Aït Menguellet assène ses vérités crues à la veille de son grand concert parisien
Par Farida O. – Le ciseleur des mots n’a pas dérogé à sa modestie et sa franchise coutumières. Dans sa conférence de presse animée à la veille de son grand spectacle programmé à la prestigieuse salle Accor Arena de Paris, Lounis Aït Menguellet a lancé une pique aux organisateurs, en expliquant qu’il acceptait volontiers de se prêter au jeu de la promotion indispensable dans ce genre d’événements artistiques mais qu’il ne se souciait pas trop de savoir qui est le premier chanteur algérien à s’y être produit. «Bercy, c’est vrai, c’est une des plus grandes, sinon la plus grande, salle de spectacle en France. Mais, au départ, je dois à la vérité de dire qu’il n’y avait pas de signification spéciale [pour moi]. Si les organisateurs ne voulaient pas que je dise tout ça, ben ils n’avaient qu’à ne pas organiser une conférence de presse», a-t-il tancé, devant un modérateur qui avait du mal à masquer sa gêne.
«Sincèrement, tous les qualificatifs élogieux me touchent mais je ne me les attribue pas. Je chante, je fais des chansons et je les chante et c’est tout, je n’ai pas besoin de me donner un nom, à part celui de chanteur. Les noms qu’on me donne – musicien, poète, etc. –, je les accepte selon qu’ils sont dans la logique de ce que je fais et je continue à vivre comme ça», a affirmé le grand artiste, tout en avouant n’avoir «jamais eu envie de devenir chanteur». «C’est vraiment le hasard. Je chantais tout seul, j’avais ma guitare, personne ne m’a appris à en jouer, donc je jouais mal et je joue toujours mal à la guitare», s’est-il confessé dans une totale honnêteté. «Ça me plaisais de faire des chansons, de les chanter, mais pas du tout pour les chanter en public. Je n’ai donc jamais eu l’intention de devenir chanteur», a-t-il insisté.
A ses débuts, Lounis Aït Menguellet était trop timide pour penser qu’un jour il pût se produire devant un public. «C’était inimaginable», a-t-il dit, en ajoutant que «d’une certaine façon», il «essaye de masquer» sa timidité à ce jour. «J’assume pleinement les chansons d’amour par lesquelles j’ai commencé. Quand j’ai écrit ma première chanson, j’avais seize ans. L’âge venant, on commence à voir la société d’un autre regard», a expliqué l’interprète d’Isefra (poèmes). «J’ai changé avec le temps, avec l’âge, avec la maturité. Quoique, la maturité, je me pose encore la question», a-t-il ajouté.
«Partout où j’ai le bonheur de rencontrer des gens, c’est toujours un plaisir renouvelé, que ce soit à l’Accor Arena de Bercy, à Paris, ou à la Maison de la culture de Tizi Ouzou», a assuré l’enfant d’Ighil Bouammas. «Ce serait une immense anomalie que de se produire à l’Accor Arena sans se rappeler Idir. Je peux vous dire que ce concert est un hommage à Idir parce que c’est un ami et son dernier concert, 1, 2, 3 Kabylie, nous l’avons animé ensemble. S’il y a quelqu’un qui mérite que ce gala lui soit dédié, c’est bien Idir», a-t-il ajouté non sans émotion, en soulignant qu’il y aura, lors du gala programmé le 26 novembre courant, «beaucoup de chansons de [ma] jeunesse».
«Lorsque j’ai fait mon premier Olympia en 1978, à la fin du concert, Jean-Michel Boris [le directeur artistique de salle de spectacle à l’époque, ndlr] est venu me voir dans ma loge, ça existe un public comme ça ? m’a-t-il demandé. Vous l’avez bien vu ! lui ai-je répondu. Il m’a alors demandé de faire partie de l’écurie de l’Olympia – c’est comme cela qu’ils appellent les chanteurs qui sont programmés directement par la direction de la salle parisienne. C’est le rêve de tout artiste, il me semble. Depuis, à chaque fois que j’ai envie de m’y produire, il me suffit d’appeler au téléphone et on s’occupe d’organiser le gala, selon mes convenances. Cela, je le dois à un public hors norme», a-t-il reconnu.
«Il faut pouvoir observer la société, c’est de là que viennent tous mes thèmes», a précisé Lounis Aït Menguellet, en se défendant de faire preuve d’une certaine réserve dans ses poèmes politiques, autrement dit de s’autocensurer. «Je ne sais pas si on peut parler de retenue, mais chacun fait sa poésie comme il le sent. La même dénonciation d’un arbitraire, par exemple, peut prendre des formes différentes d’un poète à l’autre. Quand j’écris un poème, je ne dis pas attention il faut que… Non, je l’écris avec les mots que j’estime être justes», a-t-il fait remarquer.
F. O.
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