSIQUES MAGHRÉBINES DEVENIR DU RAI ALORS QUE LE RAI EST UN STYLE BIEN SPÉCIFIQUE ET UN TEMPO ET RYTHME BIEN SPÉCIFIQUE A L’ALGERIE ET DONC 100% ALGERIEN. VOUS DONNEZ ENCORE UNE FOIS L’OCCASION AUX MISÉREUX DE LA CULTURE ET D’HISTORIE MAROCAINS DE DÉTOURNER NOS CRÉATIONS ET NOS HÉROS. COMME ILS L’ONT FAIT AVEC LE COUSCOUS GRACE A VOTRE INCOMPÉTENCE.

    C’EST INADMISSIBLE QUE VOUS APPELEZ ENCORE LES JOUEURS DE NOTRE ÉQUIPE NATIONALE DE FENNECS,n COMME LES MAROCAINS ET FRANCAIS (LES SEULS AU MONDE A NOUS RAPPELER AINSI POUR NOUS INSULTER ET PORTER POISSE) ANIMAL IMPUR, SALE, PEUREUX, ASSOCIABLE ET INSULTANT ET HARAM D’APPELER UN HUMAIN AU NOM DE CET ANIMAL QUI N’A RIEN DE NOBLE OU DE GLORIEUX ET QUI NOUS A TOUJOURS PORTE MALHEUR ET POISSE. NOUS SOMMES DES MUSULMANS PAS DES ATHÉES. CE SONT DES GUERRIERS DUI SAHARA ETPAS DU DESERT COMEM JE LES ENTENDU DANS CETET CHAINE DE TELE. DESERT C’EST UN ENDROIT DÉSERTIQUE ET VIDE (ONE NE PEUT PAS ETRE DES GUERRIERS DU VIDE ET DU NÉANT) ALORS QUE NOTRE SAHARA A UNE HISTORIE GLORIEUSE

    UN GRAND NETTOYAGE À FAIRE DANS CETTE TÉLÉVISION QUI FAIT DU NIVELLEMENT PAR LE BAS OU LA MÉDIOCRITÉ FAIT LA LOI. L’ALGERIE NOUVELLE NE PEUT TOLÉRER CE MANQUE DE PROFESSIONNALISME ET DE COMPÉTENCE.

      Merci mais…
      24 février 2022 - 16 h 29 min

      Merci mais on va bien les DÉGÂTS de l’Ecole et le NIVEAU EFFROYABLE de l’EDUCATION
      Matières Fondamentales:
      – L’HISTOIRE
      – LA PHILOSOPHIE
      Sans parler du DENI DE SOI, des CULTURES & TRADITIONS ALGÉRIENNES..
      Question:
      . Combien de Visites de Musées ou de Sites Historiques par nos Écolièrs ?
      . Combien de Disssertations sur l’Algerie Antique, l’Algerie et la Chrétienté ?
      . Combien d’Eleves peuvent lister les Rois Numides ou lex Dynasties Amazighs musulmanes d’Algerie et d’Andalousie ?
      . Combien d’Eleves connaissent Saint Augustin, Apule de Madaure, la Sociologie d’Ibn Khaldoun ou Fibonnacci le Mathématicien de BEJAIA
      – Combien connaissent Imedghassen ou la Kalaa de Beni Hammad..?
      . Combien connaissent les ZIRIDES ?
      ….
      TRÈS PEU
      TROP PEU voire AUCUN
      Par contre ils connaissent tous la Dernière FETWA d’un Obscure… CHEMSOU qui a des PLATEAUX de TÉLÉ pour lui tout Seul….

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