Trump au bazar
Par A. Boumezrag – Le Golfe, ce vaste bazar géopolitique, a vu revenir Donald Trump comme on revoit une vieille série. Plus caricatural, plus bruyant et toujours avec la même morale : les affaires d’abord. En ce printemps 2025, sa tournée entre Riyad, Doha et Abou Dhabi a tout d’un roadshow stratégique. Objectif : vendre, verrouiller et faire oublier que la paix n’est jamais à l’ordre du jour.
A Riyad, Trump a été accueilli en roi du business. Résultat : 142 milliards de dollars en contrats d’armement, un pacte de sécurité élargi et des sourires en or poli. La paix ? Elle viendra plus tard, en option, comme un supplément diplomatique qu’on active selon les circonstances.
A Doha, place aux Boeing : 160 avions commandés par Qatar Airways. Pour Trump, c’est «l’Amérique qui gagne encore» ; pour le Golfe, c’est l’assurance de figurer au tableau d’honneur des alliés stratégiques. On achète du matériel, on achète du silence, on achète du sursis.
Aux Emirats, les discussions ont porté sur l’«innovation militaire», comprendre : drones, IA, cybersécurité et surveillance généralisée. Le tout emballé dans le langage lisse de la «sécurité partagée». Là encore, ce n’est pas la paix qui s’impose, mais la continuité du contrôle.
La tournée de Trump confirme une vérité froide : la guerre est une langue que les puissants parlent avec aisance et que les faibles apprennent en silence. Chaque contrat signé est un signal : l’ordre mondial ne se discute plus à l’ONU, mais entre acheteurs d’armes et marchands d’influence.
Pendant que les Etats-Unis alignent les contrats, la Russie parachute ses «conseillers» dans des zones grises, la Chine construit ses routes d’intérêts sans drapeau, la Turquie multiplie ses bases militaires de l’Afrique au Levant, et les Emirats achètent des ministres en costume trois-pièces.
Trois leçons et un aveu : la paix ne se signe pas, elle se loue à l’heure ; la guerre, elle, se vend très bien, en kits prêts-à-l’emploi ; les peuples ne décident pas, ils encaissent : exils, répressions ou promesses creuses. La guerre n’est pas seulement un affrontement, c’est une marchandise, un business où seuls quelques-uns gagnent, aux dépens des autres, toujours.
«Armons-nous, et partez !» : la rengaine éternelle. Toujours les mêmes qui s’enrichissent, toujours les mêmes qui meurent. Une histoire sans fin, un éternel recommencement où les puissants jouent aux marchands d’armes, les intermédiaires tirent les marrons du feu et les peuples restent les pions.
Au bout du compte, que reste-t-il ? Des contrats signés à coups de milliards, des armées mieux équipées mais plus désorientées, des populations exsangues et des gouvernements plus dépendants que jamais.
Les grandes puissances ? Elles poursuivent leur danse macabre, en vendant la guerre comme un produit juteux, tout en brandissant la paix comme une illusion de façade.
Comme toujours, les vrais gagnants sont ceux qui vendent les armes, manipulent les alliances et ignorent les cris du terrain, tandis que les peuples, eux, paient la facture en sang, en exil et en espoirs brisés, condamnés à jouer le rôle de simples pions sur l’échiquier des grandes puissances.
A. B.
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