Xavier Driencourt veut se racheter : «Je n’ai pas de rancœur envers l’Algérie»
Par Kamel M. – «Il n’y a pas de rancœur dans [mon] livre. Dès le départ, je dis que j’aime l’Algérie, que c’est le seul pays, et c’est vrai, durant toute ma carrière diplomatique, où j’ai gardé autant d’amis, de vrais amis que je continue à voir régulièrement, je n’en ai pas gardé dans les autres pays où j’étais ambassadeur ou j’ai occupé d’autres fonctions», a affirmé Xavier Driencourt, dans un débat avec l’ancien eurodéputé d’origine algérienne, Karim Zeribi. «Il n’y a pas de rancœur dans [mon] livre, a-t-il répété, mais je pense qu’il faut dire un certain nombre de choses, parce que ce qui m’a frappé durant mes deux séjours en Algérie, c’est que notre classe politique, de droite comme de gauche, est très inhibée sur l’Algérie, pour une raison simple, parce que l’Algérie, comme Israël du reste, sont les deux seuls pays qui sont à la fois de la politique étrangère et intérieure française».
«On a des politiques qui sont timorées sur l’Algérie», a indiqué l’ancien ambassadeur de France à Alger, connu pour ses écrits hostiles. «Sur la question de la mémoire, je trouve que la démarche du président [Macron] est positive. Ce que je regrette, en revanche, c’est qu’il n’y ait pas eu de réponse du côté algérien», a-t-il dit, en rappelant qu’il a proposé que soient exemptés du visa les Français nés en Algérie avant 1962, notamment les harkis, tout en assurant que ses interlocuteurs du FLN «s’étaient montrés compréhensifs», ce qui est difficile à croire.
«Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont dit une chose à Alger et son contraire à Paris», a admis l’auteur de L’énigme algérienne, ce à quoi Karim Zeribi a répondu : «C’est donc la France qui a une relation schizophrène avec l’histoire et non pas l’Algérie».
S’agissant du débat sur l’immigration, dans lequel le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, vient de se casser la gueule au Parlement, Xavier Driencourt a expliqué qu’«il y a eu les accords d’Evian qui prévoyaient la libre circulation entre la France et l’Algérie, parce qu’au moment de la négociation de ces accords, nous pensions du côté français que les pieds-noirs resteraient en Algérie. Il y a une période où les accords d’Evian n’ont profité qu’aux Algériens et non pas aux Français d’Algérie, puisqu’il n’y en avait plus ou très peu. Alors, on a négocié l’accord franco-algérien de 1968 qui n’établit pas la libre circulation comme en 1962, mais donne un régime plus favorable que les autres pays n’avaient».
«Dans notre ordre juridique, a-t-il étayé, il y a une hiérarchie des normes que sont la Constitution, les traités internationaux et les lois. Le traité franco-algérien passe avant les lois, ce qui veut dire que toutes les dispositions qui sont prises en matière d’immigration ne concernent pas les Algériens». «Je dis sur l’accord de 1968 et sur la question des visas, qu’il faut remettre les choses sur la table et renégocier aujourd’hui, en 2023, ce qui avait été négocié en 1968, c’est donc il y 57 ans», a-t-il renchéri. «Je dis qu’il faut dire aux Algériens qu’il faut renégocier complètement le dispositif franco-algérien, sinon nous dénoncerons cet accord», a menacé cet ancien diplomate, en révélant avoir essayé de renégocier ledit accord une quatrième fois en 2011, mais que «les Algériens [l’ont] envoyé balader». «Vous ne savez pas ce qu’est la négociation quotidienne avec les Algériens», a-t-il martelé.
Dans un autre registre, Xavier Driencourt, qui a appelé à «sortir du tête-à-tête souvent malsain entre la France et l’Algérie», a fait constater que la France est passée de 16% de parts de marché en Algérie en 2010, à 10% actuellement, invoquant «mille feuilles administratives» en France, c’est-à-dire une bureaucratie hypertrophiée, et un «manque de tonicité des entreprises françaises dans le commerce courant». «Les décisions algériennes sont largement politiques», a-t-il ajouté, en pointant un «problème de transfert de fonds» de et vers l’Algérie, dans ce débat, durant lequel il a eu tout le mal du monde à cacher sa… rancœur qu’il a nié pourtant nourrir envers l’Algérie et les Algériens.
K. M.
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