Les Libyens inquiets de la mainmise des Emirats sur les institutions de leur pays
Par Nabil D. – Au début concentré sur l’est de la Libye, le régime d’Abu Dhabi élargit son influence à l’ouest, où il arrache des concessions auprès du chef du gouvernement de Tripoli, dirigé par le contesté Abdelhamid Dbeibah. Les conclusions d’un rapport récent du Centre libyen des études sécuritaires et militaires nous permettent de confirmer l’implication de Mohammed Ben Zayed, sous-traitant d’Israël, dans la rencontre entre l’ex-ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangoush, avec le chef de la diplomatie israélienne, Eli Cohen, à Rome, en août dernier. Une rencontre qui avait été révélée par la partie israélienne et qui avait fait capoter l’action d’Abu Dhabi visant à faire rallier la Libye au camp des normalisateurs.
Dans son rapport, l’institut libyen s’inquiète des «conséquences catastrophiques» du rôle joué par les Emirats arabes unis «à l’intérieur de la scène libyenne depuis la révolution du 17 février [2011] qu’ils cherchent à faire avorter en créant une situation d’instabilité dans le pays». «L’interventionnisme émirati a causé des divisions politiques et militaires au sein des institutions de l’Etat et détruit le tissu social et économique du pays», relève l’étude, qui indique qu’Abu Dhabi a transgressé les lois internationales imposant un embargo sur les armes pour éviter la poursuite des affrontements entre les différents belligérants. «Ce qui a conduit à l’augmentation du nombre des victimes et coûté au pays des milliards de dollars», pointe le rapport, qui s’interroge sur le rapprochement entre Abu Dhabi et le gouvernement de Tripoli.
Le document met en avant l’influence des Emirats arabes unis dans la désignation du nouveau patron de la société nationale libyenne du pétrole (LNOC), Ferhat Bengdara. Ce dernier possède une carte de résidence émiratie, apprend-on, et est à la solde de Mohammed Ben Zayed. Bengdara serait à la fois proche de Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen, et de son rival tripolitain, Abdelhamid Dbeibah, depuis que ce dernier a effectué une visite aux Emirats, le 25 juillet dernier. «Dix jours à peine après la nomination de Bengdara à la tête de la compagnie pétrolière libyenne, la firme pétrolière émiratie ADNOC a créé une société mixte pour l’exploitation de gisements pétroliers en Libye», fait savoir l’institut libyen, qui précise que les Emiratis ont également fait main basse sur les ports, dans le cadre de leur projet hégémonique visant à contrôler les voies maritimes dans la région.
Le Centre libyen des études sécuritaires et militaires met en garde contre les contrecoups «dangereux» de cet entrisme sur l’économie libyenne, de plus en plus soumise à la domination émiratie. Il n’y a pas qu’en Libye que le cupide Mohammed Ben Zayed, dévoré par l’ambition, s’échine à étendre ses tentacules. Au Maroc, il règne en véritable maître. L’Algérie se trouve ainsi prise en étau.
N. D.
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