L’archevêque d’Alger : «La crise entre l’Algérie et la France est entretenue !»
Par Houari A. – «C’est la crise la plus grave entre l’Algérie et la France et on sent qu’elle est entretenue et nourrie», a affirmé à la chaîne publique française France 24 Mgr Jean-Paul Vesco, à partir de Rome, où il a assisté à l’élection du pape Léon XIV.
«En tant que Français vivant en Algérie depuis plus de 20 ans et en tant que Franco-Algérien, j’ai une vision, j’ai un regard que l’on ne peut pas avoir depuis la France», a appuyé l’archevêque d’Alger, se disant persuadé que «ce n’est pas simplement la question des rapports entre la France et l’Algérie, ce n’est pas seulement deux pays, deux Etats, mais à travers les rapports et les tensions entre ces deux Etats, ce sont des millions de personnes qui sont touchées dans leur intérieur».
«Ce que m’ont enseigné ces plus de 20 années passées en Algérie, avec le regard qui est le mien, c’est sentir à quel point 130 ans de colonisation ont laissé une blessure extrêmement profonde dans l’âme algérienne et qu’il a manqué cette prise de conscience véritable», a affirmé le dignitaire religieux, selon lequel «tant qu’on n’aura pas regardé cette question-là en face, on ira de crise en crise et ça ne s’arrêtera pas».
«Il y a bien longtemps qu’il aurait dû y avoir – je ne sais pas si c’est encore possible, je l’espère – plus que des excuses formelles, mais essayer de prendre conscience de ce que représente cette blessure», a insisté Mgr Vesco, en ajoutant que les Français n’ayant pas subi la colonisation, ils ne peuvent ressentir «ce que c’est que de n’avoir compté pour rien sur sa propre terre». «Ça laisse des blessures», a-t-il souligné. «Je pense qu’il y a, entre la France et l’Algérie, un rapport d’abuseur à abusé et ce n’est pas une violence comme les autres, elle doit être traitée comme telle», a-t-il poursuivi.
L’archevêque d’Alger constate qu’il est difficile actuellement de présenter des excuses «parce qu’aucun Français n’est responsable à titre personnel aujourd’hui de ce qui a été vécu pendant ces 130 ans». «Mais nous avons une responsabilité collective», a-t-il admis, tout en appelant à la fraternité, car «nous en avons besoin plutôt que de construire des murs».
«La France, pendant ces 130 années de colonisation en Algérie comme ailleurs, n’a pas été à la hauteur de sa devise républicaine. Il est temps de le faire maintenant. Il est temps de nous rencontrer, parce qu’à chaque fois qu’il y a des tensions entre ces deux Etats, ce sont des millions de personnes, des Français qui se sentent eux-mêmes insécurisés dans le pays dans lequel ils vivent et qu’ils contribuent à faire vivre», a insisté le cardinal Jean-Paul Vesco.
«Je n’ai pas de solution, je veux simplement alerter sur le fait que, dans le silence, on ne les entend pas, que dans le silence, c’est la nation française qui est en train de se fracturer», a encore dit l’archevêque d’Alger, en expliquant qu’«il y a un soubassement», que «ce sont des émergences à des problèmes beaucoup plus profonds».
H. A.
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