La Proclamation dicte de vaincre le colonialisme

Hirak colonialisme
Le Hirak, l’autre cri pour dire non à tous les colonialismes. Archives/ PPAgency

Une contribution de Saadeddine Kouidri – Dans le cri d’indépendance au Hirak, n’y avait-il pas cet appel, en filigrane, à mobiliser pour vaincre le colonialisme ? A la Une d’un quotidien algérois, on pouvait lire «Nouvelle provocation de Paris» pour nous apprendre que le Quai d’Orsay classe l’Algérie «pays à haut risque». Contrairement au Maroc, qui est classé comme pays sans risque, touristique donc ! Nous savons que de tels jugements relèvent du politique. Comment penser un moment que le pays colonisateur du Sahara Occidental, donc un allié naturel de la France, puisse être classé autrement ? Pour le pouvoir de la France, l’Algérie est un adversaire objectif de la colonisation depuis 1830, comme il est l’adversaire du Maroc depuis son occupation du Sahara Occidental et suivant le même principe, il est l’adversaire d’Israël à cause de sa colonisation de la Palestine. Si la France a des traitements de faveur envers le Maroc, et non envers l’Algérie, elle est dans l’ordre du pouvoir français qui dure depuis presque deux siècles.

Celles et ceux qui mettent les relations entre le peuple algérien et le peuple français sur le même pied que celui des gouvernants, alors qu’ils sont antagoniques, devraient aller à la source principale qui en fait la distinction. Pour cela, ils doivent relire la Proclamation du 1er Novembre 54 où il est écrit ce qui suit : «Conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme.» Le colonialisme est une idéologie du pouvoir français et ses valets et non celle du peuple français.

Depuis le 15 juin 1830, à ce jour, la différence que fait l’Algérien entre le peuple français et son gouvernant est dans la résistance aux génocides ainsi que dans la lutte pour l’indépendance. Une longue période illustrée par des fleuves de sang, charriés par le colonialisme de peuplement. Une page qui n’a pas encore été tournée par la France, puisque la loi du 23 février 2005 fait l’apologie du colonialisme plus de quarante ans après l’indépendance sans avoir été abrogée à ce jour. Il suffit de rappeler à la journaliste A. C. qu’aucun tortionnaire n’a jamais été inquiété par l’autorité française, bien au contraire, ils ont été promus jusqu’au grade le plus élevé de l’armée et que le seul général, Jacques Pâris de Bollardière, qui a osé dénoncer la torture, a été sanctionné de soixante jours d’arrêt de forteresse, le 15 avril 1957. Il n’a été libéré que grâce à l’intervention de l’ancien résistant Gaston Defferre, ancien ministre, ancien maire de Marseille. Le général quitte plus tard l’armée malgré son jeune âge et une brillante carrière.

Sachant qu’aucune idéologie n’est limitée par le temps et par l’espace, nous pouvons dire aujourd’hui plus que jamais que l’indépendance n’est qu’une étape nécessaire à la lutte contre le colonialisme et ses méfaits. La preuve est dans le retour de l’armée française, et le maintien et l’expansion de l’OTAN en Afrique. Les ennemies d’hier ne sont pas seulement à nos portes !

L’indépendance est, certes, la fin de l’occupation du territoire, sans pour autant marquer la fin du colonialisme. Depuis plus de soixante ans, nous assistons à des provocations jusqu’à l’intervention militaire de la France en Afrique précédée de coup d’Etat, de nuisances sur les institutions et particulièrement sur les jeunes armées du continent, en sus de complots soutenus par un récit des médias H24 sur les Etats africains tissé de mensonges éhontés.

L’écrasante majorité des intellectuels, toutes celles et tous ceux qui n’ont pas jugé le colonialisme de peuplement comme un génocide, sont-ils conscients des services qu’ils rendent à l’idéologie coloniale, dont l’animateur officiel est entouré d’historiens des deux rives et qui se trouvent face à un seul contradicteur en France qui a pour nom Olivier Le Cour Grandmaison depuis, au moins, la publication de son livre Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’Etat colonial, édition Fayard 2005, et qui écrit récemment au sujet de la loi du 23 février 2005 : «La loi qui établit une interprétation officielle et apologétique de la colonisation française en Algérie et dans le reste de l’empire n’était pas l’épilogue d’une entreprise de réhabilitation de ce passé mais le prologue bien plutôt.»

Si Macron continue jusqu’au 30 septembre 2021 à se poser la question sur le passé de l’Algérie, c’est parce qu’il est le porte-parole du colonialisme et, en l’occurrence, il affiche son refus de la victoire du peuple algérien sur la France et l’OTAN du 19 mars 1962, qui est toujours un exemple vivant que le Hirak a su ré-oxygéner. Son racisme est encouragé par les faiblesses de nos gouvernants jusqu’à faire du révolutionnaire un moudjahed ! Quant à son opposition, elle partage souvent les mêmes intérêts que la réaction et reste écartelée entre les deux rives, sans le risque de se noyer en mer Méditerranée comme les harraga qu’elle ignore superbement.

Dernièrement, le Mali exige de Macron d’«abandonner définitivement sa posture néocoloniale». Cette juste exigence fait, néanmoins, fi de la loi de la République française du 23 février 2005 dans son article 1 qui exprime sa reconnaissance aux tortionnaires. La question qui me taraude est comment une nation comme le Mali ne sache pas que Macron n’est rien d’autre que le gardien de la loi de la République. On comprend mieux ce manque de clairvoyance quand, le même jour, la contribution de Yazid Ben Hounet dans son article publié sur le Soir (papier), lui aussi, ne remonte pas aux sources de l’histoire de la France coloniale et l’origine de sa négation naturelle des luttes de libération et particulièrement celle de notre pays. Pour lui ôter sa posture à la France, l’Union africaine doit nationaliser tout ce que possèdent les Occidentaux en Afrique, tout en consolidant ses armées, y compris par des cérémonies solennelles, à l’instar de la journée du 4 août 2022 consacrée à l’ANP en Algérie. A ce sujet, j’écrivais dans mon article «L’absence de l’adjectif anticolonialiste ou le piège pernicieux de la France» que «la manifestation sportive des pays de la Méditerranée à Oran, qui s’est tenue du 25 juin au 5 juillet 2022, et la célébration du soixantième anniversaire de notre indépendance, par notre Armée à Alger prouvent notre victoire sur le terrorisme islamiste, ce valet de l’impérialisme». Nous avons eu l’immense plaisir de voir à la TV quelques visages de ces héros de la victoire sur le terrorisme.

Le mépris des pouvoirs occidentaux prend racine sur des idéologies surannées mais pas seulement car il n’est pas sans lien avec la théorie de l’évolutionnisme issue non pas de Darwin, ce maître en la matière, mais de la théorie de son contemporain Herbert Spencer, qui fait l’éloge du libéralisme en prônant l’eugénisme avec la «conviction que l’animalité, (la sélection naturelle) sous les traits de la concurrence vitale (le marché libre) est de l’élimination des moins aptes». Cette idéologie, qui remonte à 1860, s’ajoute à la panoplie du racisme ancestral, dont celle du colonialisme, avec le but de l’opposer à la critique du capital de Karl Marx, en se servant de la sélection naturelle, cette nouvelle conception de Darwin pour nuire au communisme.

Si on ne daigne pas aller aux origines du mensonge officiel de la France qui est dans son idéologie et, en sus, nouvellement inscrit dans la loi, puisqu’elle date seulement du 23 février 2005 et si on ne remonte pas à la source de ce mensonge par, entre autres, la critique de l’évolutionnisme, on ne sortira pas du piège que nous tendent le néocolonialisme français et ses valets sans dégât.

S. K.

Comment (2)

    Elephant Man
    8 août 2022 - 10 h 57 min

    « Son racisme est encouragé par les faiblesses de nos gouvernants jusqu’à faire du révolutionnaire un moudjahed !» →→→ Sérieux?!!
    Encore une ÉNIÈME fois je reprends mon commentaire pour l’occasion en réponse à un Patriote AP :
    1)Tout d’abord L’État Algérien a l’OBLIGATION et le DEVOIR de légiférer et voter la loi criminalisant le colonialisme français.
    2)«… encore, à réconcilier, à résoudre le conflit des mémoires…» →→→ sauf votre respect, que de balivernes et billevesées quel conflit des mémoires ?!! L’Algérie est un peuple jeune et ne souffre aucunement du maux qui a atteint la France Alzheimer et démence sénile en rente mémorielle récurrente très très très très très très extrêmement extrêmement lucrative qui ressort tel un mantra kama sutra à chaque présidentielle, à chaque problème français et y compris faits divers sans aucun lien avec l’Algérie et les Algériens.
    Je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà écrit à maintes reprises et @Anonyme 13/07/2019 :
    Un raciste restera toujours un raciste.
    Il est temps pour nous Algériens de changer notre politique envers cette France pour le bien de l´Algérie.
    Une des priorités de la nouvelle république….est de régler le contentieux historique avec la France!
    La France devra ou pas demander pardon pour ces crimes, c est son affaire: on ne peut pas exiger de la grandeur de celui qui n´en a pas.
    Mais on doit obligatoirement exiger des réparations pour 132 années de crimes et d´exploitation de pillage.
    C est meme une question d´estime de soi!
    Sans omettre la guerre terroriste par procuration décennie noire.
    «Il n’est question ni de pardon ni d’oubli. Juste la justice, rien que la justice.»
    Ce qui mettra un TERME DÉFINITIF à toutes ces pérégrinations récurrentes.
    C’est marrant la France et le contribuable Français continuent
    d’indemniser à vau-l’eau en rente mémorielle récurrente pour de l’antisémitisme VIRTUEL sans aucun problème…. D’autant que ces mêmes soi-disant victimes soutiennent les néo-nazis ukrainiens…..
    « ÉTONNANT NON ? » pour reprendre le cultissime Desproges.

    Anonyme
    8 août 2022 - 10 h 35 min

    Réciprocité doit être la règle à toute tentative de mépris. Le peuple doit se réveiller et renoncer au mimétisme: tout ce qui est français n’est pas forcément à adopter et c’est loin d’être le meilleur puisque lui même est une copie! Allons peuple un peu de retenue et de raisonnement.

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