La France, Israël et les Emirats au cœur d’une conjuration contre l’Algérie
Par Khaled Boulaziz – Depuis plus d’un siècle, la géopolitique coloniale n’a pas disparu. Elle a simplement changé de masque. Les uniformes ont été troqués contre des costumes d’experts, les baïonnettes contre des think tanks et les canons contre des drones télécommandés depuis des déserts «partagés». Mais l’objectif reste inchangé : faire taire l’Algérie. L’encercler. La démembrer politiquement, moralement, symboliquement.
Derrière ce projet rampant, trois têtes : la France, qui rêve encore de son empire ; Israël, qui cherche à étouffer toute voix solidaire de la Palestine, et les Emirats arabes unis, cette boutique de luxe pour tyrans en fin de contrat. A leurs pieds, comme des pions dociles et rutilants : le Maroc, et les régimes militaro-fragiles du Sahel. Tous alignés dans une même conjuration. Et tous unis dans une vieille haine renouvelée : celle de l’Algérie debout.
On croyait la France sortie de l’Afrique. Elle s’y promène encore. En civil. En banquier. En parrain. Sa main n’est plus gantée de velours, mais gantée d’intérêts. Et, surtout, d’un ressentiment profond envers l’Algérie, ce pays qui a osé lui arracher sa liberté au prix de plus d’un million de morts. Depuis 1962, la France rêve d’un Maghreb sous contrôle, et l’Algérie est l’épine dans sa carte.
Elle soutient le Maroc dans sa fuite impériale, le caresse dans le sens du désert et détourne les yeux face à ses provocations. Au Sahel, elle manipule l’insécurité comme un levier pour justifier la présence de ses troupes, puis feint de se retirer tout en laissant les clés aux sous-traitants du Golfe. Toujours avec la même obsession : réduire l’influence algérienne, neutraliser sa diplomatie africaine, casser son axe Sud.
Depuis la normalisation de 2020, le Maroc est devenu une extension diplomatique et militaire d’Israël. Pas un partenaire : un relais. Pas un allié : une base. Novembre 2021, le ministre israélien de la Défense signe à Rabat un accord militaire historique : renseignements partagés, formations croisées, ventes d’armes. Le tout scellé sous l’œil bienveillant de Washington. 2022, des drones Harop de fabrication israélienne sont utilisés par le Maroc dans ses opérations au Sahara Occidental. Technologie chirurgicale. Occupation propre. Le Mossad, selon plusieurs fuites, dispose d’accès directs aux services marocains. Surveillance des dissidents, espionnage régional, modélisation des trajectoires de missiles : bienvenue dans l’âge du vassal numérique.
Ce que la colonisation française avait entamé, l’influence israélienne l’achève. Aujourd’hui, le Makhzen obéit à Jérusalem plus vite qu’il ne répond à son propre peuple. Il offre son sol, son ciel, ses câbles, son renseignement. Le Maroc devient un laboratoire de la soumission militaro-sioniste, un prototype d’Etat néocolonial stylisé.
Pendant qu’Israël fournit la technologie et que la France écrit le script, les Emirats arabes unis paient la facture. Car, dans cette comédie sanglante, Abu Dhabi est le sponsor officiel de la laideur.
Ils financent des campagnes de désinformation, des médias toxiques, des groupes armés, des putschs à peine déguisés. Ils manipulent la diplomatie arabe comme un jeu d’échecs, plaçant des cavaliers là où la résistance pourrait émerger. En Libye, ils soutiennent Haftar contre tout embryon de souveraineté populaire. Au Soudan, ils nourrissent les généraux pendant que le peuple meurt. Au Sahel, ils jettent leur argent comme on jette de l’huile sur le feu.
Et toujours, derrière ces gestes, un objectif : couper l’Algérie de son rôle historique de pilier maghrébo-africain. Isoler Alger. L’amputer de sa profondeur stratégique. L’affamer symboliquement.
Mais une cabale sans argumentaire, c’est comme un escroc sans rosette. Il faut des mots, des concepts, des schémas. Et c’est là qu’interviennent les «intellectuels d’appui». Une génération de doctorants brillants – du moins en apparence – qui récitent leurs notes comme on obéit à un général. Formés dans des «instituts de géopolitique», sponsorisés par le Golfe ou une ambassade zélée, ces universitaires sous influence pondent des thèses comme des bombes à fragmentation intellectuelle. Leur arme : le jargon technocratique au service du mensonge. Ils parlent de «profond ancrage transsaharien du Maroc», de «continuité civilisationnelle ouest-africaine», de «pivot sécuritaire néochérifien», avec la gravité d’un moine et le sérieux d’un vendeur de serpents. Leur méthodologie ? Copier-coller des rapports de Bonamy, saupoudrés de PowerPoint en anglais. Leur objectif ? Habiller la recolonisation avec le costume de la science.
Ces thèses, soutenues avec brio devant des jurys complices, ne servent ni la vérité ni le peuple, mais uniquement le plan de domination. Elles offrent une caution «scientifique» à la soumission. Ce sont les fiches techniques de l’occupation postmoderne.
Dans tout cela, le Maroc ne pense pas. Il exécute. Il veut le Sahara, mais il cède sa souveraineté. Il veut être reconnu, mais se fait ventriloquer. Il a troqué sa dignité pour un drone. Il agite le drapeau chérifien pendant que c’est Tel-Aviv qui dicte les ordres, Abu Dhabi qui finance et Paris qui encadre.
Rabat n’est plus une capitale souveraine : c’est un nœud de câbles, une zone franche idéologique, une base logistique du néocolonialisme israélo-occidental. Et pendant que la presse officielle crie à la grandeur retrouvée, les peuples du Sahara, eux, étouffent.
Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas une simple querelle régionale, ni un désaccord diplomatique : c’est une guerre douce, rampante, technologique et symbolique contre la souveraineté de l’Algérie. Une guerre sans déclaration officielle, mais avec des pions identifiés, des alliances contre nature et des plans dressés dans des chancelleries hostiles.
La France, Israël et les Emirats forment un axe de reconfiguration coloniale dont l’objectif n’est pas seulement le démembrement de l’Algérie, mais la soumission totale du Maghreb et de l’Afrique du Nord aux logiques néolibérales, sécuritaires et normalisées. Leur rêve : une région docile, sans mémoire, sans résistance, peuplée de régimes fantoches et de peuples abrutis.
Face à cette entreprise, l’Algérie ne peut plus se contenter de la vigilance diplomatique, ni de la neutralité stratégique. Elle doit assumer pleinement son rôle historique : celui d’un pôle indépendant, capable de fédérer autour de lui les nations libres, les peuples opprimés et les voix insoumises. Elle doit renforcer son front intérieur, éteindre ses divisions, reprendre le fil de sa Révolution inachevée.
Le combat n’est plus seulement militaire. Il est intellectuel, économique, culturel, médiatique. Il exige une mobilisation totale, une réactivation des consciences, une réappropriation de notre histoire et une lecture lucide de notre géographie.
Ceux qui pactisent aujourd’hui avec l’ennemi ne sont pas des adversaires idéologiques : ce sont des complices objectifs d’une recolonisation reconfigurée. Et ceux qui, en Algérie, prétendent neutraliser cette menace sans nommer ses agents, ni leurs parrains, participent, par leur silence, à la désagrégation lente de notre souveraineté.
L’heure n’est plus au constat. L’heure est à la contre-offensive. Une contre-offensive intellectuelle, diplomatique, militaire si nécessaire. L’Algérie ne peut ni plier ni attendre. Elle doit reconstruire son axe africain, son influence méditerranéenne, sa centralité géostratégique, en s’appuyant sur ses principes et ses alliances naturelles. Pas sur les mirages des traîtres.
K. B.
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