Ce qui se trame contre les Algériens via le rapport sur les Frères musulmans
De Paris, Mrizek Sahraoui – Brandi comme le trophée du siècle, le rapport, classé secret-défense et paré d’oripeaux de la raison d’Etat, sur les Frères musulmans a des objectifs autres que ceux avancés par le ministre de l’Intérieur. Derrière le faux donc prétexte de la lutte contre l’entrisme islamiste se cache en réalité un projet précis : la déchéance civique des citoyens musulmans et des binationaux, entendre des Franco-Algériens, qui se trame au nom d’un soi-disant combat contre l’extrémisme religieux.
La coïncidence de la publication, qui intervient à quelques encablures des élections municipales, prévues en 2026, interroge et donne raison aux observateurs. Le rapport qui, prétendument, met en cause l’influence des Frères musulmans dans les institutions, alors que la France officielle les reçoit en grande pompe au palais de l’Elysée, vise à restreindre drastiquement la participation politique des Français musulmans et des binationaux aux futurs scrutins. C’est, notamment, l’analyse de Vincent Geisser, politologue et chercheur au CNRS, lequel pointe une «sérieuse crainte» que ce rapport serve de base légale à des mesures empêchant les musulmans engagés dans la vie civique de se présenter aux élections, tous des talents reconnus localement.
La crainte est plus que justifiée. Ce rapport, qui admet lui-même qu’aucun élément ne prouve une volonté d’imposer la charia en France, ni de renverser l’Etat, s’inscrit dans la continuité de la loi séparatisme de 2021 et du rapport sénatorial de 2023 sur l’entrisme islamiste, document qui était passé alors sous les radars médiatiques. La loi contre le séparatisme de 2021 a largement renforcé le contrôle des associations. Des élus locaux issus de la diversité musulmane y avaient vu et dénoncé une «stratégie de disqualification systématique». Avec le rapport version Darmanin-Retailleau, l’on assiste en quelque sorte à l’avènement et à l’application de la préférence nationale, revendication majeure continue dans le programme du Rassemblement national, cryptique qui efface l’isonomie républicaine.
Beaucoup s’interrogent jusqu’où ira Bruno Retailleau dans son projet de restriction de l’accès aux mandats électoraux aux citoyens français de confession musulmane ; jusqu’où ira-t-il dans la stigmatisation de la communauté musulmane à travers l’instrumentalisation politique de la lutte contre les Frères musulmans, une récupération qui menace sérieusement d’aggraver les fractures sociales déjà béantes ?
Les concernés, en tout cas, ne comptent pas se laisser tout bonnement exclure de la vie démocratique de leur pays sans réagir. Un Oxymore : une République pratiquant l’ostracisme par proscription douce par le biais de pressions infrapolitiques, d’anathèmes médiatiques, la marque de fabrique des médias de Bolloré, le parrain de Retailleau.
M. S.
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