Caste compradore et indépendance économique en Algérie
Une contribution de Kadour Naïmi – Les ultimes décisions du président de la République en matière d’exportations et d’importations (1) suggèrent des observations à débattre.
Pourquoi l’Algérie de 1962, comparée à la Corée du Sud de la même année, n’a pas réalisé un semblable développement économique ? Pourtant, ce dernier pays ne disposait ni de pétrole ni de gaz.
L’un sinon le motif n’est-il pas dans la corruption qui régna en Algérie, et cela dès l’indépendance nationale ? Se rappelle-t-on la déclaration, en substance : «Celui qui travaille dans le miel ne peut pas ne pas y tromper ses doigts» ?
La corruption peut-elle exister et gangrener une nation si elle n’est pas permise par la médiocrité des responsables administratifs ? S’il ne s’agit pas de médiocrité, que serait-ce, sinon de la complicité ?
Quel serait le motif de cette complicité sinon l’enrichissement illicite de dirigeants administratifs ? Au pays et/ou ailleurs, ils s’octroient des biens immobiliers et ouvrent un compte bancaire, de préférence off-shore, en leur nom, celui de membres de leurs familles ou autre complice.
En pensant à l’insuffisant développement économique en Algérie, la cause principale ne réside-t-elle pas dans l’existence d’une caste compradore ?
Quelle est sa caractéristique ? Engranger de l’argent en privilégiant l’importation en Algérie, donc en empêchant toute possibilité de production interne. Ainsi, cette caste, selon son avidité, manipule les prix de vente sur le marché national.
Pour y parvenir, elle doit corrompre les décideurs étatiques qui, alors, trahissent le mandat de servir la nation et non de se servir eux-mêmes. Exemple : une voiture coûte tant dans le pays producteur. Importée en Algérie, elle coûte au consommateur trois fois plus en raison des pots-de-vin, des commissions… Si, au contraire, le véhicule est produit en Algérie, son coût au consommateur se limiterait à son prix réel. Autres avantages : le véhicule est produit en Algérie, par l’emploi d’une main-d’œuvre nationale, donc résorption du chômage, donc satisfaction des citoyens.
Par conséquent, le développement autonome de l’Algérie, autrement dit son indépendance économique, exige la neutralisation de cette caste compradore.
Ainsi disparaîtrait le phénomène de la corruption, non pas totalement (elle existe dans toutes les nations, à des degrés divers), mais comme phénomène assez grave pour s’opposer au développement autonome de l’économie algérienne.
De ces considérations découle une autre : au lieu de manifester une fierté extrême comme Algériens, n’est-il pas plus utile de se contenter d’une sage modestie, tant que le pays n’a pas réalisé sa pleine indépendance économique dans tous les domaines ? Et mettre toute la fierté à neutraliser cette caste compradore ? Qu’est-ce que l’indépendance politique sans indépendance économique, laquelle signifie une production autonome ?
Qu’est-ce qui différencie l’Algérie de la Corée du Sud, de la Corée du Nord, du Viet Nam, de Cuba (aucun d’eux ne dispose de pétrole et de gaz) en matière d’autonomie économique ? N’est-ce pas la présence néfaste de la caste compradore en Algérie ?
Reconnaissons la gravité du phénomène : la construction de l’autoroute, de lignes de métro et de tram, d’immeubles et même du sanctuaire du Martyr, pourquoi leur construction par des étrangers ? Le secteur éducatif algérien serait-il dépourvu de personnel capable de telles réalisations ? Dans l’affirmatif, il faudrait de toute urgence rendre le secteur éducatif capable de produire des agents nationaux en mesure de construire en Algérie tout ce dont le pays a besoin. Si ces agents existent déjà, comment expliquer le fait de confier les travaux à des étrangers ?
L’Algérie nouvelle ne consiste-t-elle pas à réaliser l’indépendance économique, après avoir conquis celle politique ? Les consommateurs seraient plus satisfaits de leurs dirigeants et les jeunes, trouvant une occupation productive, ne se risqueraient pas à la noyade en mer. Citoyens consommateurs et jeunes désespérés défendraient avec plus de conviction leur nation contre toute agression étrangère.
L’entreprise de neutralisation de la caste parasitaire n’est pas facile : partout dans le monde, elle gangrène une nation tant que ne se dresse pas contre elle la volonté étatique. Pour que celle-ci dispose de la force nécessaire, elle a besoin du soutien des citoyens. Pour l’obtenir, ces derniers doivent être informés correctement de l’enjeu par le système médiatique étatique. Tout voyage commence par un premier pas.
L’action est urgente ! Parce que la caste compradore algérienne est structurellement liée, par ses intérêts, à la caste étrangère qui tire son profit de l’exportation en Algérie, en concédant des miettes aux importateurs algériens. Autrement dit, la caste compradore algérienne est et sera complice d’une éventuelle agression contre l’Algérie pour maintenir la domination économique sur elle.
Cela signifie de considérer comme ennemi de l’Algérie et de son peuple non seulement des forces étrangères, mais, tout autant, celles, intérieures, qui ont avec les premières des intérêts communs.
Veut-on diminuer l’action d’influenceurs politiques algériens hostiles à l’Algérie et les velléités étrangères d’agression contre elle ? Contester leurs déclarations est nécessaire. Mieux encore : agir de manière urgente et efficace pour doter l’Algérie d’une indépendance économique. Donc, neutraliser au plus tôt la caste compradore, seul moyen efficace d’éliminer l’influence néfaste de la corruption et de permettre l’existence de responsables administratifs honnêtes et compétents. C’était l’idéal de celles et ceux qui ont consenti leur vie pour que vive l’Algérie.
K. N.
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