L’Algérie doit mettre fin au détachement des imams en France pour le Ramadhan
Par Abdallah Zekri(*) – Le président Emmanuel Macron a annoncé, en février 2020, la fin du détachement des imams, lors de son discours à Mulhouse. Le ministre de l’Intérieur, M. Gérald Darmanin l’a rappelé fin 2023, en précisant que cette fin concernait désormais 180 imams – 120 originaires d’Algérie et 60 de Turquie – sur les 3 000 qui exercent en France.
Le ministre de l’Intérieur a annoncé également que parmi les 180 imams détachés, ceux qui le souhaitaient pourraient continuer à exercer s’ils changent leur statut avant le 1er avril 2024, en devenant salariés de leurs mosquées d’affectation.
Pour les imams détachés pendant la seule période de Ramadhan, le ministre a indiqué que rien ne changera. Leur situation passée comme à venir relève du domaine de la coopération franco-algérienne qui est sous la responsabilité des deux Etats.
Cependant, en tant qu’acteur de terrain depuis des décennies, en charge de la gestion d’une mosquée à Nîmes, fréquentée par de nombreux fidèles franco-algériens, je tiens à exprimer ma vision sur ce système des imams détachés pour le mois de Ramadhan.
Je pense que ce système, tel qu’il est, présente de nombreux défauts, malgré l’avantage apparent que peuvent en tirer quelques mosquées françaises.
En effet, les imams candidats à ce détachement déposent leur demande de congé en Algérie durant le mois sacré pour se rendre en France et y occuper un poste temporaire dans des conditions parfois inadéquates. Chacun sait que le Ramadhan est le moment où les mosquées ont le plus besoin des imams y officiant. Dès lors, les fidèles de ces mosquées ne comprennent pas ce comportement égoïste de ces imams saisonniers et ne comprennent pas non plus qu’ils puissent obtenir facilement des autorisations de quitter l’Algérie et laisser leurs mosquées qui a besoin de leurs offices.
Sans généraliser, malheureusement, certains de ces imams viennent en France avec l’intention de «se faire un peu de devises». S’ils viennent dans cet état d’esprit pour exercer dans des mosquées fréquentées par des fidèles de toute origine, il est à craindre que cette image d’imam «nécessiteux» impacte négativement l’image de l’Algérie et des Algériens.
Le fait qu’ils viennent en France sans une réelle prise en charge par l’Etat pousse certains d’entre eux à demander la charité auprès des fidèles. Des mosquées de France organisent des collectes pendant le mois de Ramadhan pour faire face à leurs nombreuses dépenses de l’année. Certains de ces imams demandent à partager avec la mosquée le fruit de ses collectes. Ce faisant, ils renvoient à nouveau une image indigne et attentent à la fierté des Algériens et de leur pays.
Lorsqu‘un imam est de niveau de récitation moyen, il laisse s’installer l’idée que l’Algérie ne dispose pas de bons psalmodieurs. A contrario, lorsqu’il est de bon niveau, il laisse derrière lui sa mosquée et ses fidèles en Algérie ; en quête d’un remplaçant qui pourrait ne pas donner satisfaction. Ces fidèles de toute l’année ne sont-ils pas prioritaires par rapport à d’autres à l’étranger ?
Par ailleurs, pérenniser ce système n’aidera pas les musulmans en France à faire apprendre le Coran à leurs enfants qui pourront à l’avenir assurer les prières des tarâwîh(**). Cette autonomie est nécessaire pour préserver à moyen et à long termes l’identité religieuse des musulmans en France. Rester tributaire de l’étranger, fût-ce l’Algérie, notre pays d’origine, avec le risque d’un changement de politique française, comme c’est déjà le cas pour les imams détachés, n’est pas de nature à préserver cette identité.
Je pense que l’Algérie doit afficher une position cohérente et digne. La France a souhaité retrouver sa souveraineté sur son sol en mettant fin aux imams détachés, l’Algérie doit en tirer toutes les conséquences en mettant fin également aux imams détachés pour le mois de Ramadhan.
A. Z.
(*) Recteur de la mosquée de la Paix, à Nîmes, France
(**) Prières quotidiennes du soir pendant le mois de jeûne du Ramadhan
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